[EVENT REV x NEFFY] De l’autre côté du miroir : Timeline 1

Survoler la capitale à son crépuscule avait quelque chose de magique. Les tours et les gratte-ciels illuminés réfléchissaient plus haut encore l’éclat des voitures le long des grandes avenues et l’air chargé de diverses particules délivrait un parfum étrange que l’on ne trouvait nulle part ailleurs. Lassé de ses sauts, le petit fantôme cornu observait en altitude le spectacle qui se déroulait en dessous. Des gens déguisés en monstre hideux ou parés de tenue des plus affriolantes prétextant que l’occasion faisait le larron ou quelque chose comme ça. Il y avait des gens partout ce soir là et tous s’amusaient à se faire peur pour quémander des bonbons ou des choses comestibles de type sucrées. Alors comme ça les fantômes étaient à l’honneur ? Les farces étaient de mise ? Bien, dans ce cas le diabolique petit génie se ferait un plaisir de se soumettre aux traditions en vogue.

Glissant au travers de la façade du building le plus proche, il découvrit un intérieur chaleureux aux allures professionnelles. Apparemment c’était un bureau et sa propriétaire marchait en zigzag, finissant quelques préparatifs tant décoratif que vestimentaires. Déguisée en chasseuse de vampires d’une ère depuis bien longtemps dépassée, la jeune femme ajustait des petites lunettes pinces-nez aux verres opaques et réfléchissants tout en donnant de consignes à tout ceux qui se trouvait autour d’elle.

- Gustave tu gardes l’agence avec Paolo et Marlène. Tu te souviens, si les gamins veulent des bonbons, vous leur foutez les jetons et ceux qui partent pas en courant ont le droit à leur récompense, Capicce ? Elle ajusta un camée orné d’une nirondelle en vol autour de son cou. Rev ? REV-EUH ! Je te paye pas à traînasser, bouge !

Toquant à la porte de ce qui devait servir de bureau à la personne en question, la jeune femme stoppa en face d’un miroir pour ajuster sa tenue et vérifier son maquillage. Le petit génie en profita pour apparaître dans le miroir, qui se mit à cracher de la buée. Le fabuleux tordit son visage dans une grimace peu naturelle, certain de faire son petit effet... Mais la jeune femme blasée s’écarta trop vite lancant.

- Si c’est toi qui a géré le miroir bien joué c’est cool comme résultat. Mais maintenant dépêche toi, Nyssa a prévu sa petite soirée au casino, on est pas invités on va quand même pas en plus arriver en retard. Je descend, on se retrouve à la Spyker.

Hagard, le petit fantôme observa la scène vexé. Alors comme ça sa blague n’avait pas marché et en plus un autre en récoltait les lauriers ? Ça ne se passerait pas comme ça. Attendant que le fameux Rev sorte, il réitéra son manège, l’air plus lugubre que jamais mais en plus il lança un de ses anneaux au sol, envoyant le malheureux on ne sait où. Sortant du miroir il s’élança lui même dans un second portail, atterrissant dans un autre coin de l’île.

Des couloirs sombres, des portes vierges et une ambiance de tension palpable, mais quel pouvait être cet endroit. Débouchant tout d’abord dans une salle de réunion vide, le spectre visita plusieurs pièces avant d’en trouver une habitée. L’endroit était vaste et regorgeait d’appareils et d’outils aussi innombrables qu’étranges. Une seule personne se trouvait dans la pièce et avait assez d’impact pour en occuper tout l’espace du son de sa voix. La présence faisait elle aussi des allers-retours, d’appareil en outils, d’outils à machines encore et encore, pestant contre d’invisibles bouseux. Le djinn décida dans un premier temps de jouer les esprits frappeurs, faisant virevolter des objets de tailles variées tout en restant invisible mais voyant qu’une fois encore sa blague n’eut pas l’effet escompté, il décida de s’en remettre à la solution précédente.  Trouvant une surface réfléchissante, il attira le scientifique à lui, lui offrir un spectacle terrifiant et le projeta au travers d’un de ses anneaux. Mais où ?

Les deux hommes se retrouvèrent dans la capitale à deux pâtés de maison l’un de l’autre, chacun à mi-chemin de l’arène locale. Le lieu pourrait leur sembler familier mais en même temps, quelque chose avait changé. Il y avait moins de gens dans les rues, les affiches n’étaient pas les mêmes, l’odeur de l’asphalte avait changée... Ils étaient des intrus dans une ville qu’ils connaissaient pourtant bien. Des publicités tournaient sur les panneaux d’affichages, proposant divers produits allant de la simple poke-ball aux meubles de salle-de-bain, ayant tous pour point commun leur marque dont le logo était une sorte d’arabesques stylisée, sans doute vouée à représenter quelque chose.

Devant le casino de la ville une femme fumait une cigarette. Déguisée à la mode victorienne, un pieu à la ceinture, elle ressemblait trait pour trait à la femme de tout à l’heure au détail près que son camée était à présent orné d’une seule cage vide. Appuyée sur un bolide noir, elle observait l’établissement brillant dont des éclats de voix et de bagarre retentissaient. A ses côtés, un ossatureur portait un fedora noir usé par le temps. Peut être aurait il été raisonnable pour ces messieurs de chercher où ils étaient tombés et qu’est ce qui se passait là. Derrière la voiture un nouveau passage s’ouvrît et laissa apparaitre l’auteur de ce bazar. Observant la scène d’un large sourire, il se délecta du tour qu’il venait de jouer. Il décida alors  d’attendre et d’observer silencieusement avant de décider de la suite des opérations.

Amélia ? :

Le sursaut dont la jeune femme fut victime a l’entente de son nom, prononcé à l’unisson quelques mètres plus loin suffit presque en lui même à satisfaire les pulsions farceuses du petit génie. Presque. Tout se passait tellement bien, il aurait été dommage de gâcher la fête aussi vite en y mettant fin. Au lieu de ça, il se mit à réfléchir, toujours invisible alors qu’il observait la scène. L’ossatueur de la brunette s’était immédiatement mit en joue en direction du bruit mais la main de sa propriétaire vont baisser l’os qui lui servait d’arme. Elle avait l’air visiblement perplexe à l’idée que quelqu’un puisse ainsi l’interpeller dans la rue aussi fixa t’elle l’individu alors que lui et ses pokemons s’avançaient dans sa direction. Tirant une bouffée de tabac de sa longue et mince cigarette, elle croisa le regard de son Pokémon et secoua la tête face à son regard insistant. Elle voulait attendre et voir ce dont il s’agissait.

Alors que le garçon arrive à leur niveau et se met à les appeler par ce qui semblait être leur surnoms et titre hiérarchique, la femme et le reptilien s’échangent un nouveau regard mêlant incompréhension pour l’un et amusement pour l’autre. Soufflant des volutes de fumée par le nez au rythme saccadé de ses discrets éclats de rires, la jeune femme observa le dresseur et répondit.

- Non, je suis le pape et j’attend ma soeur. Elle souffla la fin de sa fumée derrière elle. D’habitude c’est moi qui reconnais des gens auxquels je suis inconnue, pas l’inverse. Pour le moment Halloween est le cadet de mes soucis. Elle baissa les yeux sur sa tenue. J’ai dit le cadet seulement. Et vous êtes ?...

Un cri venu de nulle par sembla de nouveau bouleverser le rythme cardiaque de la jeune femme qui se tourna immédiatement dans la direction concernée. D’un coup de main adroit, la demoiselle sortit un revoler de la pochette qui se trouvait à sa hanche et le tint en direction du bruyant inopportun. Comme venu de nulle part un démolosse bondit sur la trajectoire de l’homme au pistolet, grognant d’un air menaçant, de la bave fumante coulant le long de ses crocs. Face à cette situation, l’ossatueur remit en joue le dresseur inconnu, préférant ne pas prendre de risque superflu. Détaillant le nouveau venu par dessus les verres de son pince-nez, tant parce qu’elle n’y voyait rien à travers que pour jauger l’homme et son accoutrement, elle ne baissa pas son arme mais ordonna tout de même.

- Cesar, Halte. Le demolosse ne quitta pas son air mauvais mais ferma la gueule et cessa de gronder. Ce n’est peut être pas une manière de saluer une dame, Astroboy. Alors vous allez tous respirer un grand coup et me dire ce que vous me voulez maintenant.

La moquerie à l’égard de la tenue robotique du scientifique ne semblait pas pour autant la meilleure stratégie à adopter en vue d’établir un dialogue. Ne perdant tout de même pas son sourire, la jeune femme porta une nouvelle fois sa cigarette à ses lèvres, comme si de rien n’était, agissant comme si elle ne tenait pas un inconnu dans sa ligne de mire. Tournant un instant les yeux vers le casino dont un bruit de bris de verre venait de s’échapper, elle hocha la tête, haussa un sourcil, étendit son rictus et prononça en retenant les vapeurs de tabac qu’elle venait d’aspirer, lui donnant un petit accent encombré.

- Vous faites bartie de la bilice de Nyssa ? Elle souffla enfin l’air contenu dans ses poumons. Parce que si c’est le cas, je ne garantis pas que je puisse les retenir encore bien longtemps. Ils tiennent à leur liberté d’expression et je dois dire que moi aussi.

Il n’était pas compliqué de comprendre qu’elle faisait référence à ses pokemons. Le spectre responsable de ce mic-mac avait quant à lui du mal à contenir ses éclats de rire. Décidé à les aider à comprendre ce qui se passait, il sortit complètement du sol et se fit invisible, se glissant derrière l’insecte de l’ingénieur caractériel resté un peu en retrait dans un premier temps. Se tenant assez près pour pouvoir murmurer sans être vu, il lui souffla :

« Pour échapper à cet univers délirant
Vous avez jusqu’à la fin de la nuit.
Confrontez le tyran,
Voyez ce qu’il a construit.
Les trésors de ce conquérant
Vous serviront de sauf-conduit »

Laissant un rire sinistre retentir, il réitéra l’opération en se glissant ensuite derrière l’alakazam pour lui réciter les quelques vers qu’il avait rudement inventé pour l’occasion. C’est connu, les humains aiment se faire peur pour Halloween et tout fait plus peur en vers. Disparaissant de nouveau en ricanant il laissa ses victimes à leurs présentations. Un fin observateur remarquerait sans doute qu’au delà du vacarme, le casino-arènes paraissait être identique à celui qu’ils connaissaient quoi qu’à quelques détails près. Les murs de briques polie étaient maintenant fait de métaux moins accueillants encore que leurs homologues originaux et des caméras et des brouilleurs étaient dissimulées dans les statues de dragons de l’entrée. Le bâtiment était il plus grand ? Ou plus étendu ? Dans tous les cas s’en dégageait une étrange impression de froideur interdite. Un peu comme celle que l’on pourrait ressentir face à un bunker.

La jeune femme haussa un sourcil en repérant le dresseur qui tentait de se glisser hors de la ligne de mire de son Pokémon pour s’aligner dans la sienne. D’un furtif signe de tête elle indiqua au reptilien de ne pas bouger et d’attendre, ce comportement était après tout pour le moins curieux et méritait d’être tiré au clair. Ce qui retenait surtout son attention était de toute manière le savant en costume de robot qui lui, pouvait s’avérer dangereux. Heureusement, il ne tarda pas à baisser son arme, prenant une posture moins menaçante mais déblatérant des paroles suffisamment cryptiques pour que la jeune femme n’en saisisse pas immédiatement le sens. L’ingénieur devait être en communication avec son Pokémon vu la manière dont il s’était tut en plein milieu de phrases, aussi, la brunette baissa à son tour son revolver, gardant le doigt sur la gâchette au cas où mais évitant ainsi les risques de crampes à rester le bras tendu. Elle ne pu rester concentrée bien longtemps, le second dresseur reprenant la parole, une fois Cesar passé, en se présentant de manière aussi fantasque que ridicule. La révélation de leur appartenance hypothétique à la fameuse milice fit se tendre la femme qui se remit en position prête à tirer sur l’homme, à l’instar de son Ossatueur et de son demolosse qui s’était relevé, les poils de son échine dressés dans une crête menaçante.

Heureusement pour lui le reste de son discours désuet parvînt à faire hausser de nouveau les sourcils de la jeune femme qui alla même jusqu’à ignorer la nouvelle sommation du scientifique. Le garçon cherchait ses mots et se préparer a dire une absurdité c’était évident. Portant sa cigarette à ses lèvres, elle en inhala une grande bouffée qui se mua bientôt en soupir enfumé. Elle adressa un coup d’œil lourd de sens à son Pokémon et confirma à voix basse.

- Oui c’est officiel, il se fout de nous. Elle s’adressa au duo et haussa le ton pour être de nouveau entendue. Et je suppose que vous êtes maintenant à la recherche de la cité perdue de l’eldorado ? Ça tombe mal j’attend justement le retour du Prince d’Égypte vous venez juste de le rater.

Regardant l’improbable duo s’éloigner, la jeune femme tapota le filtre de son bâtonnet de papier fumant pour le cendrer et fixa de nouveau son attention sur le casino, en observant chaque fenêtre teintée avec attention. Elle ricana en entendant les nouveaux éclats de voix de l’homme en costume de robot, à croire que ce dernier n’avait pas été fourni avec un bouton médiateur de volume sonore mais ne tourna pas plus la tête vers eux. Ses pokemons se chargeaient de surveiller les deux dresseurs et se tendirent une fois de plus à la vue de la nouvelle menace qu’il proférait. À force c’était eux qui allaient finir par souffrir de crampes ou mieux encore de convulsions à ainsi se mettre aux aguets et les quitter toutes les trente secondes. Un détail sembla faire tiquer la jeune femme. Son regard toujours posé sur le bâtiment, on pu voir le temps d’une fraction de secondes ses yeux se plisser très légèrement et sa tête donner un petit à-coup dans la direction des deux hommes. Elle ne varia pourtant pas de position et attendit de voir le prochain mouvement du duo, sa curiosité maintenant piquée. Jouant la nonchalance en entendant les pas métalliques du scientifique s’avancer vers elle, elle calma tout d’abord ses pokemons avant de tourner la tête dans sa direction et écouter ce qu’il avait à dire, un petit sourire provocateur aux lèvres.

- Tout doux les garçons, laissez parler les adultes. Alors, vous allez me dire que finalement vous vous êtes trompés, vous êtes Shrek et Fiona et vous avez perdu votre marais ?

Ce qui était notable, c’est que la jeune femme n’appréciait apparemment pas d’être prise pour une bille. Ou peut-être le problème reposait t’il dans la manière grossière qui avait été employée pour se faire. Elle écouta le scientifique en haussant la tête, tirant une dernière taffe qu’elle souffla dans un éclat de rire en écoutant les dires de l’homme de fer concernant son identité.

- Si tu le dis Robotcop. Elle reçu à ce moment la communication de l’astronelle. Effectivement un cours de Yoga ne ferait pas de mal, je vous offrirais volontiers un atelier mais le temps est une denrée rare par les temps qui courent. Bien, si nous nous mettons enfin à communiquer comme des gens civilisés....

Elle jeta son mégot à terre et l’écrasa d’un revers de botte, avant de reprendre la parole. Ajustant le pince-nez aux verres noirs qui ornaient son visage maquillé et poudré, elle adressa un regard plein de signification et de méfiance au propriétaire du mistigrix et de l’alakazam. La confiance qu’elle pouvait accorder aux guignols était quand même limitée vu les épisodes précédents. Offrant un petit sourire à son compère chapeauté, elle lui permit de se détendre un peu avant d’expliquer.

- Nyssa est l’ennemi commun à beaucoup de monde à l’heure actuelle. Je vous passerai les présentations à mon sujet, j’ai comme l’impression que vous n’en avez pas besoin. Par contre il est vrai que cette histoire de dimensions m’a l’air tout à fait passionnante. Si nous faisions un marché ? Je vous fais un topo sur ce qui est en train de se passer ici et vous, vous m’expliquez enfin ce que vous faites là et d’où vous me connaissez surtout.

Penser que sous prétexte que cette jeune femme ne venait pas du même monde que les deux hommes, sa curiosité et son esprit s’en trouveraient réduits, c’était bien mal raisonner. Il y a des choses qui ne changent pas après tout. Sans même attendre d’accord de la part de l’un ou l’autre de ses interlocuteurs, elle commença à expliquer, un sourire amer sur les lèvres.

