Entourés de dragons [Shiro]

Cela faisait une dizaine de jours environ que le dernier incident en date à avoir secoué mon casino s’était réglé et je devais avouer que j’avais besoin de souffler. Les attaques, le chantage, les blessés, les réparations… Je savais pertinemment dans quoi je m’engageais en devenant championne, sur cette île tout du moins, mais je devais tout de même admettre que parfois, la simple perspective de relâcher le tensions qui m’habitaient en permanence me semblait douloureusement lointaine. Heureusement, comme toutes les semaines, j’avais aujourd’hui délégué le contrôle du casino et fermé l’arène afin de m’occuper du ranch gigantesque qui me servait de havre de paix pour élever mes dragons. Cela tenait plus de la réserve pokémon privée que d’un ranch mais néanmoins, j’appréciais cette appellation pour d’obscures et inconscientes raisons.

J’observais ma montre et levais les yeux au ciel pour regarder passer un nuage de tyltons. Quel dommage de penser que sur cet important groupe de spécimens seuls un ou deux parviendraient à l’âge adultes et à leur forme finale. C’était la vie cependant et je n’étais pas là pour y porter atteinte plus que cela n’était nécessaire. Je ne m’étais pas aventurée bien loin sur le terrain, et pour cause, j’attendais quelqu’un. Cette rencontre aussi exceptionnelle par son emplacement que par sa simple existence pouvait être rapidement résumée en analysant froidement les événements des semaines passées.

Une fois ma ”discussion” avec Olivier Raporow aboutie, je m’étais installée dans mon bureau pour retrouver un peu de calme et terminer mes affaires urgentes. Il ne fallut pas longtemps pour que je sois de nouveau dérangée, mais par le chef du poste de sécurité cette fois, qui m’intimait avec respect de venir jeter un coup d’oeil aux écrans de son propre espace de travail. Ne m’attardant pas sur l’aspect cliché de la demande, je m’étais dirigée sans plus de cérémonie vers le poste de contrôle et avais observé les images de la journée. Quelle n’avait pas été ma surprise en découvrant les images de l’accident qui s’était déroulé à l’intérieur du bâtiment. L’homme qui avait agonisé sur ma banquette avait effectivement reçu une balle, mais uniquement en mon nom et place. Sans lui, il était impossible d’affirmer que la journée se soit terminée aussi joyeusement qu’elle l’avait fait. Rien que cette pensée m’avait fait porter une main à mon épaule meurtrie. Puis, allant de surprise en surprise, ce ne fut qu’en analysant un agrandissement de l’image que je pu reconnaitre l’un des dresseurs qui avait lutté lors de l’attaque de l’île. Oui cela n’avait fait aucun doute, il avait été au coeur du volcan avec nous, face à la porte et avait tenté de repousser le Mal dans la porte avant que… Enfin, je ne reviendrai pas une énième fois sur cet épisode.

Une fois cette information digérée, j’avais fait en sorte que le dresseur ne manque de rien lors de sa convalescence et que ses frais médicaux soient entièrement pris en charge. A l’heure qu’il était, il avait été autorisé à sortir et c’était la raison pour laquelle je l’avais convoqué ici. Certes, l’Imaginarium et ses alentours naturels ne sont pas exactement proche du centre ville de la capitale, mais j’avais estimé qu’il ne voudrait sans doute pas revenir de son plein gré dans mon établissement si je lui en laissais l’alternative. Je parlais en connaissance de cause, je n’avais toujours pas remis les pieds dans cette fichu tour, et ce n’était toujours pas près d’arriver. J’avais envoyé un taxi à sa rencontre et maintenant, je n’avais plus qu’à patienter.

Le jour était maintenant largement levé et le soleil haut dans le ciel annonçait une journée chaude sans trop l’être, parfaite pour pouvoir se déplacer en extérieur. Dans cet environnement privilégié, mes propres dragons étaient en totale liberté, y compris le dernier arrivé Yum Cimil, mon bébécaille trouvé peu de temps après la catastrophe. Et quand je dis peu de temps, je pense à quelques heures plus tard. Trop proche de l'épicentre de la catastrophe, il avait conservé une aura noire dont il maitrisait partiellement la force. Ses yeux normalement d’un rouge chaud avaient été décolorés et avent adopté la même teinte que les miens bizarrement. Le petit dragon ne me quittait pas d’une semelle et fixait sans faiblir mon propre regard, le soutenant sans se reposer. Il était évident qu’il avait du caractère ce petit et outre son passé tragique, c’était là une des raisons pour laquelle je l’avais accueilli dans mon équipe. Il faisait bon ménage avec mes autres dragons ce qui en soi était un soulagement mais, malgré tous ces aspects positifs, il y avait tout de même du dressage à effectuer. Un des soigneurs que j’avais engagé pour gérer le complexe vint à ma rencontre en trottinant, l’air pressé.

- Mademoiselle ! Mr. Yagano vient d’arriver, il vous attend au bâtiment de l’entrée.
- Très bien, avancez je vous suis.

Comme je l’avais dit, je n’étais pas bien loin de l’entrée et le bâtiment en question était accueillant, il n’aurait aucun problème à m’attendre là bas. Rentrant par la porte qui donnait sur l’intérieur de la réserve, Yum sur les talons, je m’avançais vers le jeune homme d’un pas franc, lui tendant la main pour la serrer.

- Mr. Shiro Yagano, je suis ravie de vous revoir. Espérons que cette fois ci, nous aurons l’occasion de discuter calmement. Je fis un mouvement ample du bras vers l'endroit dont je venais d'arriver. Permettez que je vous offre une rapide visite de l'endroit. Si vous voulez bien me suivre.

Le dresseur me confia avec peut être une pointe d’émotion, je ne s’aurai dire, qu’il avait recueilli son dragon proche du volcan, après l’incident du cratère. Ce n’était pas étonnant, les individus sauvages dans ces alentours n’étaient pas rares et sa couvée avait dû rencontrer la même tragédie que Yum. Je choisis de ne pas relever cette information pour le moment et préférais regarder les deux jeunes dragonnets se découvrir avec intérêt maintenant que le drabby était au sol. Une partie de moi restait concentrée sur les réactions que mon bébécailles pouvait être susceptible d’avoir, comme je disais, son dressage n’en était qu’à ses prémices et son caractère n’en faisait pas un spécimen facile. S’il se montrait agressif, je devrai m’interposer et ce n’était pas la meilleure perspective de la journée. Mais au contraire, il semblait sincèrement curieux quant à son homologue autour duquel il tournait tout en le fixant du regard. Dans un autre contexte, je lui aurait fait remarquer qu’il avait brisé le premier le contact visuel avec le dresseur mais en l’espèce, je m’en abstenais.

Continuant mes explications, j’essayais de me souvenir si le fait que le dresseur était un ancien Némésis avait été abordé ou évoqué avant, pendant ou après la bataille du cratère. Peu m’importait en l’occurrence, je n’étais pas là aujourd’hui pour le blâmer de ses choix passés mais plutôt pour discuter comme le ferait n’importe quelle personne civilisée. Bien que ma réputation soit souvent plus explicite que le seraient de grands discours, mon avis et mes opinions étaient la plupart du temps bien plus modérée que ce que l’on pouvait penser. Un léger risques satisfait s’afficha sur mon visage en entendant la remarque du garçon quant à la simple existence de mon havre de paix.

- Et ce n’est pas plus mal. Moins le grand public aura vent de ce paradis, plus j’aurai de chance de le préserver et de le maintenir. Mes idéaux ne sont pas ceux de Violetta Virideïla, mais il n’empêche que je la rejoins sur certains points concernant la protection des écosystèmes. Qui plus est, la tentative capture est ici interdite. Je contrôle les naissances et capture les individus dominants de manière à influencer leur sédentarité et à limiter l’agressivité des groupes. Sans oublier les spécimens à haut potentiel que je sélectionne pour l’arène, évidemment.  

Si nous continuions sur cette route, nous arriverions bientôt aux biomes aquatiques. Il y avait dans cette zone plusieurs lacs de tailles différentes allant de grand à vastes emplis d’eau salée pour certains et d’eau douce pour d’autres. Certains dirons que l’entretient de tout ceci était exorbitant mais pour citer le mania d’un film dont mon complexe renvoyait beaucoup d’échos familiers : j’ai dépensé sans compté. Evidemment j’espérais que mon ranch finisse mieux que ce parc et pour le moment, Tout se maintenait en ordre depuis des années aussi, c’était en bonne voie. Et je touchais du bois pour que cela ce maintienne.

Ma curiosité étant ce qu’elle était, je me devais de poser quelques questions moins agréable. Non pas dans des fins de jugement, j’aurais été mal placée pour se faire en l’espèce mais plutôt, pour savoir. Ce jeune dresseur avait démontré un potentiel rare lors de la grande catastrophe de la porte et il était aussi de mon devoir de championne de surveiller les dresseurs de cette trempe.

- À présent que la team Némésis a définitivement déchu, que comptez vous faire ? J’ai pu voir sur les images de surveillances que vous vous trouviez dans la salle d’attente de l’arène lorsque l’attaque a eut lieu, comptiez vous vous lancer en quête des badges ?

Je hochais la tête à la réponse du jeune dresseur, d’une part en signe de compréhension par rapport au fait qu’il ne souhaitait pas particulièrement collecter les badges, mais aussi d’autre part pour confirmer qu’en effet, il était possible de choisir la quête des cristaux Z à la place. Nous avions été une des rages régions à mettre ce sytème en place depuis Alola qui en avait le monopole depuis des années et il fallait avouer que ce n’avait pas été de la tarte. La mentalité de ces épreuves ne relevaient pas uniquement d’un combat et les subtilités du défi des dragons avait été perdu depuis des années, même sur son continent d’origine. J’avais eut à me creuser la tête pour mettre en place quelque chose d’unique et à la hauteur de ces bêtes mythiques.

- En effet, des modalités d’épreuves sont mises en places dans toutes les arènes de l’île à cette fin. Toutes ne sont pas encore entièrement finalisées mais c’est en bonne voie.

En voyant le bracelet Z qu’il arbore au poignet et surtout en apprenant son origine, je me contente d’un bref salut de la tête. Alors que je me rend compte que ses mots s’étranglent dans sa gorge, je reprend la parole, inutile de lui infliger plus d’explications douloureuses, je ne suis pas un monstre et j’ai bien compris l’essentiel de cette situation.

- Mes condoléances. J’espère effectivement que vous parviendrez à collecter ces cristaux.

Je m’apprêtais à reprendre distraitement le fil de notre marche lorsque je m’aperçut qu’il ne vivait plus. Il s’était arrêté dans le chemin et apparement, vu son air déterminé, il cherchait le courage de dire quelque chose. J’espérais seulement ne pas avoir déclenché un flot de sentiments par rapport à sa défunte mère, je gère très mal les manifestations émotionnelles soudaines. Je fus presque rassurée lorsqu’il avoua en réalité qu’il souhaitait depuis le début s’entretenir avec moi et vu son air, cela semblait important. Haussant les sourcils, je me tournais vers le jeune homme pour lui faire parfaitement face et écouter ce qu’il avait à me confier. J’avais du mal à comprendre la raison pour laquelle les gens me prenaient pour leur confidente ces derniers temps, à croire qu’il n’avaient personne d’autre à qui confier leurs états d’âme. Sinon c’était que mon aura avait beaucoup baissé et dans ce cas, il n'y avait pas à en être fière.

