Hard Rock Cafe [Arène - Inoke & Char] [Terminé]

Après quelques nouvelles éloges bien méritées aussi bien pour l’équipe de jeunes chenapans que pour la Challenger, Inoke annonça son départ afin de retourner travailler. Le poids des responsabilités revenaient déjà se poser sur les épaules de Charlie qui n’allait certainement pas laisser sa patronne tout faire. Le boulot ne manquait pas, à se demander ce qui avait changé pour que les deux collègues croulent autant sous le travail, Charlie n’avait pas l’impression que le nouveau statut de l'établissement et de son amie en était la cause. Au moins, les travaux imminents allaient les forcer à lever le pied, personne ne peut combattre dans l’arène si elle est en pleine rénovation. Quoique… ça remplaçait une tâche par une autre.

Le serveur laissa échapper un soupir las avant de décider qu’il valait mieux se concentrer sur le positif. Lilith accrochait son nouveau badge à côté du premier sur son étui à guitare, et pour une raison assez inexplicable Charlie ressentit comme un soupçon de fierté. Peut être parce que sa nouvelle amie avait déjà obtenu deux victoires, peut être parce que ce qui lui semblait être un si petit geste que d’aider une alors inconnue avait conduit à un si beau combat, peut être était-ce de voir une Galarienne accomplir tant en si peu de temps dans cette région où il était si difficile de naviguer, peut être un peu de tout ça et plus encore en même temps.

“Alors... on s'était donné rendez-vous à la fin de ton service, pas vrai ?”

“Yep” répondit-il bien brièvement.

Maintenant que l’atmosphère électrique et l’adrénaline d’un beau combat étaient retombés, il sentait une légère vague de fatigue balayer son énergie. Ce n’était pas vraiment le moment de devenir un homme aux peu de mots, la journée n’était pas finie, et il voulait pouvoir profiter de la présence de Lilith avant qu’elle ne reparte en voyage.

“Maintenant qu'on m'a offert un bon chocolat pour patienter, je vais pouvoir t'attendre pour notre petit duo”

“Yep” répondit-il machinalement à nouveau avant de caler Pudding sur son épaule et libérer ses mains. Petites tapes sur les joues pour se ressaisir, et c’était reparti “Après tout ça je conseille le coin canap’ pour te reposer toi et ton équipe ! On aura tout le temps de discuter plus tard. Faut que je me remette en mode boulot moi aussi” Il essaya de ponctuer sa phrase avec un sourire - il aurait mieux fait de s’abstenir, il était un peu forcé, ça allait se voir non ?

Gêné et sans rien pour occuper ses mains, il avait maintenant hâte de retourner bosser. Alors il invita Lilith à rejoindre la salle voisine et s’attela à lui faire un deuxième chocolat chaud. À peine revenu derrière le comptoir, Charlie sentit une présence dans son esprit qui n’hésita pas à envoyer tout son mécontentement. Le pauvre Missy était d’une humeur râleur qui ne dura pas, bien heureusement. C’était juste un vieux ronchon, voilà tout.

Le reste de la journée s’écoula plus vite que d’habitude. L’affluence de clients n’avait pas été insurmontable et le serveur avait même pu rejoindre son amie quelques fois pour discuter quelques minutes - ou plutôt, il en avait profité en passant près d’elle. L’heure était à la fermeture, panneau retourné, store baissés, tout rangé et propre, Charlie n’avait plus qu’à aller chercher ses affaires et dire au revoir à Inoke.

En bon fainéant - et surtout dû à un bon gros coup de bol - il n’habitait pas loin de son lieu de travail, non pas que Bordeciel soit une grande ville de toute façon. Un court trajet avec une discussion sur tout et rien toute aussi brève plus tard, Charlie invita son amie à entrer dans son modeste appartement. Tout l’espace dont il bénéficiait était davantage à la convenance de ses compagnons plus que pour la sienne, il avait l’habitude de vivre à l’étroit, ça ne voulait pas dire qu’il voulait offrir la même chose à ses Pokémons, surtout si certains avaient une soudaine poussée de croissance à l’évolution… si tant est que l’un d’eux évolue. Oh et pour avoir assez de murs pour les bibliothèques, évidemment.

“Mon humble demeure” dit-il à Lilith avec un ton de plaisanterie “Fais comme chez toi. Enfin… façon de parler” se rattrapa-t-il.

Il s’étira avant de se mettre un peu plus à l’aise. Il tomba la cravate et défit deux boutons de chemise avec l’impression de redécouvrir l’effet de l’oxygène dans ses poumons. Il lâcha ses cheveux, qui pourtant le matin même semblaient bien plus agréables bien attachés, étaient devenus insupportables en fin de journée.

“J'y pense, tu sais quelle arène tu vas viser ensuite ?” demanda-t-il maintenant que les deux amis étaient enfin posés dans un cadre plus tranquille que le café ou les rues aux heures de pointe.

Dans un même temps, il cherchait son clavier du regard. Où l’avait-il rangé ? Missy s’était déjà jeté sur un pouffe bien moelleux, épuisé. Aucune chance qu’il ne l’aide à chercher, c’était bien sa veine ça. Dans sa chambre peut-être ? Le support était bien au salon, lui, replié soigneusement.

“Je sais pas trop. J'vais peut-être aller vers Lakit. Et... si jamais ça marche pas j'improviserai, ça me réussit plutôt bien d'habitude”

Charlie poussa la porte de sa chambre d’un pied tout en écoutant. Lakit, c’était une sacrée trotte pour arriver jusque là bas depuis Bordeciel. Il s’étonna qu’elle ne considère pas l’Imaginarium ou Mégapagopolis sur le chemin avant de se rappeler que leurs Champions respectifs prenaient bien peu de Challengers ces derniers temps, on entendait assez peu parler des triomphes et défaites qui prenaient place dans leurs Arènes ces temps-ci.

Il trouva enfin le clavier fuyard, soigneusement posé contre son chevet.

“Hmm…” il attrapa l’instrument alors qu’il réfléchissait “La Championne Plante a pas très bonne réputation” dit-il en revenant “J’ai entendu dire que l’affronter est une vraie corvée”

Il n’avait plus en tête toutes ses recherches passées, celles qui lui avaient prises soudainement à la seconde ou Inoke avait pris son nouveau poste, mais ça, il s’en souvenait. C’était revenu tellement souvent qu’il était difficile de l’oublier. Il allait éviter de mentionner une vidéo assez mal filmée d’un affrontement qu’il avait vu à l’époque. Le combat s’était tellement éternisé qu’il avait failli s’endormir devant. Une grimace lui échappa à ce souvenir tandis qu’il installait le clavier sur son support.

“Imagine le début de ton combat contre Inoke, sauf que c’est ça tout le long. Toute une équipe de Morphée”

L’idée même lui donna un frisson d’effroi. Si l’enfer des combats Pokémon devait ressembler à quelque chose, c’était sûrement à ça. Heureusement qu’il n’avait du titre de Dresseur que la possession d’une équipe constituée d’un vieux combattant et de trois petites fripouilles. Rien que d’imaginer certains combats d’arènes lui donnait mal au crâne.

Les branchements terminés pour avoir un son convenable, mais modéré pour ne pas déranger le voisinage, il épousseta ses mains plus par réflexe que par nécessité. Il testa quelques notes pour ajuster avant de remonter ses manches pour être un peu plus à l’aise.

“Okay, tout est prêt” annonça-t-il.

“Ouais, c'est pour ces Dresseurs là qu'elle voulait m'aider à me préparer alors? Enfin, qu'elle aide ses challengers? Ça a l'air d'être une vraie corvée”

“C’est ça”

Finalement, Lilith avait eu de la chance d’affronter l’équipe la plus atypique d’Inoke, se dit Charlie. Si la dresseuse voulait toujours se rendre à Lakit pour son prochain badge malgré le triste portrait qu’il avait peint de la fameuse Championne Plante, elle saurait à quoi s’attendre et se préparer en conséquence. Après le combat dont il avait été témoin, il n’avait aucun doute que Lilith saurait s’adapter.

“Nickel ! Alors, t'as envie de jouer quoi? Je te laisse mener le rythme, je te suis”

Elle avait sorti sa guitare et s’était calée de sorte à être un peu plus à l’aise pour jouer. Charlie jeta un oeil à leur audience : Missy s’était assis un peu plus décemment au lieu de rester affalé, Doppelganger s’était installé en hauteur avec Flocon en revêtant la même apparence que le Frissonille, et Pudding avait pris place sur l’accoudoir du canapé .

“Hmm, laisse moi réfléchir…”

Habitué à jouer seul, il voulait prendre le temps de choisir quelque chose d’adapté. Une musique, une chanson qui marcherait bien en duo. Son visage s’illumina alors qu’une idée le frappa, il ne se fit pas prier plus longtemps pour jouer les premières notes. Une chanson qui date d’avant sa naissance, un vieux classique de Rock Galarien, le genre de chanson que les parents se targuent toujours d’avoir connu dans leur jeunesse, et surtout, facile à interpréter en douce ballade acoustique. Étrangement, il ne l’avait jamais joué auparavant. Ce n’était pas le morceau le plus difficile à reprendre, bien heureusement, sans compter qu’il l’avait bien assez entendu - surtout durant son enfance.

Il interrogea Lilith du regard avant d’être trop pris dans la mélodie afin de savoir si son choix lui convenait. La guitariste avait beau l’avoir laissé choisir, il n’était pas trop tard pour dévier sur autre chose. C’était un duo après tout, s’il n’était pas question d’équilibre, quel intérêt ?

La mélodie avait été approuvée par son amie et le son naturel des cordes de guitare vint bien vite accompagner celui bien plus artificiel du clavier. C’était la première fois que Charlie entendait Lilith jouer, deux promesses tenues en une fois, et il ne regrettait qu’un peu plus de ne pas avoir un bon vieux piano, un vrai. La guitare de son amie était sans aucun doute un vieil instrument, même bien entretenu les traces des années étaient inévitables, pourtant rien qu’au son on devinait à quel point sa propriétaire en avait pris soin.

C’était différent de ses habituelles performances en solitaire, il se retrouvait attentif au jeu de sa partenaire musicale, il était porté par le tout auquel leur tandem donnait vie au lieu de rester dans son petit cocon à lui.

Le ton nostalgique que prit la mélodie ne lui échappa pas et pendant un bref instant il se demanda si son choix avait été bien judicieux. S’il avait pensé à cette chanson, au delà de l’aspect pratique - elle était facile et agréable à jouer à la fois - c’était aussi parce que Galar était au moins le berceau du Rock qui leur était si familier. Mais tout ce qui venait de leur région d’origine, à Lilith comme à lui, semblait inlassablement apporter une atmosphère plus mélancolique qu’il ne l’aurait cru.

Il croisait des gens de toutes régions au café, et les autres Galariens ne manquaient pas, pourtant quelque chose chez Lilith lui rappelait bien plus leur chez eux, comme si elle incarnait parfaitement ce que Galar pouvait représenter et tout ce qu’elle avait de mieux à offrir.

Le silence qui suivait la fin du morceau était plus assourdissant que n’importe quelle cacophonie. Char ne s’y ferait jamais, qu’il joue ou qu’il écoute, le retour au calme lui faisait toujours l’effet d’une gifle - ou d’un réveil en sursaut. Il s’attendait à être fatigué, au lieu de ça il se sentait gonflé à bloc.

“Y a pas à dire, c'est quand même super agréable de pas jouer toute seule, pour une fois”

“Ouais, et c’est… différent ? Et en même temps pas tant que ça” répondit-il en s’étirant un peu les bras et les mains “Imagine ce que ça doit être de jouer dans un groupe entier. Ou mieux, un orchestre” lança-t-il avec amusement pour s’assurer que les traces de leur balade un peu trop triste soient bien effacées. S’il ne se voyait pas vraiment jouer avec un groupe, rien que l’idée d’un orchestre entier donnait le tournis. Mieux valait ne pas trop y penser.

Et maintenant ? C’était bien le moment de ne plus savoir quoi dire, quoi faire, comment se comporter.

“Tu veux rester dormir ?”

On aurait pu croire que Charlie avait paniqué, mais c’était tout le contraire : il n’avait pas réfléchi, c’était sorti tout seul et en toute sincérité. Il sentit ce qui pouvait s’apparenter à une petite tape mentale qui le fit grimacer. Il aurait juré que Missy s’était endormi pendant leur morceau en duo, il lança un regard doublement confus à son vieux Wimessir en se massant brièvement la tempe. Oh. Oooh…

“Ah !” s’exclama-t-il au moment où la réalisation le frappa plus fort que la tape psychique du vieux Pokémon “Littéralement rester dormir je veux dire, y a aucun message caché !” se rattrapa-t-il bien vite “Au lieu d’aller au Centre Pokémon. Mon canap’ est plus confortable. En plus c’est un clic-clac” ajouta-t-il presque un peu trop fièrement.

Les lits des Centres Pokémons, il les avait bien connus durant ses voyages. Plus confortables qu’ils en ont l’air, ils n’en restaient pas moins… eh bien, juste ça, des lits de Centre Pokémon.