[EVENT NATHAN X KELDEO] De l'autre côté du miroir - Timeline 3

Apprendre aux plus jeunes à acheter les défunts avec des friandises, quelle étrange intention. Étrange et bien vaine, si l’objectif était d'amadouer le Spectre/Psy. Tapi au fond d'un de ses innombrables portails, les yeux luisant de la même malice qui animait son sourire, le petit diablotin observait ses potentielles victimes d'une nuit évoluer dans les artères du centre commercial. La plupart s’était paré de leurs plus beaux accessoires horrifiques – ou comiques pour les petits malins -, d’autres cherchaient seulement à jouir des offres et animations que proposait exceptionnellement la station thermale. Les usagers pouvaient ainsi profiter de leur soirée sous les banderoles faussement lugubres et les ballons à l'effigie des types Spectre à la mode (étrangement que des Mimiqui et des Ectoplasmas ; la station accueillait en majorité des personnes de la première génération). Mais ils n’auraient pas été les seuls à en profiter. Quittant sa cachette interdimensionnelle pour se mêler aux décorations, le lutin mesquin allait de nouveau mettre son plan fétiche à exécution : continuer sa série de farces & attrapes à coup de disques et de miroirs, et rajouter un peu de fantaisie dans la morne soirée de quelques élus tirés au sort. Et par « au sort », il est évidemment question de « selon son envie ».

Sa recherche traîna quelque peu parmi la foule de costumes ridicules avant de porter ses fruits. Il était en quête d'une cible isolée, à l’écart dans une aile abandonnée du complexe ou bien encore perdue dans ces attractions qui consistait en un labyrinthe de miroirs – la nature de la surface importait peu, tant qu'elle pouvait se briser. Il finit par trouver un jeune humain en train de scruter plus ou moins minutieusement une surface réfléchissante. Le farceur, alors caché dans l’obscurité, usa de ses forces psychiques pour la fracturer et, lorsque l'attention du jeune homme fut totalement captivé, surgit devant lui en arborant sa plus maléfique grimace. C’était sans compter le clou du spectacle : l'anneau derrière sa cible qui n'attendait qu’à réceptionner sa chute… ou plutôt la provoquer. Une fois sa farce exécutée avec succès, le Spectre s’engouffra dans une autre faille pour se rendre auprès de son prochain terrain de chasse. Un rire encore plus profond que d'habitude l’accompagnait ; il était temps pour un peu de nouveauté.

Ses amis les humains en avaient beaucoup pris pour leur grade depuis le début de la soirée, mais le lutin ne comptait en aucun cas épargner ses compères Pokemonesques ; il avait même préparé un nouveau tour pour l'occasion, avec l' « aide » d’une de ses anciennes victimes. Il apparut donc dans un recoin du Village Pokémon, profitant d'une faiblesse de sa protection psychique pour s'y immiscer incognito, et se mit en quête d'un cours d'eau pure. Sa partie improvisée de cache-cache avec les habitants des lieux n’eut pas à s’éterniser comme il tomba rapidement sur ce dont il avait besoin. Il suivit alors le même mode opératoire et attendit qu'un Pokémon vienne s'abreuver au ruisseau pour révéler dans sa main un…bocal de jus de baie Tamato. Il ne put réprimer un rictus en imaginant la réaction du buveur quand il remarquerait son eau rougir et s’épaissir, mais.. ses petites mains avaient du mal à dévisser le couvercle, et il devait forcer et… Oups ! Le bocal en verre de 500 grammes lui échappa des mains et chuta sur un mètre avant de rencontrer quelque chose. Hoopa n'eut pas le temps de vérifier sa nature que la cible de sa tentative ratée avait déjà disparue dans la faille. Quel gâchis ! Et quelle honte ! Furieux, le lutin s’empressa de poursuivre le malheureux dans la dimension vers laquelle menait son portail.

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Terres brûlées au vent des landes de pierres, marée de sable sans cesse fluctuante, une atmosphère à ses minima. Des volutes noires s’élèvent du Nord, colorent le ciel d'une teinte charnelle, un décor parfait pour ces deux-là.

Les deux voyageurs dimensionnels et leurs compagnons avaient terminé leur chute sur un lit de sable fin – ou sur un rocher qui traînait par là pour le plus malchanceux. En regardant autour d'eux, ils comprendraient vite qu’ils étaient tombés en plein milieu d'un désert on ne peut plus désertique, et cela à à peine quelques mètres de distance l'un de l'autre. À l'horizon se profilaient déjà les premiers rayons du soleil, rasant le sol instable sous leur pied et mettant en évidence sa teinte sombre non naturelle. En effet, des particules pareilles à des cendres semblaient s’être glissés entre les grains de silice. L'air était lourd malgré l'absence totale de nuages dans le ciel ocre, mais restait respirable à condition de ne pas trop inhaler de ces cendres qui se soulevaient à chacun de leur mouvement. Il ne tarderait pas avant que le soleil ne réchauffe le tout dans des températures bien au-delà du supportable. Cependant, aucune trace de billet retour pour l'instant.

Sur une dune voisine, les cendres se mirent à vibrer de plus en plus intensément, jusqu’à se soulever en un écran de poussière. Après quelques secondes, l’écran fit place à deux silhouettes distinctes : celle d'une petite créature quadrupède à la longue et imposante queue, ainsi que celle plus complexe d'un être humanoïde en apparence monté sur un Pokémon rappelant un autre déjà présent sur les lieux. Elles disparurent aussi bruyamment et brusquement qu'elles étaient arrivées, ne laissant pas le temps aux deux voyageurs de réagir efficacement. Peut-être venait-il de faire irruption, leur billet-retour ? En tout cas, ils ne pouvaient pas attendre une quelconque aide du Djinn qui les avait envoyés ici, bien décidé à les observer galérer un peu pour compenser son échec cuisant de jet de jus de baie.

Avatar:

Cela ne faisait que peu de temps que j'étais arrivé sur cette île et déjà des choses étranges m'arrivaient. En effet, alors que je venais simplement m'abreuver au point d'eau du village pokémon, voilà que je me retrouvais transporté pour une raison inconnue. Et cette fois, ça n'avait rien à voir avec de la téléportation... C'était un véritable voyage interdimensionnel qui s'abattait sur moi sans que je n'en saisisse la nature. Quel genre de pokémon pouvait bien me jouer une telle farce ? J'avais entendu vaguement parlé de pokémons capables de manipuler le temps et l'espace... Mais pas ainsi.

J'étais confus. Et je l'étais d'autant plus en sentant le sable sous mes sabots. Et la cendre. Sur le coup, mon cœur et mon sang firent un tour. Il y avait un feu ? Non. Pas de chaleur, pas de flammes. S'il y avait eu un incendie, il était passé depuis longtemps. Je remarquais aussi la fumée au loin. C'était le seul semblant d'activité que je remarquais, jusqu'à l'étrange apparition. Un pokémon quadrupède et un cavalier ?...

Je ne comprenais pas. En même temps, si ça avait un quelconque lien avec l'histoire de ce lieu, j'étais bien mal placé pour y connaître quelque chose. Je venais d'arriver. Et si par hasard ce désert était celui de Maïlys... J'étais toujours mal placé et je venais toujours d'arriver. Dans quoi étais-je embarqué ? Pourquoi avoir été transporté ici ? Pourquoi moi ? Est-ce que ce qui m'avait amené ici était toujours tapi dans l'ombre ? Pour l'instant, ma meilleure piste était le Nord et l'humain qui était apparu en même temps que moi.

Mais je ne me méfiais que trop des humains. Même si je souhaitais une collaboration, je ne pouvais pas être sûr que celui-ci ne tenterait pas de me capturer dès que j'aurais le dos tourné. Alors je me mettais sur mes gardes, les sabots ancrés dans le sables, prêt à trancher de ma corne le moindre projectile de capture qu'il pourrait m'envoyer. Et je fis signe de ma tête en direction d'où s'était tenu l'apparition, espérant qu'il en sache plus que moi et qu'il comprenne qu'il faudrait faire équipe... Mais pas avec ces orbes de capture.

“Aoutch…”

Nathan grogna de mécontentement tandis qu’il peinait à se relever après la chute soudaine au milieu de cette étrange plaine désertique. Lui qui avait simplement eu le malheur de se balader dans un centre commercial dans le but de trouver des costumes appropriés pour lui et ses Pokémon, histoire de fêter dignement Halloween avec son équipe, il n’était pas certain de comment tout ceci s’était déroulé. Il y avait eu un miroir qui avait un sérieux défaut de fabrication - il était à peu près certain que ses yeux étaient gris et non pas vert et jaune - et d’un seul coup, la chute. Rien de tout cela n’avait de sens.

Assis au milieu du désert cendré, il regarda autour de lui. Il eut à peine le temps d’apercevoir les deux silhouettes inconnues sur l’écran qu’elles disparurent, le laissant encore plus confus qu’il ne l’était jusqu’ici ; était-il la victime d’une créature cosmique aux tendances espiègles ? C’était fort peu probable. Cela étant dit, rien de ce qui lui arrivait depuis qu’il avait quitté la maison de sa mère n’avait été logique ou plausible ; il serait donc cohérent que cette mésaventure soit le fruit d’un hasard tout aussi farfelu que les autres. Il en conclut donc qu’il était définitivement la victime d’une farce de mauvais goût conduite par une créature aux pouvoirs dimensionnels sans pareille.

Un autre point d’intérêt, en revanche, fut le Pokémon qui se trouvait à côté de lui. Une créature quadrupède aux allures équines, dotée d’une crinière rouge et bleue. Celui-là, au moins, Nathan le connaissait ; il n’était pas particulièrement expert en légendes d’Unys, mais il en était suffisamment familier pour reconnaître un Pokémon légendaire de cette région. Il haussa un sourcil ; décidément, le destin voulait qu’il croise un maximum de ces bestioles. Par réflexe, plus que par une décision réfléchie, il mit immédiatement la main à sa ceinture sur l’une de ses Pokéballs vides, mais le regard défiant de Keldeo l’arrêta dans son élan. De toute évidence, la créature n’était pas d’humeur. Il leva les mains au ciel pour montrer qu’elles étaient vides.

“Pas d’inquiétude, le message est clair. Je n’ai aucun intérêt à capturer un Pokémon qui ne veut pas de moi comme dresseur.”

Nathan se releva et épousseta son pantalon, avant de fouiller son sac pour en tirer les accessoires dont il avait déjà fait l’acquisition pour préparer ses déguisements d’Halloween. Retirant rapidement sa casquette et sa veste, il enfila le bonnet en forme de tête de mort et le foulard noir aux marquages blancs de la ridiculement célèbre Team Skull, une bande de délinquants présente sur Alola - à vrai dire, le foulard aurait suffi, puisqu’il cherchait juste à ne pas inhaler les cendres qui saturaient l’air ambiant, mais tant qu’à faire, autant enfiler l’accoutrement complet, non ?

“Bon, comme ça au moins, je ne vais pas recouvrir l’intérieur de mes poumons de cendres. Tu es Keldeo, c’est bien ça ? Je m’appelle Nathan.”

Sans attendre plus de réponse de la part du poney, il se mit en route vers la dune adjacente, espérant inspecter l’endroit dont avait jailli l’écran de toute à l’heure.

Les résidus noirs se mettaient à voleter au rythme de l’ascension du faux Skull, assez haut pour s’immiscer entre les fibres de ses vêtements, avant de retomber un peu plus loin. Le sable sali glissait le long de leur pas sans chercher à leur résister, de tel sorte à ce qu'il leur fallait faire constamment attention pour ne pas se rétamer au moindre faux mouvement. En haut de la dune, un paysage irréaliste les attendait, bras ouverts : des kilomètres de noir qui s’étendaient à perte de vue. Certaines aires ressortaient plus plates que les habituelles vagues de sable du désert, et des yeux affûtés pouvaient apercevoir que des colonnes de fumée s'y formaient en leur centre. Ces phénomènes mis à part, le tout était figé dans une quiétude mortifère, dénué de toute vie.

Toute ? Non, deux silhouettes similaires à la créature anthropo-équinomorphe du nuage de cendres gravissaient déjà l'autre versant du monticule de sable pour venir à leur encontre. Dans les rayons de l'aurore, l’ombre la plus avancée se révélait appartenir à une personnalité bien connue des humains qui avaient côtoyé Maïlys depuis ses deux dernières années, ainsi que des Dresseurs un minimum intéressés par la quête des badges. Il était en effet difficile de passer à côté de ces cheveux safran, et d’autant plus du rouge de ses iris qui caractérisaient aux yeux du public le champion Electrik de la dimension originelle – si tenté qu'il y’avait une quelconque hiérarchie entre les différentes dimensions.
Le représentant de la Ligue avait ici l'air de tout droit sortir d'une œuvre de western, les techniques de tissage moderne en bonus. Du moins au plus fonctionnel, les matériaux de ses bottes et son jean chamallot semblaient fatigués par l'usure du temps et du désert. Un haut sobre en tissu uni recouvrait à son tour le buste, relayé au niveau des bras et du cou par un épais poncho assorti avec ses yeux. Le tout était maintenu par une ceinture en cuir, et sublimé d'un Stetson du même matériau.

Arrivé au sommet de la dune, il scruta du haut de son Zeblitz le faux Skull avant de fermer les yeux dans un léger soupir. Une voix énergique s’échappa alors du bandana qui lui servait de masque anti-particules, alors que ses mains quittèrent le pelage de sa monture pour accompagner ses paroles de la bonne chorégraphie.

« Oush oush re-fré, bien ou bien ? Ça bicrave sec par ici ou quoi ? »

Derrière lui, son accompagnateur le fixait, perplexe, du haut de son Bourrinos chargé comme le dicton le voulait. Ses habits couvraient eux la quasi-majorité de son corps, ne laissant transparaître que la peau de ses mains rougie par le soleil et son regard bleu perçant. Toujours rivé sur le jeune homme d’une autre dimension, il fit s'approcher sa monture du champion et lui chuchota sur un ton mal voilé :

« Monsieur Ater, le Mal a-t-il pris possession de votre être pour que vous gesticuliez de la sorte ? Rassurez-moi du contraire sur le champ, ou je serai contraint de vous chasser au même titre que les autres. Et il me serait quelque peu gênant de… »

« Mais enfin, je ne fais que communiquer avec l’étranger. Et arrêtez de m'appeler Ater, vous voyez bien que mes pieds ne touchent actuellement pas le sol. » Il ponctua sa boutade d'un franc éclat de rire et tenta de le calmer tant bien que mal à coup de grandes inspirations, sous le regard désapprobateur de l'autre cavalier. Il finit par reprendre avec un air et une gestuelle plus mesurés « Vous ferez mieux de vous détendre face ce qu'il nous attend, Ilgrad. Vous voyez bien que ce ne sont pas des envoyés d'Onyin, il n'y a rien à craindre. L’atmosphère aurait été différente si c’était le cas. Mais il y a quand même quelque chose en lui qui me… révolte. »

En même temps qu'il finissait sa phrase, le feu défenseur du village du désert balaya minutieusement Nathan du regard dans un mouvement vertical. Derrière son bandana, on pouvait discerner que quelque chose le tracassait.

« Comment as-tu atterri ici ? Je ne me rappelle pas t'avoir vu dans un camp d'Oblaide, et je t'assure que je me rappellerais d'un ancien membre de la team Skull si je venais à en rencontrer un. Et tes habits, ils ne sont pas faits pour les longues marches dans le désert, n'est-ce pas ? Ça ferait presque un an que je n’ai pas vu de vêtements de la sorte aussi neufs. Tu n'as pas dû beaucoup sortir de ton abri depuis l'ouverture de la Porte. » Ses yeux carmin glissèrent subrepticement sur l’équidé d'eau, suivis d'un discret « Ah oui, d’accord. » à moitié flatteur. « Je pense que j'ai une partie de ma réponse, enfin je crois. Vous avez atterri ici ensemble, j'imagine ; quelqu'un vous a téléporté ? À ce niveau-là, toutes les suppositions sont plausibles. Mais le temps presse, donc si vous pouvez répondre à mes questions avant que je parte…»


De son côté, le Pokémon Poulain n’avait pas qu’attiré l'attention des humains qui venaient de les accueillir. Non loin de lui, vers l'entre-deux-dunes, des zones de sables commencèrent à s'agiter dans un bruit caractéristique. En sortit un petit Rapion, puis deux, puis trois, puis trente… Le bassin de cendre fut bientôt rempli d'une myriade d'insectes à quatre pattes (quel horreur), fixant tous en silence les nouveaux arrivants sur leur territoire. Ils attendaient quelque chose… Mais quoi ?

HRP:

… Cet humain semblait raisonnable et comprendre que je ne voulais pas finir mes jours dans une pokéball au service d'un dresseur que je ne connais même pas. Tant mieux. Je n'aurais pas aimé avoir à combattre la seule personne, probablement, qui venait du même endroit que moi. Le voir se couvrir contre les cendres était bien, mais je n'avais rien du genre pour me protéger, moi. Peut-être que si je mouillais le sable à mesure que je marchais, je pourrais éviter qu'il ne m'arrive dans les narines ?

Je testais la théorie en grimpant la dune. Chacun de mes pas, je générais de l'eau avec mes sabots. Mais ça n'était pas assez pour tenir tout le sable autour de moi en place et je savais que si j'avais à galoper, je ne pourrais pas resté protéger très longtemps. J'espérais simplement que ces cendres n'avaient rien de mauvais... Je ne voulais pas être malade en rentrant. Car oui, j'allais rentrer. J'étais déterminé à trouver une sortie. Même si l'horizon noir était quelque peu déprimant. Ca n'avait rien à voir avec mes souvenirs de l'incendie. Là, il ne restait plus rien que ce désert noir à perte de vue.

Mais voilà que de cet horizon vide de vie sortaient deux cavaliers. Deux humains montés sur des pokémons que je jalousais. Pas parce qu'ils avaient un dresseur, non. Parce qu'ils étaient plus grand que moi. Le Bourrinos, surtout, même si je le plaignais en le voyant harnaché comme ça. Ater, Oblaide... Je venais tout juste d'arriver, comment pouvais-je connaître quoi que ce soit ? J'imaginais bien que le second était un village, mais à part ça j'étais complètement perdu. Pour l'instant, faute de pouvoir discuter avec les humains et leur étrange dialecte, je regardais les colonnes de fumée. Noires. S'il y avait un incendie, il fallait aider, non ?

« On n'est pas seul. »  Murmurais-je à ceux qui pouvaient me comprendre, alors que je tournais la tête vers les Rapions qui sortaient du sable. Des pokémons qui chassent en embuscade, ça, non ? Mais pourquoi se contentent-ils de rester planter là comme s'ils attendaient quelque chose ? Je ne savais pas vraiment pourquoi, mais je n'étais pas rassuré de voir autant de ces insectes ici.