Mon interlocuteur se mit alors à me donner diverses informations tant bien sur ses parents que sur abyss ainsi qu’un livre. Quel livre, je n’en savais trop rien, mais j’avais entendu parler plus d’une fois d’ombres qui avaient échangé des informations ou des offres étranges avec les personnes auxquelles elles étaient apparues. Tout cela était bien beau, mais ça soulevait plus d’interrogations que cela n’y répondait. Je ne revenais pas sur le fait qu’en réalité, ses deux parents soient décédés, je lui avais déjà présenté mes condoléances une fois, deux aurait été mielleux et déplacé. Haussant un sourcil perplexe je commençais par le commencement, et lui demandais d’un ton calme.

- Attendez une minute et expliquez moi plus précisément. Tout d’abord, qui étaient vos parents ?

J’allais demander les circonstances exactes de leur mort mais me ravisais au dernier instant. Ce n’étais pas forcément indispensable comme information et je n’avais pas besoin de le lui faire expliquer dans le cas où cela s’avérait trop douloureux. Au lieu de ça, j’enchainais sur un autre point.

- Ensuite, que pourrait bien contenir ce livre ? Entendez bien, je ne minimise pas l’impact de ces révélations, je tente juste d’en saisir froidement les tenants et les aboutissants.

Et ce aussi parce que des informations gratuites de la part d’une menace telle que celle à laquelle nous avions fait face, c’était louche. Est ce que cela ne pouvait pas s’agir d’un piège ? Ou pire encore d’un leurre ? Et était-on certains qu’Abyss avait cet objet en sa possession et en était conscient ? Car si une relique de la plus haute importance était dans leur camp sans qu’ils ne le sachent, attirer leur attention dessus me semblait être la dernière des choses à faire.

- Avez vous des informations à propos de cet ouvrage ? Des pistes à explorer quant à sa provenance, son contenu ou j’en passe ?

Baissant les yeux vers les deux dragonnets à nos pieds, je captais une fraction de seconde le regard du drabby et réalisais ce que je n’avais pas remarqué avant. M’accroupissant pour être à hauteur du regard du Pokémon, j’interrogeais son dresseur, l’air plus concentrée sur le dragon que sur la question en elle même.

- Vous m’avez bien dit que vous aviez rencontré votre drabby sur le volcan… Avez vous déjà été témoins de comportements étranges de sa part ? Ou d’attaques particulières ?

De nombreuses réponses me parvinrent du jeune homme mais je devait tout de même déplorer les nombreuses zones d’ombres qui persistaient dans le tableau immense qu’il tentait de brosser. Je faisais mentalement le tri de ce qui pouvait me sembler nécessaire ou superflu. Par exemple l’identité des défunts parents du dresseur, superflu, le fait que la personne qu’ils recherchaient pouvait être le propriétaire initial dudit livre, nécessaire. Croisant les bras, je m’étais relevé du coté des deux dragonnets pour l’instant, les affaires prioritaires étant évidemment ce qu’elles sont. J’avais croisé les bras et fermé les yeux, concentrée sur le flot d’informations qui circulait dans mon esprit. Parfois, je serrais machinalement la manche de ma chemise, plus par réflexe et habitude que par agacement pour être honnête, un peu à la manière dont certaines personnes font trembler leur jambe lorsqu’ils sont assis. Sa question emplie de l’espoir d’une approbation de ma part me força à hocher la tête et à répondre tout en continuant à interpréter les informations qui affluaient.

- Cela peut vouloir dire que c’est important ou extrêmement dangereux… Rouvrant les yeux et posant une main sur ma hanche, je reprenais. Oui j’ai entendu parler du phénomène mais je suis loin d’être une experte en la manière j’en ai peur.

Je vis à l’air du garçon que quelque chose le tracassait, s’en était quasiment palpable mais faute de pouvoir lire dans les pensées, j’étais forcée d’attendre qu’il reprenne la parole. Dans le cas bien entendu où il décidait de me confier ce qu’il avait en tête, rien n’était moins sûr de ce point de vue là non plus. La révélation suivante me fit froncer les sourcils. Les ombres, des victimes ? C’était difficile à croire vu ce que j’avais eut à endurer lors de ma propre expérience en la matière. J’avais considéré ces choses comme des outils et non comme des ersatz d’êtres vivants sous la coupe d’un plus puissant. Pour moi, c’était trop recherché comme théorie mais je gardais ces considérations pour moi pour le moment.