- Pour la version courte, le pouvoir semble être monté à la tête de cette chère championne. Le casino est devenu cette sorte de forteresse quasi-impénétrable au fond de laquelle elle se terre pour tirer des ficelles loin du danger. Pour la version longue, j’espère un minimum de coopération de votre part.

Pointant un des panneaux publicitaires les plus proches, elle désigna le logo élaboré qui permettait d’en identifier la marque.

Le logo:

- Je suppose que vous n’avez aucune idée de ce dont il s’agit n’est ce pas ?

Les malentendus ayant été une bonne fois pour toute dissipés, la jeune femme sembla se détendre un peu bien que la curiosité et le doute planait sur ses traits. C’était compréhensible après tout, personne ne l’avait prévenu qu’en se postant contre sa voiture ce soir là, elle découvrirait d’un coup d’un seul l‘existence d’un multivers, les péripéties de son alter-ego ainsi que deux personnes qui l’appréciaient apparemment beaucoup et la détestaient tout autant respectivement. Ca faisait beaucoup à digérer d’un coup évidemment et l’envie d’allumer une nouvelle cigarette commençait à germer dans l’esprit de la jeune femme. Ecartant cette tentation comme on chasse une mouche, efficacement tout en sachant bien qu’elle reviendrait tôt ou tard, elle hocha la tête en écoutant ce qu’avait à dire son presque-associé. Elle eut un mouvement de recul en entendant qu’elle avait, enfin plutôt que sa version alternative, s’était associé avec quelqu’un et surtout, lui avait accordé un tel pourcentage jusque’à ce que la correction ne vienne la soulager.

- Je me disais aussi. Même sans connaitre cette… ”personne” ? ”Version” ? C’est très étrange comme cas de figure… Fin bref, même sans la connaitre mais en partant du principe que nous sommes sensées partager un même mode de fonctionnement, ça me semblait très bancal comme théorie. Par contre j’aime bien celle du Mistigrix.

Elle laissa tout de même le dresseur continuer son récit sans l’interrompre, laissant deux petit rires dépasser ses lèvres closes au rappel des singeries d’il y a quelques secondes. Hochant de nouveau la tête, un sourire en coin visible, elle rajouta alors.

- Coté improvisation, on repassera. Mais au moins on saluera la méfiance, je suppose que votre Amélia ne t’as pas encore transmis toutes les ficelles du métier après tout. Elle fronça les sourcils en voyant la main de l’ingénieur se lever pour tenter de décapiter le garçon et repris comme si de rien n’était. C’est vraiment au dessus de mes forces ce jonglage, on va faire plus simple. Elle c’est Amélia, moi je préfère Amy.

La perspective de faire sauter le casino sembla plaire à la jeune femme si l’on en croyait l’air convaincu et le large sourire tenté qu’elle adressa au bâtiment. Néanmoins, la réalité se rappela à elle par l’intervention d’un ”hmpf” amer poussé par son ossatueur qui s’amusait à présent à lancer son os en l’air pour le rattraper sans le regarder. Apparement, cette possibilité n’était pas réalisable pour quelques raisons que ce soit, et il fallait s’attendre à ce que l’expérience ait déjà été tentée, par la brunette ou par un autre.

Le récit de la coccinelle psychique vint conforter la version du voyage inter-dimensionnel à l’origine inconnue, un puzzle inédit qui vint titiller les petites cellules grises de la détective, lui faisant presque oublier l’endroit où elle se trouvait et surtout la raison pour se vouer à cette énigme sans précédent. Elle avait entendu parler des ultra-chimères, comme tout le monde ou presque, mais ces monstrueuses montagnes de pouvoirs n’étaient elles pas plus les victimes des failles que leur origines ? Les hurlements de l’ingénieur la ramenèrent sur terre aussi brusquement qu’un crash d’avion et elle écarquilla les yeux, clignant des paupières quelques instants semblant procéder les information qui lui étaient transmises. Ce n’était pas tant de la gène que traduisait son sourire crispé mais plutôt une incapacité à choisir une réaction plus adaptée, faute de rire ouvertement à la réaction outrageusement extravertie. Echangeant un nouveau coup d’oeil avec son pokémon, qui lui ne se retint pas de ricaner discrètement dans son coin, elle émit un petit bruit de langue avant de reprendre très professionnelle et diplomatique.

- Je suppose que l’univers, ou multivers plutôt, ne peut supporter que l’existence d’une seule perfection, j’en ai peur. Heureusement pour vous il semble que vous l’ayez trouvée ! Revenons en aux choses sérieuses maintenant.

Elle ouvrit la portière passager contre laquelle elle était appuyée et sortit de la boite à gant une canette de boisson gazeuse, une limonade comme on en trouvait sans doute dans la dimension d’origine des deux hommes. Ce n’était ni la canette encore presque fraiche, quoi que tiède, ni le liquide qu’elle contenait qui intéressait la jeune femme. Elle la lança en direction du dresseur psychique afin qu’il la rattrape et qu’il puisse l’examiner en détails. Interrompant son geste alors qu’elle allait de nouveau fermer sa voiture, elle lança à quelque chose qui se trouvait dans l’habitacle.

- Tu peux sortir, plus besoin d’effet de surprise.

La portière conducteur s’ouvrit lentement, révélant un imposant mackogneur qui toisa les deux inconnus avant de refermer le véhicule pour venir se placer derrière sa propriétaire, les bras croisés. La jeune femme quant à elle pointa du doigt le logo de la marque visible sur le contenant qu’elle venait de lancer, ne prêtant pas plus d’attention à son Pokémon, considérant sans doute que si les deux hommes la connaissaient si bien, il connaissaient aussi ses associés.

- Si vous regardez attentivement, vous verrez que ce n’est pas juste une suite de fanfreluches rococo. C’est en fait une lettrine designée de telle sorte que peu importe l’angle sous lequel vous la regardez vous puissiez voir un G. Un G comme ?… Elle attendit que quelqu’un donne la réponse à laquelle elle s’attendait, à savoir ”Germanni”, en moulinant du poignet. Dès qu’elle eut la bonne réponse, elle pointa celui qui avait répondu en rajoutant un simple, Bingo.

Poussant un soupir, elle observa une nouvelle fois la façade, semblant contrariée du temps qui passait encore et toujours sans qu’aucun événement majeur ne se produise. Elle laissa aux deux homme le temps de digérer l’information avant de continuer ses explication.

- Cette marque a envahi les trois-quarts des produits commercialisables de l’île. Même en voulant la boycotter de tout son coeur, personne ne pourrait y arriver et finirait par acheter un produit marqué, que ce soit pokéball, nourriture, boisson… Elle sortit son paquet de tabac de sa sacoche. Cigarettes… C’est le plus grand empire économique de l’île, tout y passe.

Elle rangea à contre coeur le petit paquet dans la pochette qu’elle portait à la hanche et envisagea de récupérer la limonade mais s’en abstint finalement.

- Tout à commencé à basculer après l’ouverture de la porte de Rodin. Vous voyez de quoi je parle ? Bien. Apparemment Nyssa a mal supporté la perte d’Onyin et la mise en place en secret d’un groupe d’intervention parallèle. Elle a sombré dans la paranoïa et a commencé à renforcer la sécurité de son arène. Un petit ricanement jaune ponctua le discours de la jeune femme. J’avouerai que j’ai peut-être une part de responsabilité là dedans… Enfin bon. De renforcer la sécurité, elle a rapidement viré en ”transformer en bunker”. Elle a apparemment voulu s’imposer non plus comme championne mais comme maitre et quand le comité de la ligue a refusé, elle a achevé sa descente. L’argent du casino lui a servi pour financer ses divers délires, ses top dresseurs se sont mués en une véritable milice et elle a fini par gangrener toute la ville. On se serait cru dans Minority report, un vrai carnage. Le problème c’était qu’elle était et reste puissante et ça, ça attire les charognards. Résultat, tout ce à quoi elle fait face finit immuablement par plier. Elle désigna le bâtiment d’un signe de tête. Des fortes têtes ont du se glisser à une de ses ”petites soirées élitistes” mais elles n’ont aucune chance. J’ai bien un plan qui pourrait marcher mais j’ai besoin de confronter Nyssa entre quatre yeux, ce qui est quasiment infaisable. J’ai envoyé deux de mes Pokémons prendre la température, voir s’il y avait une faille dans laquelle se glisser. Elle envoya un clin d’oeil au dresseur qui travaillait avec son alter-ego. Sur un malentendu ça peut passer.

Toutes les pièces des différents puzzles se mettaient finalement en place tant bien d’un coté comme de l’autre. Les visiteurs saisissaient le contexte de cette dimension alors que la jeune femme finissait de brosser le portrait mental des deux hommes, s’abstenant de faire remarquer quoi que se soit. Alors que le dresseur qui travaillait avec son alter-ego se lançait dans une confession désespérée dans l’espoir de la convaincre qu’ils n’étaient ni des voleurs ni des individus loufoques avec un plan très très tiré par les cheveux, la jeune femme masqua son envie de ricaner de nouveau en contractant et décontractant ses lèvres quelques fois d’affilées. Le fait qu’il arrive à citer ainsi de tête les différents membres de son équipe réussirent à lui décrocher un léger hochement de tête admiratif, pollué néanmoins par un doute, une sorte d’appréhension jalouse à la mention de l’absol. Si la mention de son nom complet suffit à détendre la jeune femme, elle ne revint pas sur cette tension qu’elle venait d’éprouver. Elle se concentra plutôt sur le conseil qui avait été cité par le garçon qui suffit à faire cesser le manège de l’ossatueur avec son os et fit silencieusement hocher la tête du mackogneur. La brunette attendit que le dresseur ait terminé son monologue avant de répondre.

- Et bien, il semble que cette Amélia t’ai tout de même transmis certaines astuces du métier tout compte fait. Garde toujours ce conseil en tête, je n’aurai rien à redire de ce point de vue là. Par contre je suis déçue, il manque des membres à cette fine équipe. Elle tourna les yeux vers la voiture contre laquelle elle était appuyée. Serais-je la seule de nous deux à posséder une Spyker ? Elle ne sait pas ce qu’elle rate… Enfin bon, revenons en à nos moumoutons, je…

Elle fut interrompue par la nouvelle tirade de l’ingénieur qui lui fit hausser de nouveau un sourcil. Gonflant les joues, elle laissa l’air qu’elles contenaient s’échapper par petits à-coups ce qui rendait difficile de savoir si elle était gênée ou fort perplexe à l’idée que l’homme qui éructait encore sans raison puisse être un ”superméchant”. Son propre pokémon lui ôta les mots de la bouche en faisant valoir le fait qu’en agissant contre la méchante locale, il serait nécessairement vu en gentil.

- Encore un point pour Choupette.

Il fallait supposer que la dresseuse commençait à se sentir en confiance dans la mesure où les surnoms allaient bon train. Pour les moins référencés du genre, Choupette, coccinelle, voiture, film, on continue. Ne se posant pas la moindre question quant à la manière dont le pokémon ou son propriétaire apprécieraient la blague, elle porta négligemment la main au fin pendentif camouflé sous son camée et commença à réfléchir. Son regard se perdant dans le vide elle fronça le nez et pensa à voix haute.

- Je n’ai aucune idée de ce à quoi votre Nyssa pourrait bien ressembler mais ici il y a peu de choses dont elle ne se sépare jamais… Son fouet évidemment, le gros noeud en turquoise qu’elle a au cou abrite une mega-gemme à laquelle elle tient comme à de l’or en barre… Mais depuis sa prise de pouvoir qu’est ce qui pourrait bien coller à la définition de trésor… Les clefs de la ville peut être ? Elle en a récupéré le trousseau de force à l’autre champion au début de sa petite crise… Ou sinon ses…

