[TERMINÉ] Piégés dans la roche [Inoke]

SALIZYR – Quand les as-tu vus pour la dernière fois ?

Salizyr posa la pointe de son crayon sur la page de son carnet, prêt à y compléter ses notes en fonction des informations fournies par le Onix. Là, quelque part dans les montagnes du Nord-Ouest de Maïlys, à quelques petites dizaines de kilomètres de l'Imaginarium, sur un plateau bas, où la végétation n'avait pas encore totalement disparu malgré la prédominance rocheuse, Salizyr avait été en train de voler librement quand il avait aperçu le majestueux serpent de pierre, trônant sur un éperon rocheux qui lui offrait une vue dégagée sur une bonne partie du plateau. Devinant à son attitude qu'il cherchait quelque chose, Salizyr était venu lui offrir son aide.
Le Onix, qui s'était présenté sous le nom de Spyrij, lui avait parlé de deux randonneurs Humains, une femme et un homme, qui avaient disparu après s'être réfugiés dans une grotte pour éviter une tempête orageuse. Spyrij avait expliqué qu'il appréciait les Humains en général, n'avait pas souvent l'occasion d'avoir leur compagnie, et aimait se faire le protecteur des randonneur. Voilà quelque chose qui avait parlé à Salizyr, qui lui-même agissait comme un protecteur en général, pas seulement avec les Humains. Le majestueux serpent de pierre avait un air sage, malgré un corps sculpté presque agressivement, qui devait cacher une force tranquille. Une puissance de cette nature montagnarde mais qui ne se déchaînait que si on la provoquait. A discuter avec lui, Salizyr avait commencé à éprouver une sympathie pour ce noble Onix.

SPYRIJ – Avant-hier. Hier je m'attendais à les voir sortir de leur abri car la tempête s'en est allée, et j'ai commencé à m'inquiéter de ne pas les revoir. Nous sommes maintenant en milieu de journée et je ne les aperçois toujours pas.
SALIZYR – Mais qu'est-ce qui te rend sûr que tu les aurais forcément revus ? La montagne est vaste. Il y avait peut-être une autre issue dans la grotte que tu leur as montrée. Tu m'as dit que tu n'y étais jamais entré car elle était trop étroite pour toi. Soit ils sont sortis pendant que tu regardais ailleurs, soit ils sont sortis par une autre issue que tu ignores. Tu as pu simplement les manquer.

En confiance et presque déjà en amitié, il tutoyait le majestueux serpent de pierre à côté de qui il n'en menait pourtant pas large. Le Onix mesurait pas loin de dix mètres de long, de la tête à la queue. Les rochers qui constituaient son corps semblaient d'une solidité impressionnante, sa tête seule faisait pratiquement la taille du corps entier de Salizyr. Quand on savait que les Onix avait la réputation d'être de nature très agressive, surtout envers les Humains, c'était d'autant plus stupéfiant d'imaginer que cette force brute de la montagne fût aussi sage et amicale, et même protectrice envers les Humains. Salizyr se sentait honoré de faire sa connaissance.

Spyrij posa un regard intense et concerné sur Salizyr, puis, d'un léger mouvement de tête, il désigna un cairn, établi là à deux mètres deux, auquel Salizyr n'avait même pas prêté attention jusque là. Le Onix, d'un simple mouvement, pouvait anéantir la petite construction, pourtant chacun de ses gestes semblait précautionneux.

SPYRIJ – Ils m'ont abordé. Ils ont vu que je les surveillais mais il n'y avait pas de crainte dans leur regard. Ils se sentaient en confiance avec moi.

A voir son comportement, il n'y avait rien d'étonnant à cela. L'empathie entre Pokémons et Humains fonctionnaient dans les deux sens : les Humains savaient intuitivement reconnaître quand un Pokémon leur était hostile ou amical.

SPYRIJ – Pour me remercier de veiller sur eux, ils m'ont promis de venir me revoir dès la fin de la tempête pour me donner des nouvelles. Ils ont construit ces cairns pour jalonner leur chemin et pouvoir me retrouver.

Comme si la taille du Onix dominant le paysage n'aurait pas suffi. Réflexe de montagnard, certainement.