L’attention du dresseur maintenant reporté sur son Pokémon et le mien, je baissais mon regard vers eux et croisais celui du bébécaille qui pris ça pour une provocation. L’air plein d’une féroce détermination, il ne quitta plus mes yeux des siens et je dus répondre à mon interlocuteur sans le regarder, haussant simplement un sourcil dans sa direction.

- Oui c’est aussi ce que j’ai pu constater. Ce que je sais sur leur état se limite à des conjectures et des déductions pour le moment. Si j’en crois mes recherche, la vague d’ombre qui s’est abattu sur l’île a été perçue différemment par les Pokémons et les êtres humains. En ce qui concerne les spécimens qui vivaient proche de l’épicentre de la catastrophe, les plus sensibles n’ont pas supporté l’afflux soudain provoqué par la capture de ce qui se trouvait derrière la porte. D’autres rares individus ont d’une part survécu et semblent avoir absorbé une certaine quantité du pouvoir qui a déferlé. Mais voyez plutôt.

En disant cela je faisais signe à la bruyverne qui nous tournait autour de descendre à plus basse altitude. Pour aller à sa rencontre nous devions sortir de la zone boisée aussi, je pressais le pas vers les lacs qui se trouvaient un peu plus loins. Entre les vastes étendues d’eau se trouvaient de larges pans de terre, cela devrait suffire pour faire ma démonstration. Némésis s’était posée et attendait une consigne de ma part. Je savais bien qu’elle n’était pas la plus robuste de mes alliés en terme de défense mais face à un bébé tel que Yum, elle ferait l’affaire. D’autant plus qu’elle avait de nombreux tours dans son sac.

- Clone toi Némésis. La bruyverne s’effectua et fit apparaître une parfaite copie d’elle même. Yum Cimil, je fis claquer mon fouet en l’air afin de capter son attention. Attaque bélier noir.

L’air devint plus froid autour de nous et un sombre nuage de vapeur sembla émaner du corps du bébécaille à l’image d’un fer incandescent que l’on aurait subitement plongé dans l’eau. Ses yeux se firent plus froid encore et malgré sa taille modeste et son jeune âge, il dégagea une aura de terreur à faire pâlir le plus téméraire des combattants. S’armant de toutes ses forces, il percuta de plein fouet le clone resté au sol et, plus impressionnant encore, le fit disparaître. J’allais achever mon exposé lorsqu’un détail oublié me frappa comme une gifle. Je n’avais pas relevé cette information tout à l’heure mais il n’était encore trop tard pour se faire.

- Attendez une minute… Vous voulez infiltrer Abyss ?

Je tombais des nues à cette idée et même Némésis, dont l’ouïe trop fine permettait d’espionner n’importe quelle conversation, tourna vers moi une expression perplexe. Ce n’était pas la première fois que j’entendais cette idée mais elle n’en était pas pour autant moins saugrenue la seconde. Surtout pour quelqu’un de jeune et de potentiellement manipulable.

- Avez vous la moindre idée de ce que vous envisagez de faire ? Si vous étiez découvert, vous perdriez tout soutient de la part de qui que ce soit. Vu les démonstrations dont les membres de l’organisation ont déjà fait apanage, vous seriez exécuté à la moindre suspicion et en temps que membre à part entière du groupuscule, je ne pourrais afficher aucune affinité ni traitement de faveur entre vous ou qui que ce soit de vos entourage…

La situation était complexe et épineuse. D’une part avoir des yeux et des oreilles au sein d’Abyss serait une opportunité phénoménale et d’autre part c’était risqué, très risqué. Voir même trop. Fronçant les sourcils, je ne pouvais ignorer non plus qu’il pouvait y avoir un moyen de lui faciliter la tâche. Du moins potentiellement et ce, temps qu’il n’était pas découvert. Aussi je ne pouvais m’empêcher de demander.