Sa réflexion fut interrompue alors qu’une des carreaux du bâtiment se brisait enfin vers le monde extérieur. Quelques secondes plus tard, une sorte de projectile vint s’écraser sur le capot de la voiture sans que cela n’en inquiète la propriétaire outre mesure. La carrosserie n’avait apparemment rien et ledit projectile finit par reprendre conscience, se décollant avec peine du métal froid. Sous une importante masse de fourrure hirsute d’un vert pâle, un petit corps brun-doré, beaucoup trop famélique par rapport aux autres membres de son espèce se devinait avec difficultés. Les ailes étaient d’un marron chocolaté semblaient faites d’un cuir épais duquel tranchait une unique griffe articulée d’une phalange. Les oreilles normalement collées semblaient ballotées par le vent et une sorte d’implant dépassaient de la tempe droite du pokémon, les deux fils à nus qui l’agrémentaient gigotant au rythme des mouvements de l’intéressé. Charles leva les yeux au ciel en reconnaissant le rhinolove qui tituba quelques instants, restant debout sur la voiture.

- Je t’ai déjà dit, tu vas vraiment finir par l’abîmer à force de t’écraser dessus. Messieurs, voici l’un des Pokémon parti prendre la température. Le second ne devrait plus tarder je suppose… Où est ce qu’elle en est ? Demanda t’elle directement à la chauve-souris.

Le pokémon ne répondit pas dans un premier temps, s’envolant dans un concerto de battements d’ailes désaccordés sans quitter des yeux les deux inconnus et leurs coéquipiers. Face à son air aussi circonspect que plein d’angoisses, la jeune femme commença à expliquer.

- Ils sont avec nous. La jeune femme s’adressa ensuite aux deux hommes. Je l’ai récupéré dans un labo, peu scrupuleux on va dire, il y a quelques années. A ce stade je pense qu’il est indestructible et ses capacités psychiques on été quintuplées au bas mot, mais il a gardé ”quelques” séquelles de l’époque.

Au moment où il tournait la tête pour se présenter, un tant soit peu plus détendu, les deux fils qui ornaient le coté de sa tête entrèrent en contact et il se mit à diffuser une entrainante musique autour de lui, rappant tant et si bien pour se présenter que pour décrire ce qu’il avait subit et combien son esprit sen retrouvait torturé. Alors que sa propriétaire sortait un brouilleur de sa sacoche, l’attachant au dessus de son oreille pour s’épargner les hallucinations qui accompagnaient le numéro, le chromatique virevoltait autour des deux hommes, se posant parfois à coté de leurs pokémons pour s’adresser directement à eux.

Spoiler:

Puis vint le moment où, accompagnent le tout d’un air de boite à musique il transporta les deux hommes dans des visions horrifiques où un collège de blouses blanches se penchaient sur eux pour combler leur désirs expérimentaux. Il acheva son illusion alors qu’il se mit à tenter de secouer le visage de l’ingénieur robotique en hurlant qu’il fallait le médiquer de nouveau dans un accès de folie. Il termina son numéro en se posant cette fois sur le toit de la voiture, portant une de ses griffes à sa bouche, façon pinup, le temps de son petit ”Moi”. Quelques secondes plus tard, les lourdes portes de métal s’ouvrirent sur une longue silhouette filiforme qui rappela deux fouets lianes. Un imposant majaspic glissa gracieusement sur le sol jusqu’à se dresser à coté de la jeune femme, surplombant les trois dresseurs de sa hauteur et de son regard impérieux.

- Et voici Garathon (Attention ça se dit Sson à l’anglaise, pas Thon comme le sandwich). Une alliée redoutable qui n’a pas son pareil en matière de crochetage de serrures. Si vous êtes là tous les deux, je suppose que ça signifie que nous pouvons entrer ?

La majaspic baissa d'un niveau, sortit sa langue fourchue et hocha la tête une fois. Batty vint se poser sur l’épaule de Gustave avant d’expliquer.

"Y a des gens et des Pokémons à terre partout. Les ascenseurs sont hors service, tout tourne sur le compteur d’urgence. Du coup on peut atteindre les étages sans problème. Par contre pour les sous-sols… "

- On verra les sous-sols en temps voulu. Elle précisa aux deux hommes. Le casino a subit une grosse expansion ces dernières années et le bureau de Nyssa est passé du -1 au -4. Impossible de l’atteindre sans autorisation ou, dans notre cas, sans passer par le PC de sécurité. Vous me suivez alors ?

Et sans attendre de réponse, elle s’engouffra dans l’antre de la championne, son équipe à sa suite.