« Que voulez-vous ? » Demandais-je, toisant les scorpions depuis le haut de la dune. Même si j'agissais avec confiance, je préparais déjà l'option de la fuite si le combat éclatait. J'espérais simplement que l'humain trouve quelqu'un ou quelque chose pour aller plus vite, car je pense être un peu trop petit pour être chevauché. Et de toutes façons je ne voulais pas être chevauché. Mais si je n'avais pas le choix... Tout dépendra de la réponse du groupe soudain de pokémons.

Après seulement quelques pas dans la dune, Nathan avait pris sa décision : il n’aimait pas ce désert. Lui qui avait grandi en parcourant sur les pieds et les mains les surfaces acérées et inégales du Mont Couronné, rien ne l’agaçait plus que ce sol sans résistance, fluide et identique en tout point jusqu’à ce que son pied s’enfonce en son sein. Il n’y avait aucun appui fiable ; tout se pliait sous son poids et il devait constamment faire attention à équilibrer son avancée pour ne pas s’étaler, au lieu de simplement pouvoir tester un point d’appui du bout du pied comme il avait appris à le faire. C’était terriblement frustrant, et cela le mit de mauvais poil.

Nathan était un adolescent horripilant dans ses meilleurs jours, qu’est-ce que cela donnerait bien maintenant qu’il était grincheux ? La dernière fois qu’il s’était levé du mauvais pied, il avait dérobé son Embrylex à un refuge spécialisé et cambriolé sa propre mère avant de disparaître de la surface de la terre pour préserver son ego en faisant sa rééducation seule.
Ça promettait.

Une fois en haut de la dune, son humeur ne s’arrangea pas ; partout à perte de vue, un plat noir et désolé, sans aucun repère sur lequel son regard pourrait s’arrêter ou presque. Il était sûr d’une chose : cet endroit n’était pas naturel. Était-il seulement encore dans le monde des vivants ? Ce monde tout entier avait une aura… Mortifère. Et Nathan détestait cela, car cela lui rappelait bien trop quelque chose qu’il s’efforça d’ignorer pour le moment.

Après tout, il y avait enfin quelque chose qui pourrait lui apporter une lueur d’espoir et d’explication : au pied de la dune, deux hommes à cheval s’approchaient d’eux, vêtus comme des cowboys pour résister aux âpres conditions du désert environnant. Mieux encore, Nathan connaissait de vue l’un des deux : le blond, à dos de Zéblitz, n’était autre que Meliodas Ater, champion d’Oblaide. Il était donc, à tout le moins, dans la bonne région, et il venait de trouver quelqu’un de compétent.

Et accessoirement, le champion quasi-tétraplégique avait dû trouver un sacré remède miracle.

Questions pour plus tard.

Il était disposé à écouter ce que Meliodas avait à dire et il fit même l’effort colossal d’ignorer les jeux de mots pathétiques du champion, mais quelque chose dans la conversation entre les deux étrangers le fit tiquer. Il fut immédiatement visible sur son visage qu’il était désormais aussi enragé qu’il était humainement possible de l’être ; aussitôt le nom d’Onyin prononcé par le blond que celui-ci avait entièrement perdu Nathan.

Ces quelques sons avaient suffi à raviver en lui toute la douleur qu’il avait subie dans le combat de l’année passée ; les os brisés et les contusions accumulées, bien sûr, mais surtout la nauséabonde sensation d’être impuissant, d’être incapable d’être une assistance efficace pour les champions qui avaient dû subir sa présence et le protéger pendant le combat contre l’avatar mortifère. Ce monde n’était-il qu’un nouveau cauchemar, comme le blizzard tranchant dans lequel son coma l’avait enfermé pendant une année entière ? Un dieu sadique avait-il décidé de le plonger dans un nouvel enfer, ou bien venait-il seulement de se réveiller d’un doux rêve où Maylïs avait pu survivre au cataclysme en unissant ses forces et en mettant ses différends de côté ? Était-il donc si naïf que son subconscient avait imaginé une simulation encore pleine de verdure et de vie, tandis que ceci était la réalité ?

Non ; comme Meliodas le soulignait, il était impossible qu’il ait apparu dans ce monde au milieu de nulle part, s’il avait rêvé jusque là. Il avait bien été transporté ici, guidé par le sadisme d’une immonde créature qui avait décrété qu’il n’avait pas suffisamment souffert par la faute d’Onyin. Une téléportation d’une ligne temporelle à une autre ? Ce n’était certainement pas hors de la portée de certains Pokémon légendaires et, si Abyss avait pu soumettre Onyin, qui sait quels autres pouvoirs ils avaient pu s’accaparer ?

Nathan voyait rouge ; il ne pensait plus qu’à une chose, retrouver les types qui l’avaient envoyé ici et leur faire regretter le jour de leur naissance. À sa ceinture, la Pokéball de Gojira, son Embrylex, vibrait littéralement ; la colère communicative du dresseur infectait son Pokémon comme un virus plus rapide que l’éclair et celui-ci attendait avec impatience que Nathan se décide sur le défouloir de son choix pour qu’il puisse participer au déchaînement de violence qui approchait à grands pas.

“Onyin ? C’est Squelettor qui a fait… Ça… À ce monde ? C’est Maylïs, ici ? Nous avons donc atterri dans un monde où ses défenseurs ont misérablement échoué à la défendre ?” Il était probablement injuste d’agresser ainsi des hommes dont il ne savait rien, mais ses émotions ne répondaient plus à la logique. “On avait un plan ! On gagnait ! Même si ce type n’avait pas capturé le démon, nous l’avions à notre portée ! Il pouvait être vaincu, et on était sur le point de le faire ! Alors j’aimerais bien savoir, COMMENT des mecs aussi forts que vous avez pu laisser un truc pareil arriver, hein ?!”

Son attention agrippée par l’avertissement incompréhensible de Keldeo, il tourna la tête vers la droite, découvrant le nid de Rapion qui se développait entre les deux dunes. En d’autres circonstances, il se serait demandé ce qu’ils attendaient, comment les éviter, comment les apaiser.

Merde à la patience.
Merde à la raison.
Merde aux gêneurs.

“C’est pas. Le. MOMENT !”

Un geste ample de la part de Nathan fit bondir sa Pokéball dans les airs, tandis qu’elle s’ouvrait pour laisser apparaître Gojira, l’Embrylex atteint par l’énergie obscure d’Onyin. Bien que son type soit resté naturel, l’état instable dans lequel se trouvait son maître faisait ressurgir la puissance noire qu’il avait en lui ; ses petites pattes étaient entourées de volutes de fumée noire oppressante, laissant imaginer ce qu’il était capable de faire en canalisant le cadeau du démon de Maylïs.

“Allez voir ailleurs si on y est ! Gojira, RAGE NOIRE !”

Cette attaque ne bénéficiait pas seulement d’un effet cathartique colossal ; en utilisant l’énergie obscure de Gojira pour frapper, Nathan s’assurait que son Pokémon n’en accumulait pas trop. Il n’était pas sûr des effets secondaires qu’elle pourrait avoir sur lui, après tout.

Gojira, lui, n’était que trop heureux de pouvoir évacuer cette rage infectieuse sous la forme d’une attaque, surtout celle-ci ; il n’aurait pas à discriminer entre ses cibles. Née de la colère qui le hantait depuis que la brume sombre avait envahi l’île en croissant de lune, Rage Noire était une de ces attaques capables de frapper tous ses adversaires en même temps. Dans les combats officiels, il ne visait jamais plus de trois ennemis à la fois, mais ici, chacun des trente insectes était l’ennemi de son dresseur, et il frapperait chacun d’entre eux sans exception. Plantant son poing empli d’énergie dans le sable noir, il y diffusa son énergie obscure, la répandant sous la surface de la dune jusqu’au fond du puits de cendres, la faisant exploser en une myriade de pieux d’un noir violacées qui jaillirent du sol pour tenter de frapper les scorpions.

“J’en ai rien à foutre de vos questions,” grogna Nathan sans se retourner vers les deux inconnus, “mais il est hors de question que je reste dans ce monde. Tout ce que je sais, c’est que l’enfoiré qui nous a envoyés ici nous a montré deux silhouettes avant de nous laisser un plan - un espèce de Pokémon cavalier, et un autre plus petit avec une longue queue. Et on aura besoin d’aide pour les trouver, à n’en pas douter. Vous pouvez y faire quelque chose ou pas ?”

Crier était une façon peu orthodoxe de s’exprimer dans le désert, si ce n’est inefficace. Les reproches du survivant du Cratère brossaient vainement les pentes sableuses avant de se perdre dans l’infinité de l’horizon. La seule réponse qu’il en obtint était les battements d’un être ailé au loin, point noir dans le ciel d’argent qui semblait suivre son propre chemin, et seule activité notable depuis le lever du soleil. Enfin, mis à part notre petit groupe de sinistrés des dimensions.
Face à l’effusion de plaintes, Ilgard avait quitté sa monture et s’était rapproché. Sa main s’était logée dans l’un des plis de l’étoffe qui lui servait de vêtement supérieur. Il s’apprêtait à réagir au moindre mouvement suspect, son corps gardant une certaine réserve dont lui seul avait l’expertise, alors que son acolyte toujours monté éclaircissait sa voix en hâte. Lui aussi semblait être habitué à ce genre de situations, et surtout semblait préférer les régler par les mots plutôt que par l’épée.

« Calme, amigo, je vois où tu veux en venir. La plupart des forces de l’île était occupé à protéger les civils, et ce type dont tu parles, si c’est le même auquel je pense, c’est sa tentative de capture qui nous a entraîné dans ce… hé, tu m’écoutes ? »

Assurément non, l'esprit de son interlocuteur était tiraillée entre sa rancune intestine et les scorpions qui le pressait de leur centaine de regards. Pouvait-on vraiment parler de pression ? Eux n’en expérimentaient pas à première vue. Ils restaient plantés profondément dans les cendres, et il fallut que le poulain aqueux leur soumette une question pour stimuler une réaction de leur part. Leurs réponses furent brèves et nombreuses, quelques individus répondant à tour de rôle sans aucune animosité.

« Nous ? On est là pour remplir notre part du marché. » « Oui, notre marché avec les humains. » « Ils nous ont demandés de les prévenir. » « Prévenir qu’il faut vite partir d’ici ! » « On fait ça souvent. » « C’est un peu notre rôle. » « Notre rôle ici, parce qu’il faut toujours bouger ! » « Bouger pour les éviter, encore et encore. » « Mais les humains ne savent pas quand bouger. » « Et là, c’est le moment ou jamais. » « Nous aussi, on devrait partir. » « Nous aussi, oui, plus vite que prévu. » « Hein ? Pourquoi plus vi- ARGH ! »

Une bonne partie des têtes s’était déjà renfouie dans la sable quand la capacité obscure balaya les plus lents d’esprits. La puissance de l’attaque n’était pas suffisante pour espérer les mettre au tapis en un coup ; sa nature les dissuada cependant de rester une seconde de plus ici, les forçant à se disperser la queue derrière les jambes en couinant des injures et des plaintes suraiguës. Pour le Keldeo, les menaces qu’elles constituaient étaient négligeables, mais il n’en était pas de même pour le jeune bipède. A peine avait-il intimé l’ordre à son Embrylex de lancer l’attaque qu’Ilgard avait fondu sur sa nuque pour y poser la lame froide d’un poignard. Dans sa course, il cracha une série de phonèmes étrangers à tous ceux qui étaient présents.

« Liet, maqid ! An laa tadeuhum yuhribuna eaynay ! »

Un Dunaconda surgit alors du sable sous les pattes du Roche/Sol et tenta de le ligoter entre les boucles de son corps, prenant soin de toujours le mettre en joue du bout de ses narines. Au même moment apparut des airs la Rhinolove qui s’était envolée quelques secondes plus tôt. Elle s’immobilisa au ras du sol devant le rageux, assez loin pour être hors de sa portée directe, mais à bonne distance pour que l’effet de sa Cage-Eclair dissuasive soit instantanée si elle venait à y recourir. Leur dresseur, lui, puisait dans toute sa haine pour s’adresser à sa cible.

« En effet, enfant du Mal, les questions n’ont plus lieu d’être. Tu dis venir d’un autre monde ; ainsi, il t’a envoyé sur ses terres maudites pour faire vaciller notre foi. Ton poison ne m’atteindra cependant pas, comme l’héritage de mes ancêtres me l’ordonne. »

Sa main armée ne tremblait pas, pas plus que le moindre membre de son corps. La détermination qui l’animait le pousserait certainement à finaliser son acte, si quelque chose ne venait pas l'interrompre. Il n'aurait cependant jamais le temps d'aller jusqu'au bout, car un bruit éclatant résonna et capta son attention. Eclatant, oui, c’était le mot parfait pour décrire ce claquement de doigt. A défaut de pouvoir en caler une, le champion Electrik s’était davantage avancé à leur hauteur, le bras retombant d’un geste las. S’ils tentaient de se retourner, les combattants pourraient appréhender les deux Hyperballs rutilantes qui se dandinaient à sa ceinture, ainsi que l’arme électrique à leur côté. Leur possesseur n’était cependant pas encore disposé à les utiliser.

« Stop ! On arrête tout. Plus personne n’attaque personne, on n’a plus le temps pour ça. Toi, j’ai du mal à m’expliquer ton histoire d’autre monde et de Pokemon obscur, mais je peux t’offrir la possibilité de rencontrer ceux que tu dois rencontrer. Un convoi d’Onyin sillonne actuellement ce désert et ne va pas tarder à passer au large d’Oblaide. Les êtres qui l’escortent prennent généralement la forme d’ombres montées sur des Pokemons, peut-être comme celle de ta vision. Tous les préparatifs sont en place pour l’intercepter, ce n’est plus qu’une question de minute à partir de maintenant. »

« Enfin, monsieur Ater, vous n’allez tout de même pas le laisser… »

« Si, Ilgrad. Ce garçon n’est pas des leurs, et il était présent lors de l’ouverture de la Porte. Nous n’avons pas le luxe de développer ici et maintenant, mais sa haine est réelle. Je comprends tes craintes. Je les partage. Et je suis heureux d’avoir une personne aussi éclairée à mes côtés, mais je peux prendre la relève pour l’instant. Tu as assez trimé comme ça. »

L’intéressé hésita avant d'abandonner sa quête d'exécution. La rancune dans ses yeux azur ne fluctuait pas alors qu’il souffla :

« Ne gâche pas ta chance, démon. »

Il finit par regagner sa monture en rappelant ses créatures dans sa langue sans avoir à user de Pokeball, sous le regard de braise de Méliodas. Ce dernier n’attendit pas la réponse de Nathan à sa proposition pour lui tendre la main. La dune commençait déjà à croître en absorbant en son sein le sable des dunes adjacentes. Celui qui lui avait été arraché par les gesticulations du petit groupe était quant à lui maintenu en l'air par une force que les plus attentifs pouvaient remarquer, formant des nuages irritants ça et là.

Au sommet de la dune, un grain de sable, le plus élevé d'entre tous, se mit à rejoindre le ciel.

« Monte si tu n’as pas de quoi te déplacer rapidement, ou c’est le sable qui le fera à ta place. Et dis à tes Pokémons de venir. » L’énergie de sa voix restait la même, mais on pouvait sentir qu’il s’était efforcer de l’adoucir. Il s’adressa sur le même ton au Keldeo. « Toi aussi. Je ne sais pas si tu es juste tombé avec lui par hasard, ni même si tu as une relation avec le Mal, mais dans le doute on va vous renvoyer de là d'où vous venez. »

A la possibilité qu’il doive porter deux humains adultes sur son dos, le Zeblitz soupira bruyamment. Il confia à son congénère équidé :

« On n’a pas beaucoup de chances aujourd’hui, hein. D’ailleurs, petit, tu n’as pas l’air d’être habitué au désert. Essaye de suivre mes pas autant que possible, je t’indiquerai quand et où tu pourras te déplacer un peu plus librement. »

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Si notre petit diablotin se délectait du spectacle depuis le début, caché au fond de son trou dimensionnel quelque part dans le ciel de cet univers, des doutes s’étaient mis à germer dans sa tête lors de la scène. Il n’avait pas prévu que l’une de ses victimes cherche à se faire tuer dès son arrivée dans ce monde, et ce auprès des premiers êtres vivants qu’il rencontre ; assurément, les quiproquos et escarmouches qui en découlent n’étaient drôles que lorsqu’elles pouvaient s’auto-alimenter. Il n’y avait rien de comique à ce que les acteurs se poignardent vraiment. Mais la situation semblant s’être calmée pour l’instant, le lutin spectral avait un peu de temps pour réfléchir à la suite des opérations. Avec l’handicapé à cheval était survenue une piste intéressante, celle de l’attaque d’un convoi commandé par le Mal lui-même. Il n’avait aucun remord à aller l’embêter. Loin de là, c’était même de bonne guerre, vu toutes les dimensions que la créature maline avait vidé de tout hilarité. En réfléchissant plus en profondeur sur cette alternative, des souvenirs de ce que contenait ces convois lui revinrent et le conforta dans son choix. Perfection ! En plus de l’amusement, ses victimes allaient lui rapporter quelque chose qu’il avait toujours rêver tenir entre ses mains.
L’humain suicidaire semblait déjà être sur la bonne voie, motivé par… une ombre qu’il pensait directement issue du lutin ? Bizarre, et totalement erroné, mais peu importe, tant que cela suscitait de l’envie, il n’allait pas tenter de rectifier le faux. D’un autre côté, son duo Pokémonesque paraissaient plus réservé et plus sage, possiblement plus sceptique. Il lui fallait un coup de pouce, un ersatz d’indice pour l’encourager à voler l’entité démoniaque suprême pour le bien d’un autre dont il ne connaissait même pas l’existence. Un message télépathique suffirait ; comme disait le blond sans nerfs, le temps manquait cruellement.

« Toi qui a l’air de plus tenir à ta vie que l’autre Férosinge, tu ferais mieux de les accompagner, d’écouter ce qu’ils ont à te dire, et peut-être que je te renverrai dans votre monde. Enfin, peut-être, ça dépendra de comment tu te débrouilleras. »

Ca marchait toujours, la voix dans la tête.

Je ne comprenais absolument rien à tout ce qu'il se passait. Pourquoi, soudainement, cet humain envoyait son pokémon et partait dans une rage terrible ? Ces Rapions étaient étranges à arriver tous d'un coup, certes, mais ils n'avaient rien fait de mal concrètement. C'était une totale injustice qui se produisait devant mes yeux, alors que l'attaque frappait ces centaines de petits êtres. J'avais entendu leur raison. Partir. Ils devaient partir, selon les scorpions. Mais pourquoi ? Le sable agissait bizarrement.

C'était la première fois que je voyais une telle capacité, une telle énergie, et probablement pas la dernière s'il s'agissait bien d'énergie maléfique comme le disait la personne qui parlait comme un des dévots que j'avais eu l'occasion de rencontrer. Je n'aimais vraiment pas cet endroit. Après quelques échanges de paroles, la situation semblait revenir à un statut-quo, mais j'avais encore la pression et je décidais de me concentrer sur la mission à venir. Intercepter un convoi ? C'était, apparemment, la meilleure option que nous avions maintenant. J'aurais pu décider de reprendre mon chemin de mon côté, trouver ma réponse et ma porte de sortie, mais je ne voulais pas non plus abandonner la seule personne qui venait de mon monde, aussi enragée soit-elle. Lorsque le Zéblitz me parla, je hochais de la tête en compréhension, tapant du sabot pour signifier que j'étais prêt à partir. Néanmoins j'avais une question brève.

« Il se passe quoi avec le sable ? »

Ca pouvait peut-être sembler naïf comme question, mais ils ne devaient pas oublier que j'étais nouveau ici, dans ce désert, dans cette situation où apparemment le Mal avait pris le dessus. C'était peut-être mon occasion d'en apprendre plus que je le voulais sur ce Mal, mais je n'allais pas la laisser s'envoler. Dès que mon congénère commença à galoper, je le suivais, déterminé à faire la lumière sur cette histoire et à trouver un moyen de rentrer au Village Pokémon.

« Qu- ?.. »

Surpris, je ralentis légèrement en entendant une voix dans ma tête. Une voix curieuse, qui semblait se prendre pour un genre de dieu ou de patron dans son ton. Et ça n'était pas très loin de la vérité... S'il s'agissait de la personne qui nous avait amené ici, elle était probablement la seule personne capable de nous ramener. Je repris ma course aussitôt, tout en décidant de ne pas en parler pour le moment. Ca serait prendre le risque que l'enragé et son pokémon l'entendent. Et, de toutes façons, j'allais suivre de toutes façons ce groupe.

Décision avisée que celle du Keldeo ; alors que le cavalier et sa monture dévalaient le morceau de pente qui subsistait, les nuages de cendres se densifièrent à vue d'œil. Les quelques êtres vivants toujours présents dans un rayon d'une centaine de mètre pouvaient sentir une force invisible tenter de tracter leur corps hors du sol. Des environs naissaient des ruisseaux de cendres, amalgames de particules convergeant au sommet de la dune toujours en expansion. A leur réunion, un fin fil s'élevait dans les cieux. Le point culminant de la colline de sable formée s'étirait indéfiniment et, plus alarmant, prenait de la largeur.
Après quelques minutes de cavalcade, le poulain put sentir que la force ne faisait plus effet sur lui. Le terrain s'inclinait de nouveau, menant vers une mince vallée de pierre. D'apparence, elle semblait formée un chemin sur lequel se dressaient des constructions en pierre à moitié enfouies dans le sable, et humaines de surcroît. Son compagnon à sabots, lui, sembla en profiter pour ralentir son allure et lui souffler la réponse à son interrogation dernière.

« Des nids de Vibraninf, ce sont comme ça que nous les appelons. Nous ne savons pas grand chose dessus, à part qu'ils apparaissent sans prévenir et absorbent tout sur leur passage. Certains disent en avoir vu se résorber, mais ils ne sont principalement pas dignes de confiance. Heureusement, ceux qui vivent dans le sable ont la capacité de pressentir leurs venues. Ce sont avec eux que tu as pu converser avant. Nous les respectons énormément pour l'aide qu'ils nous offrent. »

Ce n'était cependant pas de la déférence qu'on pouvait entendre dans sa voix, mais un dépit glaçant. Derrière eux, un mur de particules s'écoulait à l'encontre de la gravité dans un chuintement lugubre, leur occultant complètement la vue. On ne pouvait discerner ni sa fin, ni sa destination ; seulement une aura de mort certaine s'en échappait, une sensation incontrôlable qu'il n'y avait plus aucune échappatoire pour tout ce qui avait pu se trouver dans cette zone.
Depuis le début de leur fuite, le blond n'avait cessé de regarder en arrière. Il fixait maintenant la tempête opaque, impassible, comme si la lueur ardente qui enflait au fond dans ses yeux lui permettait de voir l'invisible. Son poing finit par se serrer ainsi que les traits de son visage, comme sa tête rembrunie par la frustration se tournait péniblement verse le sol. C'était une voix gutturale que l'ancien champion laissa s'échapper de ses lèvres.

« Encore un de plus, encore un de trop. Ils continuent d'engloutir nos ressources et nos espoirs jour après jour, de nous traîner encore un peu plus vers leur enfer. Ils ne nous laissent même pas le temps d'enterrer nos morts, et maintenant les vivants ? Qu'ils aillent se faire foutre ! Aujourd'hui, on va leur faire payer les vies qu'ils ont profanées, une bonne fois pour toutes. »

En effet, sur les cinq encore sur place lors du début de la catastrophe, trois uniquement répondaient à l'appel. Le jeune dresseur de Pokémon obscur n'avait pas réagi à temps. Perdu dans le nid, sa survie ne dépendait plus que de la bonne volonté des légendaires de ce monde.

Dans le secret, une entité s'était manifestée pour secourir cette pauvre âme - la même qui l'avait amené dans ce désert contre son gré. Cela n'endigua pas pour autant la déception du petit djinn. Un de ses cobayes s'était révélé ne pas être à la hauteur, et il avait été obligé de le renvoyer en urgence dans son monde d'origine. Ses seuls espoirs se posaient dorénavant sur le canasson d'eau.

Le Champion d'Oblaïde se redressa, posant son regard sur sa monture, puis sur le Keldeo, et enfin vers le dénivelé. Le combat contre sa rage intérieure se faisait toujours ressentir dans les mouvements de son corps. Il réussit cependant à la réprimer le temps de quelques paroles.

« Un nid ne vient jamais seul, le convoi ne doit pas être très loin. Tu vois, ici ? » Dans la direction qu'il pointa mollement du doigt, à l'opposée des ruines, jaillissaient du sol de longues lances de roche. « On a enfoui des explosifs assez puissants pour pulvériser la base des piliers. Quand les ombres passeront dessous, les débris leur barreront la route. Ce sera le signal pour notre embuscade. L'une des nôtres possède actuellement les manettes ; elle se joindra à nous après, d'ailleurs. Notre futur entier dépend de sa réussite, le mien et celui de tous les survivants de l'île. Mais je n'ai oublié ce que j'ai dit : si tu viens vraiment d'un autre monde ou que sais-je, je t'aiderai à trouver un moyen de rentrer chez toi. Tu peux me faire confiance, que tu nous accompagnes maintenant ou que tu nous retrouves après coup. Nous te forçons à rien. » Il se tourna enfin vers son interlocuteur fabuleux. Son expression se faisait plus sereine, quand bien même des bribes des émotions passées se trahissaient encore.
« Au fait, j'aurais bien aimé savoir si je pouvais t'appeler autrement que Keldeo, mais avec la barrière de la langue... Juste, ne le prends pas mal si je continue sur cette lancée. »

« Lui ne peut pas te comprendre, mais moi si. Donc n'hésite pas à me faire part de tes remarques si l'envie t'en prend pour plus tard. » seconda sa monture.

Les réflexions pourtant naïves du poulain ne manquèrent pas d’arracher un hoquet d’étonnement au Zéblitz, le dévisageant de toute sa stupéfaction.

« D’où viens-tu, Braev, pour ignorer à ce point ce qui ronge cette île ? » Il se ponctua d’une secousse de la tête. Quelques particules coincées dans sa crinière en profitèrent pour s’échapper ; il en fut de même pour l’agitation qui se tarissait au fil de son écoute. Sa curiosité fut sans faille pour tout ce que l'étranger pouvait lui apprendre, si bien qu'il ne se permit de reprendre la parole qu'après avoir assimilé l'essentiel.
« Avant toute chose, je me dois quand même de te mettre au courant sur ce qu’il s’est passé. Enfin, l'important pour ta survie et pour la nôtre. Nous avons encore un peu de temps devant nous »

Il referma ses paupières et se tut quelques secondes. Comme profitant du silence, une légère brise vint caresser les dunes dans un souffle presque imperceptible. Seule traître de sa présence, la fourrure du quadrupède se mit à vibrer au rythme de l’air, semblant fuir les rayons de soleil qui commençaient à darder au-delà de l’horizon. L’astre solaire venait juste de regagner sa pleine allure, source d’un éclat uniquement brisée par les quelques dunes majeures, ainsi que l’arrière des ruines en contrebas. Devant ces dernières, la vallée révélait peu à peu sa nature sinueuse, coulissante entres les tas de sable comme un Serpang dans les fosses marines. C’était une allée de roche éclairée à blanc qui se dessinait sous nos chers amis, dorénavant. Une allée dans laquelle ils allaient devoir s'engager lors du signal.

« Cela fait maintenant deux étés que le cataclysme s’est abattu sur l’île. D’abord, des nuages sombres ont obscurci le ciel et envahi nos terres, ont réveillé nos défunts les plus proches et nous ont forcé à les combattre. Un groupe de guerriers s’est empressé de rejoindre la source de ce mal pour repousser l’entité qui le contrôlait. Mais leur bravoure s’est faite anéantir par l’avidité d’un humain. Alors, le volcan s’est mis en branle, a recouvert l’île de feu et de cendres, emportant l’histoire de millions d’êtres en un éclair. Nous en étions assez éloignés pour nous réfugier à temps, contrairement au centre de l’île. Depuis ce jour, les survivants sont obligés de se réunir en groupe dans leur quête de ressources. Quant à nous, nous faisons partie de la communauté du Port Oblaïde, le plus grand rassemblement de rescapés de la côte Est. Méliodas, ou mon « humain », comme tu l’appelles, cherche un moyen de contacter les autres communautés encore manifestes sur l’île. Ce serait l’unique façon de renverser la vapeur. Mais les ombres… Sur eux, je ne peux que répéter ce que Méliodas m'a déjà dit. Heureusement pour nous, il a l’habitude d’être très loquace quand on aborde le sujet. »

A ce moment-là, le principal intéressé scrutait les environs sans dire mot, dans une position qui aurait sûrement été plus confortable debout, de lourdes jumelles usées à la mécanique complexe posées sur ses orbites. Ses observations se focalisaient sur le désert profond, à l’Ouest, là où le sol de la vallée grimpait lentement pour rejoindre les courbes alentours.

« Les ombres, c’est comme cela que nous désignons les morts qui sont revenus dans notre monde lors du cataclysme. Non pas des spectres au sens général du terme, mais de véritables pantins du Mal. Ils se battent comme nous, peuvent quelque fois parler notre langue, et ne veulent que grossir leurs rangs. Au début, nous faisions affaire aux plus récents d’entre eux. Mais au fur et à mesure de nos victoires, le Mal puisait dans des esprits de plus en plus anciens pour façonner ces ombres. Ces derniers temps, elles se font plus rares, plus puissantes, ont la capacité de se coordonner en petits groupes… »
« Nous ignorons beaucoup du fonctionnement de leur faction, mais il y a peu, un éclaireur a pu observer qu’un de leur groupes faisait des va-et-viens selon un paterne fixe. Ils avaient avec eux une construction de bois mobile, comme les humains en fabriquaient autrefois. Méliodas est persuadé que ce qu’elle contient nous permettra enfin de se débarrasser du problème des ombres, et de regagner l’accès aux autres parties de l’île. »

« J’espère que tu lui parles stratégie, Krieg. La bataille risque de rester dans les annales. » Le blond avait brièvement quitté sa posture de vigie pour inspecter l’état des deux parleurs. « A partir du signal, on aura très peu de temps avant que le convoi ne soit submergé de brume noire. Ils ne se laisseront pas faire même sous le choc des explosions. Il faudra frapper vite, fort, et essuyer le moins de coups poss...»

Brusque frisson. Son être entier pivota vers un point à l’horizon, une tâche incertaine dans le décor. Si les cendres ne faisaient que faiblement mettre en relief les rayons solaires, ce point lui, y faisait face et les absorbait dans leur intégralité, apparaissant comme un trou au plein milieu d’une toile. Et bien plus que cela, il s’y mouvait, prenait de la matière à chaque seconde. Se rapprochait des piliers minés. A la bonne distance, on pouvait deviner que ce point était de nature multiple : quatre unités montées qui ceinturaient un habitacle sur roues, deux à l'avant, deux sur les côtés, tous aussi noirs que le jais, effleurant la pierre en ne laissant pour trace qu’une traînée volatile de fumée. Aucun bruit de roulement, aucun écho de sabot, aucun cri dans la vallée.

Seulement le vent qui gagnait en intensité, les ombres des ruines qui grandissait avec la montée du soleil, et les secondes qui passaient sous la barre des dizaines avant que le moment de vérité n’arrive.

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