- Supposons que je donne mon aval à ce… ”projet”, comment compteriez vous vous y prendre exactement pour couvrir vos traces ?

Passant mon index et mon pouce sur mes paupières fermées, je frottais doucement mes yeux avant de pincer l’arrête de mon nez. Je n’avais pas encore bien déterminé si toute cette histoire devait être cataloguée comme dangereuse, insensée, irréfléchie ou ingénieuse et il allait falloir faire un choix rapidement si j’en croyais l’air déterminé du garçon qui me faisait face. Là où j’agréais avec son raisonnement, c’était qu’un ex-némésis aurait sans doute plus de chance qu’un vulgum pecus d’accéder à l’organisation certes mais une fois à l’intérieur qui pourrait assurer sa sécurité ? Et qui pouvait affirmer qu’il ne causerai pas plus de problèmes à Mailys en cherchant à résoudre égoïstement les siens. Il mit fin à ma silencieuse réflexion en m’annonçant qui plus était qu’il chercherait à se forger une réputation chez ces criminels. Lançant les bras en l’air en signe d’exaspération, je rajoutais dans un soupir.

- Evidemment !

Je ne savais pas bien si les phrases qui suivirent étaient destinées à me rassurer, me persuader, m’intéresser ou un savant mélange des trois mais, je restais perplexe quant à l’étendue du problème. Parce que oui, tout cela restait vraiment problématique et il semblait flagrant que le dresseur ne voyait pas l’image dans sa globalité.

- Vous ne réalisez absolument pas la situation dans laquelle vous venez de nous mettre, aussi bien vous que moi n’est ce pas ?

Je poussais un nouveau soupir. Au moins, nous étions parfaitement seuls et à l’abri des oreilles et des regards indiscrets. C’était là un des avantages à évoluer dans un environnement remplis de dragons partiellement sauvages n’obéissant qu’à moi, cela forçait l’intimité. Enfin, seulement dans la mesure où l’on oubliait l’énorme bruyverne dont les paraboles ne perdaient pas un miette de cette conversation.

- Le problème Mr. Yagano, c’est que vu les révélations que vous venez de me faire, soit vous repartez avec mon aval, soit vous faites de moi la complice de tous les actes terroristes que vous pourriez commettre. Et vous vous doutez bien que je ne laisserai pas un tel scénario se produire.

D’une part, j’avais déjà suffisamment de rumeurs et de poids sur les épaules pour ne pas avoir à m’en rajouter et d’autre part, éviter ce genre d’incident faisait part entière de mon travail. Si je laissais passer cela, je perdais ma place, ce lieu, en résumé le travail d’une vie. Néanmoins, là où le garçon n’avait pas tout à fait tort, c’était concernant le fait que ses objectifs et les miens pouvaient se rencontrer et ce, même si je n’appréciais pas sa formulation. Je me doutais bien qu’il tentait là de se donner de l’importance et de l’assurance aussi bien pour me convaincre que pour se rassurer mais en agissant ainsi, il marcherait sur des œufs aussi devait-il se méfier des limites de ma tolérance. Me remettant à marcher, droite comme un I, je ne quittais pas des yeux le jeune dresseur.

- Vous n’attendez rien de moi ? C’est peut être vite dit vous ne pensez pas ? Réfléchissez bien, je pense que vous avez besoin de bien plus que d’un simple soutien. Sinon pourquoi être venu vous confesser ? Par orgueil ? Vous me semblez bien trop intelligent pour vous soumettre à une telle bassesse et même votre jeunesse ne saurait excuser une bêtise si grande. Il paraît que les seules raisons pouvant pousser quelqu'un à pénétrer dans la tanière d'un dragon sont la détermination ou la folie. A vous de me dire quelle sera la votre.  



