Entourés de dragons [Shiro]

Plissant les paupières face à son expression et au silence qui avait suivi ma réponse, j’anticipais avec difficulté les raisons ou explications auxquelles j’allais avoir droit, luttant de toutes mes forces pour ne pas laisser la colère monter trop rapidement. Le fait de capturer un pokémon était bien trop souvent une décision prise unilatéralement et ce, bien qu’elle change le destin de bien plus d’une personne dans l’affaire aussi, avais-un regard particulièrement critique sur la notion d’abandon. Il était bien trop aisé de se cacher derrière son petit doigt, invoquant quelques excuses rondement préparées pour excuser un comportement tout bonnement inadmissible. Sentant ma main se crisper machinalement sur mon fouet, je prenais une inspiration si longue que l’espace d’un instant, je crus que mes poumons allaient exploser.

- N’est ce pas vous, Mr. Yagano, qui vous plaignez d’être orphelin ?

La manière dont j’avais pondéré ma phrase, parlant lentement pour pour insister sur chaque mot, avait rendu ma question encore plus froide que ce que j’avais prévu. Tant pis, au moins comprendrait t’il sans doute qu’il se trouvait sur un terrain glissant en abordant ce sujet. J'avais tout de même espoir que cette question toute réthorique soit elle, éveille un semblant de raisonnement quant aux conséquences qu'un abandon sur son pokémon. Peine perdu apparement. Un pli de contrariété largement visible entre mes sourcils, je rajoutais à sa remarque, plus cassante encore.

- Peut être auriez vous dû y penser avant de le capturer dans ce cas…

Ne tenant pas compte ni de ma remarque, ni du ton sur lequel elle avait été formulée, le jeune homme sorti une pokéball, sans doute dans le but de me la confier. Ceci étant s’il comptait sur moi pour l’accepter, il pouvait se mettre le doigt dans l’oeil et tenter par ce biais de vérifier le diamètre de ses amygdales. Le fait qu’il me somme de prendre soin de lui fut la cerise sur le gâteau. Qui pensait t’il être pour imposer une telle décision à son Pokémon et surtout, à moi. J’aurais peut être pu laisser s’échapper un rire nerveux d’incrédulité si je n’avait pas été déjà for for contrariée. Il baissa les yeux vers son draby, ce dernier semblant partager mon opinion sur le sujet, et laissa sa phrase en suspens comme perdu dans les limbes. Là s’en était trop, il était temps de ramener ce garçon à la réalité avant que quelqu’un ne le massacre, à commencer par moi. D’un mouvement vif, je déroulais mon fouet et le faisais claquer juste derrière lui, m’assurant bien que la lanière de cuir passe suffisamment près de son oreille pour la lui faire siffler.

- Mais pour qui vous prenez vous pour imposer une telle décision à votre pokémon ? Et je vous interdit de me regarder en larmoyant sous prétexte que ”ce serait plus dur pour vous que pour lui” ou je ne sais quoi. Pas à moi. Elever un dragon est trop compliqué pour vous ? N’en attrapez pas mais sinon, ayez au moins la décence d’assumer les conséquences de vos actes.

L’indignité que je ressentait devait être palpable, tant et si bien que mes propres Pokémon’s avaient cessé leurs occupations et me fixaient avec indiscrétion. Yum surtout, sembla analyser mes paroles et, comme s’il comprenait moins mon discours que mes actes, se mit à fixer le dresseur comme s’il devait juger la chose la plus répugnante qu’il ait jamais vu. J’aurais sas doute trouvé un tel comportement adorable si j’avais eut du temps à lui accorder mais en l’espèce, je persistais.

- Croyez vous vraiment que le dressage se fasse en un jour ? Surtout sur des spécimens aussi uniques que le votre ou le mien ? C’est un travail de longue haleine qui sera difficile mais que vous vous devez d’accomplir parce que vous le lui avez imposé, comme je l’ai imposé à mon bébécaille. Forcément, ce n’est pas un ponchiot, je doute qu’il s’assoie sur commande ou donne la patte, mais avez vous ne serait-ce qu’idée du lien profond qui lie un dragon à son dresseur ? Non. Vous n’en avez aucun idée et vous n’avez aucunement envie de le savoir et ce, parce que vous ne cherchez pas à comprendre ce que recherche votre draby. Dites moi, est-il agressif envers vous ? S’est t’il montré dangereux à l’égard de vos autres Pokémons ? Est-il fugueur ? Laissez moi deviner… Rien de tout cela, mais il a l’air heureux ici alors, abandonnons le ! Quelle philosophie de vie ! Et dites moi alors, lorsque vous aurez des enfants, si tant est que votre égoïsme vous permette d’en avoir, vous les ferez adopter à leur institutrice le jour où ils s’amuseront à l’école avec leurs petits camarades ? Ressaisissez vous. Vous aspirez à de grands projets, mais si vous avez trop peu de confiance en vous pour ne serait-ce qu’éduquer votre draby, alors épargnez vous de l’énergie et des déceptions et sautez du haut d’un pont. Au moins ça vous fournira une bonne raison pour laisser Dragnir derrière vous.