SALIZYR – Je vais t'aider. Je te promets de ne pas quitter ces montagnes avant de les avoir retrouvés.
SPYRIJ – Je t'en serais redevable.

Salizyr secoua la tête.

SALIZYR – Non. Ton histoire me touche, j'ai envie de t'aider, et d'aider ces randonneurs. Comme tu as pu le voir, je suis un Dresseur également, et je ne veux m'entourer que de Pokémons qui ont une mentalité comme la tienne. Alors je vais t'aider, car c'est ce qu'aurait voulu celui avec qui j'ai grandi et qui était destiné à être Dresseur à ma place.
SPYRIJ – Tu as trandi avec un Humain ?
SALIZYR – Oui. Et tout ce que je fais, c'est en son honneur. Il s'appelait Raphaël.
SPYRIJ – Si tu m'aides à retrouver ces deux randonneurs, alors je te promets de t'aider à mon tour pour honorer la mémoire de Raphaël.

Ces paroles du Onix touchèrent Salizyr droit au cœur. Sa voix se noua, et pour seule réponse, il posa sa main sur un des rochers corporels de Spyrij. Une main fraternelle. Quelque chose les liait déjà.

Salizyr tourna la tête en entendant du bruit. Il osa espérer bêtement que, par miracle, ce soit les deux randonneurs de retour.

Rien à voir avec les randonneurs, et la déception transparut fugacement sur le visage de Salizyr pour aussitôt laissé place à l'interrogation : qui était cette Magirêve, que faisait-elle là et que voulait-elle ? Elle n'avait en tout cas pas l'air menaçante, et avait approché lentement de sorte à ne pas surprendre Salizyr et Spyrij. Le Dracaufeu n'eut qu'à lever le regard pour apercevoir, quelques mètres derrière, une Dresseuse chevauchant à l'arrêt une Galopa de Galar. Cela expliquait donc la présence de la Magirêve, que l'on ne s'attendait pas à trouver dans ce biome rocailleux. Un Dracaufeu, c'était déjà moins étonnant, dans des montagnes, là où la végétation se faisait plus rare. Sans sa sacoche de pokeballs, Salizyr pourrait aisément passer pour un Pokémon sauvage du coin.

La Dresseuse avait l'air... contrariée ? inquiète ? Contrairement à sa Magirêve, elle ne s'approchait pas, et n'était même pas descendue du dos de sa Galopa de Galar qui acceptait de lui servir de monture. Un signe que cette Dresseuse n'avait pas eu l'intention d'aborder le Dracaufeu et l'Onix, en tout cas pas par elle-même, préférant laisser sa Magirêve prendre les devants, si tant est qu'elle le lui avait demandé.

KAI – Je peux vous aider ? Ma sœur n'ose pas vous déranger, mais j'ai senti que vous étiez inquiets.

Sa « sœur »... Salizyr ne voyait qu'une chose : elle faisait référence à sa Dresseuse, ce qui signifiait qu'elle entretenait avec elle une relation comparable à celle qui avait lié Salizyr et Raphaël. Rien de choquant pour Salizyr, donc, qui lui-même avait maintes fois désigné Raphaël comme son frère.
Ainsi donc la Magirêve avait pris l'initiative d'aborder les deux autres Pokémons, et la Dresseuse restait à l'arrière par timidité ou inquiétude. A son contraire, la Magirêve paraissait très sociable et malgré la gravité de la discussion dans laquelle elle venait de s'immiscer, parler d'un ton guilleret.

KAI – Vous avez parlé de retrouver quelqu'un. On connaît pas aussi bien les montagnes que ceux qui y vivent, mais je pourrais sentir sa présence.
SALIZYR – Tu nous écoutes depuis longtemps ?

Probablement pas, elle donnait plutôt l'impression qu'elle venait d'approcher et sans chercher à se cacher. Par ailleurs, sa Dresseuse n'aurait sans doute pas pris le risque d'attendre tout ce temps sur sa Galopa, bien visible. Si Salizyr ne l'avait pas remarquée jusque-là, c'est tout simplement parce qu'elle venait d'arriver.

Il échangea un regard avec Spyrij en réfléchissant à l'humble proposition de la Magirêve. En fait, il savait déjà ce qu'il allait répondre. Compte tenu que la vie de deux randonneurs Humains était peut-être en jeu, toute aide serait la bienvenue dans l'immédiat, il ne se voyait pas repousser cette Magirêve qui prétendait, de façon crédible, pouvoir sentir la présence des êtres vivants dans les parages.

SALIZYR – D'accord. Comment t'appelles-tu ? Mon nom est Salizyr.

L'Onix inclina la tête d'un geste lent.

SPYRIJ – Spyrij.

Salizyr se mit à écrire quelques phrases dans son carnet, prenant une bonne trentaine de secondes, puis se porta au niveau de la Dresseuse d'un battement d'aile, ses pieds écailleux faisant glisser quelques cailloux qui roulèrent aux sabots de la Galopa de Galar. Il montra la page à la Dresseuse, dessus était écrit : “Nous cherchons deux randonneurs disparus depuis deux jours. Ils se sont abrités dans une grotte. Nous acceptons ton aide et celle de ta sœur.”.

KAI – Moi c'est Kai ! On aide les gens, c'est notre boulot.

Leur « boulot » ?! Etaient-elles gardes-montagnes ou un truc comme ça ? Salizyr voyait le fait d'aider les gens comme une vocation, en l'honneur de la mémoire de Raphaël, pas comme un boulot. Il n'y avait rien de contractuel là-dedans, et personne ne l'avait chargé de cette mission, il s'en chargeait volontiers lui-même.

A l'instant, c'est sur la Dresseuse qu'était portée son attention, car il imaginait que c'est elle qui prendrait les décisions pour Kai, pour son Galopa et pour ses autres Pokémons. En y repensant, un Galopa sur un terrain aussi escarpé... Bon, si le Galopa se sentait à l'aise, tant mieux, mais de ce qu'en savait Salizyr, ces chevaux étaient plus à l'aise en terrain plat, là où leurs sabots ne risquaient pas de glisser sur des cailloux récalcitrants, comme ceux que le Dracaufeu venait de faire rouler avec ses pieds en se posant devant la Dresseuse aux cheveux roses, à la peau basanée et aux grandes lunettes noires. Cette dernière semblait, paradoxalement, plus fatiguée que sa monture. Le petit cri qu'elle poussa en voyant Salizyr atterrir juste devant elle, ailes étendues, montrait aussi qu'elle avait peut-être moins d'assurance que ses Pokémons. Le Galopa n'hésitait pas à la porter sur un terrain qui ne lui était pas familier, la Magirêve était toute dynamique et avait abordé Spyrij et Salizyr d'une voix claire et enthousiaste... et la Dresseuse faisait effacée au milieu de tout ça. Devant Salizyr, elle venait de sursauter d'un air fragile tandis que le Galopa bombait le poitrail, museau relevé et oreilles en arrière, d'un air de dire « pas touche à ma dresseuse ».

SALIZYR – Ne t'inquiète pas., lui dit Salizyr pour dissiper tout signe d'hostilité. Le Galopa s'était de toute façon déjà détendu en le voyant simplement montrer la page de son carnet à la « sœur » de Kai.

INOKE – C'est incroyable... Tu sais écrire ?

C'est très souvent comme ça que commençait les dialogues après les premiers mots écrits par Salizyr. Ce dernier hocha machinalement la tête avec l'air de celui qui avait déjà observé ce genre de réactions des centaines de fois.

INOKE – C'est vraiment extraordinaire ! Je n'avais jamais vu un Pokémon qui savait faire ça. Mais... comment tu as appris ? Et ça ne doit pas être facile avec des pattes et des griffes comme les tiennes, c'est un sacré exploit, bravo ! Ca explique la sacoche que tu promènes alors... mais ça n'explique pas...

… les pokeballs qui y étaient accrochées ? Salizyr ne connaîtrait pas la fin de la phrase qui fut coupée par le hennissement et le renâclement du Galopa. Ce dernier devait bien connaître sa dresseuse et préférait l'interrompre avant qu'elle n'assomme complètement Salizyr de questions. Certaines étaient pertinentes et elle n'était pas la première à les poser, même si Salizyr n'aimait pas trop qu'on utilise le mot “pattes” à son sujet comme s'il était quadrupède : le Dracaufeu avait des mains et des pieds, pas des pattes. Avec seulement trois doigts à chaque main, contre cinq chez les Humains, le Dracaufeu avait en effet moins de dextérité dans la manipulation d'objets, mais trois doigts étaient le minimum pour tenir un crayon et écrire. Pour autant, Salizyr n'avait pas des mains de pianiste, et son écriture n'était franchement pas très élégante. Parfois, il s'entraînait seul dans son coin à avoir un trait plus calligraphié, digne de la condition sociale dans laquelle il avait grandi, mais au fond de lui, il ne devait pas y mettre tant d'efforts que ça, car il ne s'était pas beaucoup amélioré. Si le trait de son écriture était inélégant, il avait au moins l'avantage d'être parfaitement lisible, et l'on ne perdait pas de temps en le lisant à se demander quelle était telle lettre ou comment lire tel mot. Ca, c'était le véritable fruit de sa pratique quotidienne de l'écriture, d'autant plus depuis le décès de Raphaël – il écrivait beaucoup moins souvent du temps où Raphaël était vivant, par manque de nécessité.

La Dresseuse se reconcentra sur le message écrit après s'être fait rouspéter par son Galopa de Galar, le relisant lentement à voix haute. Puis :

INOKE – Oui, bien sûr qu'on va vous aider ! Il faut qu'on fasse vite.

Salizyr hocha la tête. La Dresseuse rappela le Galopa dans sa pokeball, puis marcha jusqu'à Kai et Spyrij, Salizyr lui emboîtant le pas.

SALIZYR – C'est bon, elle accepte.
INOKE – Indiquez-nous la grotte dans laquelle ils sont rentrés. Lazuli a grandit ici.

Qui ?

INOKE – Il connaîtra peut-être les endroits dangereux où ils ont pu se coincer. Et Kai pourra sentir leurs émotions. Si ils sont coincés là depuis deux jours, ils doivent être paniqués, elle les trouvera.

Bien. Salizyr demanda tout de même à Kai :

SALIZYR – Qui est Lazuli ? Et comment s'appelle ta sœur ?

Enfin il demanda à Spyrij :

SALIZYR – Tu veux nous suivre ou tu préfères continuer de surveiller la montagne au cas où ils se montreraient ?
SPYRIJ – Je dois me faire une raison : s'ils avaient dû se montrer, ils l'auraient déjà fait. Je n'aiderai à rien en restant ici, je vous accompagne.
SALIZYR – Parfait.

Spyrij rampa en tête du groupe, connaissant le chemin jusqu'à la grotte. Ce n'était pas compliqué : il suffisait de suivre les cairns. L'Onix rampait avec une certaine lenteur mais sa taille compensait et il ne ralentissait personne. Salizyr ne s'envola pas, marchant au sol à côté de la Dresseuse histoire de garder un contact et, si nécessaire, pouvoir donner des directives. Tout en marchant, il écrivit vite fait à la Dresseuse : “Mon nom est Salizyr. L'Onix est Spyrij. J'ai appris à écrire avec les Humains chez qui je suis né.”.

Salizyr retint que la Dresseuse s'appelait Inoke. Quant à Lazuli, il s'agissait d'un Strassie qui avait déjà guidé les deux sœurs plusieurs fois dans les profondeurs des montagnes. Entre ça et les capacités de la Magirêve, voilà une belle équipe bienvenue pour prêter main forte à Spyrij ; avec tout ça, Salizyr avait bon espoir de retrouver les deux randonneurs, mais ce qui l'inquiétait, c'est l'état dans lequel ils allaient les retrouver. S'ils étaient encore en vie, Boebjie aurait la capacité de leur redonner de l'énergie voire de les soigner, son lait avait des propriétés remarquables, comme toutes les Écrémeuhs.

INOKE – Enchantée, moi c'est Inoke. Et je suis vraiment impressionnée par ce que tu arrives à faire.

D'aucuns n'arrivaient pas à croire qu'un Dracaufeu fût capable d'écrire, certes avec une écriture inélégante, mais de façon tout à fait lisible. D'autres s'en étonnaient sur le coup mais intégraient très vite qu'il eût pu apprendre auprès de la famille d'Humains qui l'avait élevé dès l'éclosion. En somme, si la capacité d'écriture de Salizyr étonnait toujours les Humains pour la première fois, cet étonnement perdurait plus ou moins longtemps : soit il était ponctuel, soit il se transformait en fascination. Salizyr se rappelait cette adolescente Humaine qui l'avait à un moment mis au défi d'écrire toute une série de mots compliqués, et Salizyr avait commis plusieurs fautes sur les mots les moins courants mais avait quand même réussi à l'impressionner. Inoke avait l'air un peu trop réservée pour en arriver là, mais il sentait quand même la fascination dans sa voix et dans ses yeux. Parfois, en réalité, avec le nombre de Pokémons nés chez des Humains et élevés par eux, Salizyr s'étonnait que la capacité d'écriture fût si rare. Il n'avait pas l'impression d'avoir accompli quelque chose de si impensable, et pourtant, c'était bien exceptionnel. Il en tirait forcément une grande fierté, un peu par procuration : il savait que s'il avait été encore là, Raphaël aurait été fier de lui et de son aptitude à se faire comprendre de tous les Humains – sauf des analphabètes ou des aveugles bien entendu.

Inoke ouvrit une pokeball pour faire sortir un Strassie que Salizyr devina être le fameux Lazuli.

SALIZYR – Bonjour.

Le temps d'arriver à la grotte, Salizyr écrivit une phrase sur son carnet et la montra à Inoke : “Je suis la voie de mon frère décédé, il voulait être Dresseur, c'est aussi pour ça que j'ai appris à écrire.”.

En y repensant, Inoke avait fait rentrer dans sa pokeball un Galopa de Galar, qui aurait sûrement été capable de transmettre par télépathie à sa Dresseuse les paroles de Salizyr. Cependant, si le cheval n'était pas à l'aise sur ce terrain de montagne, autant le laisser se détendre dans sa pokeball plutôt que de l'embêter à jouer les interprète. C'est aussi pour cette raison que Salizyr ne tenait pas absolument à se faire accompagner d'un Pokémon Psy si ce n'était au final que pour lui demander de jouer ce rôle. Il voulait que le recrutement de nouveaux compagnons soit motivé par d'autres objectifs ou d'autres liens, comme pour Dribeü par exemple.

En tout cas, cette phrase écrite allait sûrement déclencher de nouvelles questions de la part d'Inoke, ou au moins d'autres exclamations admiratives. Salizyr voulait surtout lui expliquer un peu mieux comment cela se faisait qu'il avait développé cette aptitude d'écriture si exceptionnelle chez un Pokémon. Et puis, il devait l'avouer, ce n'était pas désagréable de s'attirer l'admiration, pour un fier Dracaufeu comme lui !

SPYRIJ – Dans une minute devant nous se trouvera une falaise, la grotte est sous cette falaise, à moitié masquée par un arbre. J'aiderai l'Humaine à descendre la falaise.
SALIZYR – Les randonneurs ont descendu cette falaise ?
SPYRIJ – Non, je leur avais montré un chemin. Ca nous ferait faire un détour, je préfère que nous arrivions le plus vite possible.

INOKE – Je suis désolée. Je suis certaine que de là où il est, il est très fier de toi.

Salizyr eut un petit sourire reconnaissant et hocha la tête pour accepter ces paroles aimables. Le silence se réinstalla un instant alors que le groupe, composée d'Inoke, de Kai, de Lazuli, de Salizyr et de Spyrij, approchait de la falaise que ce dernier avait annoncée. Lazuli partit un peu en avant et éclaira ladite falaise, qui tombait à pic sur une huitaine de mètres. En contrebas se trouvait un autre plateau rocheux, et Salizyr aperçut le chemin par lequel les deux randonneurs avaient dû arriver en ayant contourné la falaise jusqu'à trouver un dénivelé praticable. Un arbre trônait fièrement au pied de la falaise, unique grand représentant végétal à une cinquantaine de mètres à la ronde. Ce devait être l'arbre dont parlait Spyrij : l'entrée de la falaise était masquée derrière son tronc.

INOKE – On va devoir descendre là-dedans, pas vrai ?

Spyrij tourna la tête vers elle avec un regard paisible et rassurant. Il avait vraiment tout l'air du grand sage de la montagne, ce colossal serpent de pierre. Salizyr ne put s'empêcher de l'imaginer se battre férocement pour défendre ses pairs et son territoire. C'était en tout cas la réputation des Onix. Spyrij avait la “particularité”, si c'en était une, de se montrer amical envers les Humains, tandis que les Onix étaient généralement réputés pour être agressifs, mais Salizyr ne doutait pas que s'il venait à se battre, il représenterait le même danger que ses congénères.

INOKE – Si tu penses qu'il faut passer par là, je te fais confiance

Le serpent de pierre avait le corps plus long que la falaise. Il rampa précautionneusement pour la descendre, et l'on vit tout de suite qu'il était dans son biome naturel : ses rochers corporels se calaient avec facilité contre la falaise pour empêcher son corps entier de chuter lourdement, et lorsque sa tête vint se poser délicatement sur le plateau en contrebas, sa queue suivit le mouvement dans un rythme continue et une allure sûre. Le tout se déroula dans un tonnerre rocailleux, comme si la falaise entière était en train de se détacher sous l'effet d'un tremblement sismique et menaçait de provoquer un éboulement.

Pour Salizyr, la descente fut beaucoup plus silencieuse : d'un simple battement d'aile, il longea la falaise par voie aérienne et se posa au sol. Quant à Lazuli et Kai, ils allaient être encore plus silencieux, eux, pour le coup. Seule Inoke allait avoir besoin d'aide, ce que Spyrij avait anticipé. Si besoin, Salizyr pouvait aussi l'aider en la portant, mais Spyrij s'était déjà montré volontaire, et si le Dracaufeu était déjà capable de porter un Humain sur son dos, l'Onix sentirait à peine son poids.

Spyrij, une fois descendu, étendit lentement son corps le long de la falaise pour présenter son énorme tête à Inoke. Il lui fit un petit signe, comme un hochement, l'invitant à lui grimper sur la tête. Inoke pouvait s'agripper à sa corne frontale mais Spyrij faisait des gestes doux de toute manière. Spyrij contourna la queue de l'Onix pour chercher l'entrer de la falaise derrière l'arbre, et ne manqua pas de la trouver. On pouvait ne pas la remarquer si on ignorait son existence, mais quand on savait où la chercher, on la trouvait tout de suite. Il remarqua quelque chose à ses pieds : un cairn. Cela confirmait que les randonneurs avaient bien atteint la grotte.

Quand Salizyr reporta son attention sur ses compagnons de quête, Spyrij était en train de faire descendre Inoke au pied de la falaise. L'humaine se tenait à la corne frontale de l'Onix et serrait contre elle le Strassie, faisant penser à un enfant qui cherchait du réconfort dans son doudou. C'était mignon. Spyrij, de toute manière, faisait des mouvements très lents et précautionneux, ce qui pouvait aussi rassurer Inoke. C'était incroyable pour Salizyr de voir un Onix prendre autant soin d'un Humain en contredisant tous les stéréotypes au sujet de son espèce, et cela ne faisait qu'amplifier son envie de poursuivre ses aventures avec lui. Ils étaient comme faits pour s'entendre, et Spyrij lui avait déjà promis que s'ils parvenaient tous ensemble à sauver les randonneurs, il aiderait Salizyr à honorer la mémoire de Raphaël, des mots qui avaient touché le Pokémon-Dresseur. Cette quête revêtait donc un intérêt double : sauver deux vies humaines, et obtenir l'amitié de Spyrij.

Inoke arriva au niveau de la grotte sans une égratignure grâce à l'attention bienveillante de Spyrij et remarqua à son tour le cairn, avec la même déduction. Elle demanda à Lazuli s'il connaissait cette grotte et s'il allait pouvoir les guider. Le Pokémon roche féérique prit une distance d'avance comme s'il partait en éclaireur. Spyrij, lui, n'allait pas entrer dans la grotte. Salizyr se tourna face à lui. Tous deux s'échangèrent un regard, sans un mot, mais ils se comprirent. Salizyr lui posa une main fraternelle sur un rocher, hocha la tête puis s'engouffra avec les autres, laissant le colossal serpent de pierre montrer la garde.

Ils auraient vite été dans l'obscurité sans les lueurs du Strassie au-devant pour les guider. Salizyr vint se positionner juste à côté d'Inoke et plia la queue vers l'avant en levant l'extrêmité : avec sa flamme caudale, le Dracaufeu servirait de torche vivante à Inoke. Kai, quant à elle, prit les devants avec Lazuli. Tandis que l'un allait peut-être pouvoir cartographier la grotte, l'autre pouvait y détecter les présences vivantes et peut-être localiser les deux randonneurs.

Soudain, de petits rires malicieux se firent entendre par échos dans la grotte. Salizyr se figea un instant, puis tendit le museau et renifla, mais aucune odeur particulière ne lui vint pour le moment. Les rires se firent entendre à nouveau. Il écrivit rapidement quelque chose sur son carnet et le montra à Inoke en éclairant son écriture avec sa flamme caudale :
“Sûrement des Grimalins.”

Puis il demanda à la Magirêve :

SALIZYR – Kai, sens-tu la présence de Grimalins dans cette grotte ? C'est peut-être eux qui ont causé du mal aux randonneurs.

INOKE & KAI – Des Ténéfix.

En y repensant, ça faisait déjà plus de sens de trouver dans cette grotte des Ténéfix plutôt que des Grimalins dont les espaces naturels préférés étaient plus verdoyants, quand il ne faisaient pas irruption dans les maisons aux détriments de leurs habitants. A la décharge de Salizyr, les échos et l'accoustique particulières de la grotte avaient altéré le son des ricanements pour les faire ressembler à ceux de Grimalins ; par ailleurs, Salizyr était tellement pressé de trouver la cause de la disparition des randonneurs qu'il avait en premier lieu pensé à des Pokémons connus pour causer malheur. Le caractère de Spyrij aurait pourtant dû le pousser à se défaire de ses clichés.

Mais c'étaient bien des Ténéfix ; en repensant aux rires, Salizyr pouvait comprendre pourquoi il s'était mépris. Ces Pokémons avaient mauvaise réputation auprès des gens, mais si Salizyr voulait se débarrasser de certains clichés, alors il ne devait pas porter de crédit aux rumeurs voulant que certains Ténéfix volaient l'âme des gens. En revanche, une chose un peu plus certaine concernait leur régime alimentaire à base de gemmes et autres pierres précieuses. En ce sens, les Ténéfix pouvaient représenter des prédateurs pour Lazuli.
Kai annonça qu'ils étaient trois, et Salizyr dut la croire sur parole. A la lueur de sa flamme caudale servant de torche pour Inoke, Salizyr regarda cette dernière et lui fit deux signes de la main successivement : un premier comme un pouce en l'air pour lui confirmer qu'elle avait raison sur la présence de Ténéfix, un deuxième en montrant ses trois doigts pour lui faire comprendre qu'ils étaient trois selon Kai.

Un instant plus tard, un Ténéfix surgit de l'obscurité pour attaquer Kai mais se fit aussitôt repousser par la Magirêve. L'attaque lumineuse éclaira une caverne annexe pendant une seconde, dévoilant les deux autres Ténéfix. Salizyr tendit le museau pour renifler encore, par réflexe, mais l'odeur des Ténéfix, déjà subtile en soi, se fondait avec celle de la pierre environnante. Son odorat reptilien pourtant développé n'allait pas beaucoup l'aider dans cette situation.

Salizyr plissa les yeux et finit par voir la silhouette d'un Ténéfix parmi les deux derniers se jeter sur lui. Il ne voulait pas trop bouger la queue pour ne pas laisser Inoke dans le noir, aussi leva-t-il plutôt la jambe pour repousser le petit être d'un gros coup de pied, certes peu académique mais efficace. Ca ressemblait à une tentative d'Ultimawashi mais très mal maîtrisée. A la réflexion, c'était une attaque que Salizyr aimerait bien apprendre, mais il lui faudrait trouver quelqu'un pour s'entraîner.

Le Dracaufeu-Dresseur saisit rapidement une pokeball à sa sacoche et la lança : une aura s'en dégagea et matérialisa Yaeslig à mi-distance entre le Ténéfix qui venait de se manger le pied du Dracaufeu en pleine figure, et le duo formé par Inoke et ce dernier. Salizyr la choisissait car l'énergie produite par son corps de lave dégageait naturellement de la lumière, et ses attaques de feu éclaireraient également la grotte.

SALIZYR – Yaeslig, Bâillement sur le premier Ténéfix que tu vois !