Sur ces mots, je laissais le dresseur réfléchir et lançais un signe en tête en direction de la pokéball renfermant le draby précédemment rappelé. Yum qui avait fini sa démonstration était revenu à mes cotés et semblait regretter l’absence de son compagnon de jeu. Haussant un unique sourcil, je posais une main sur le fouet à ma ceinture avant de briser le contact visuel, me dirigeant vers Némésis.

- Je pense que votre draby a eut le temps de se calmer à présent. Vous devriez le laisser sortir le temps que vous méditiez sur ce que je viens de vous dire. Je n’accepterai aucune réponse faite à la hâte et ce, dans votre intérêt autant que dans le mien.

Le doute plus que visible sur le visage du dresseur ne pouvant laisser place à aucun doute, il n’avait absolument pas réfléchi plus que nécessaire aux conséquences de ses révélations. Evidemment que tout semble toujours tellement facile en apparence et en effet, je devais reconnaitre que faire des choix, si douloureux soient ils ait toujours aisé. Par contre, faire face à leur conséquences était une autre paire de manches, comme nous le rapprochait suffisamment de plus en plus de gens ces derniers temps. Toujours silencieuse je laissais le temps qui me paraissait nécessaire pour que son esprit analyse ces dernières informations et levais les yeux au ciel alors qu’il s’interrompait encore. C’était à croire que cette journée serait placée sous le signe de la complicité d’actes terroristes mais surtout des phrases incomplètes restées en suspens.



Le bruit des dragons qui s’amusaient et se jaugeaient raisonnait à quelques pas de nous. Un bruissement se fit entendre dans un buisson non loin alors qu’un tylton s’y posait sans vraiment se soucier de ce qui l’entourait. Un spécimen bien peu averti s’il en faut. Yum Cimil en le remarquant parti à vive allure vers la source du bruit mais fut interrompu alors qu’il arrivait à notre niveau et que sans bouger le moindre muscle je ne prononçais qu’un unique mot d’un ton aussi ferme que glacé.

- Non.

Le dragonnet cessa sa course mais il se sentit tout de même forcé de continuer à fixer le massif en grognant avant de lever son regard plein de défi vers moi. Le surplombant de toute ma hauteur, je plongeais mon regard acier dans le sien, lui transmettant un avertissement tacite qu’il n’avait aucun mal à saisir. L’échange silencieux se prolongea quelques interminables secondes, jusqu’à ce que le bébécaille ne décide enfin de rebrousser chemin, sans pour autant briser le contact visuel. Il ne me quitta des yeux que lorsque Némésis l’eut gentiment bousculé pour l’inciter à jouer d’une part et surtout d’autre part, afin qu’il cesse de remettre en question mon autorité. La dragonne télépathe n’aurait aucun mal à lire le remerciement que je lui adressais les lèvres closes et, le regard moins dur, je me concentrais de nouveau sur le dresseur en face de moi.

- Laissez moi vous offrir un conseil, même si je l'ai fait, ne tentez pas ce genre d'expérience avec votre Drabby. Non pas que je doute que vous puissiez contrôler votre pokémon mais d'un point de vue dracologique un tel eye-contact peut traduire une menace de mort. C'est aussi le cas chez de nombreuses autres espèces mais les dragons ont tendance à se montrer moins tolérants et plus impulsifs même face à leurs dresseurs.

Non pas que je cherche à l'intimider d'une quelconque manière que ce soit. S'il est vrai qu'un homme averti en vaut deux, il était aussi bon qu'il rentabilise sa venue au ranch en y apprenant quelques éléments de dressages. Sa question sortie de nulle part me fit froncer les sourcils et sans en saisir le sens profond je répondais.

- En théorie, sur le papier, je suis susceptible d’accueillir tout dragon dont le profil me semblerait adéquat. Pourquoi cette question ? Son air contrit me mis la puce à l’oreille. Vous ne seriez pas en train d’essayer d’abandonner votre Drabby par hasard ?