Je savais pertinemment que mes propos seraient dans le meilleur des cas violents et dans une certaine mesure choquant mais il y a un moment où il faut arrêter la sémantique. J’avais espoir que ces petites explications aient à peu près le même effet qu’une gifle donnée à une personne inconsciente que l’on arrive pas à réanimer en douceur. S’il devait s’insurger de ma réaction, qu’il s’insurge mais en attendant, j’avais au moins espoir qu’il ait saisi mon avis sur la question.

Le dos droit, le regard toujours dur, je ne quittais pas le dresseur des yeux alors que la réalisation se faisait peu à peu dans son esprit. Il fallait croire que son dragon était d’accord avec moi vu son comportement envers son propriétaire. Ces Pokémons sont véritablement dotés d’une intelligence hors du commun par rapport aux autres types mais la capacité de déduction de celui ci me semblait particulièrement acérée. Je fis le choix de ne pas répondre à ses remarques, à moitié excuses et à moitié explications plus ou moins maladroite. Déjà, je considérais que j’en avais assez dit pour le moment et qui plus était, il me semblait réagir suffisamment bien tout compte fait pour ne pas avoir à en rajouter une couche supplémentaire. Tout le monde subissait des périodes de doutes ou de baisses de confiances en soi évidemment, le tout était de ne pas y succomber pour autant.

La seule chose qui me fit tout de même tiquer fut la manière dont il avoua vouloir essayer d’entraîner son Pokémon et d’apprendre à le connaître. C’était là un bon début, même s’il aurait dû l’envisager il y a de ça un bon moment déjà. Il aurait été inutile de lui infliger un nouveau serment j’en étais bien consciente, ceci dit, je pris quand même la peine de lui indiquer, moins sèchement que tout à l’heure.

- Baisser les bras face à un obstacle n’a rien de glorieux, mais baisser les bras avant même de se confronter au dit obstacle est plus honteux encore. Il n’est effectivement pas trop tard pour vous rattraper alors je ne perdrais pas trop de temps si j’étais vous.

Le voyant ranger la pokeball qui aurait dû servir à rappeler le drabby, je me laissais aller à un léger, presque imperceptible sourire en coin, satisfaite de la tournure que prenaient les choses. Levant les yeux au ciel vers Némésis qui avait repris son envol, je repensais à la première fois que je lui avais accordé ma confiance et qu’elle m’avait cédé la sienne. Me tirant de cet instant nostalgique à l’entente de mon nom, je reposais le regard vers le jeune homme maintenant rengaillardi. J’étirais le coin de mes lèvres afin de visiblement montrer mon apaisement mais haussais néanmoins un sourcil dans un air de défiance et d’amusement. Alors comme ça espérait-ol pouvoir se mesurer à moi ?

- J’en suis fort aise. Néanmoins gardez à l’esprit que je ne vous dois plus rien, je ne vous ferai pas de cadeaux. Et j’ose espérer que le challenge sera des plus divertissants pour nous deux, cela va de soi.

Sur ces mots je le laissais prendre congé, observant partir son drabby à ses côtés. Lui aussi semblait vouloir faire ses preuves à présent et j’espérais secrètement que ce moment de faiblesse n’entache pas définitivement la confiance qu’il vouerait à son dresseur. J’étais à présent intimement persuadée que mon chemin re-croiserait celui de ce garçon mais j’osais penser que ce serait en mes termes et surtout, que nos entrefaites futures ne feraient plus grimper ma tension de la sorte.

A mes pieds, Yum regarda son compagnon de jeu partir, penchant la tête de côté sans vraiment comprendre la raison pour laquelle leur session de jeu avait à cesser si tôt. M’accroupissant à ses côtés, je posais une main sur son front, le tirant de sa rêverie dans un roucoulement agacé. Je savais pertinemment qu’il n’étais pas contre ces petites marques d’affection, bien au contraire, il était encore particulièrement jeune après tout, mais il ne les assumait pas vraiment et préférait râler pour jouer les caïds. Haussant de nouveau un sourcil, je le prenais à son propre jeu et me relevais impassiblement, ignorant son petit air contrarié et la mine constamment bougonne que lui donnait l’écaille massive sur le haut de son crâne. Un air de dire qu’il ne faisait que ce qu’il voulait, quand il en avait envie et parce qu’il en avait envie, il se rapprocha de ma jambe et s’allongea sur mes pieds, sa manière à lui de s’assurer que je ne m’éclipse pas pendant un moment d’inattention.

Cette pause maintenant terminée, nous avions un entraînement drastique à continuer et maintenant, je savais exactement contre quel type d’adversaire mon bebecaille aurait à s’entraîner. Ricanant à cette pensée, je la visualisais très clairement et l’appréciais déjà. Oui, nous avions définitivement du travail en perspective et c’était tant mieux. Cela rendrait l’attente moins longue.

HRP: