Shiro and the Blind Forest [Shiro] [S3]

"C’est quand qu’on arrive ?"
"Bientôt."
"C’est quand qu’on arrive ?"
"Bientôt !"

Comparé à ce qu’on pouvait voir au sol, la forêt était bien calme de là-haut. Les autochtones essayaient de réparer les dégâts qu’avaient engendrés les événements de la Brume Noire – ou toute autre expression pour désigner ce jour où Maïlys a été submergée par les renégats. Pour beaucoup, la phase de deuil était passée en ces quelques… jours ? semaines ? Je ne sais plus, le cycle jour-nuit m’était encore plus flou que d’habitude. Dans mon état, je ne pouvais déterminer qui, entre l’espoir et la crainte, redynamisait la vie sur l’île. Peut-être les deux. Sûrement les deux. Je n’arrivais pas à me l’illustrer sans qu’une profonde mélancolie vienne teindre mon jugement de… et bien de brume noire.
Comme tout le monde, il me fallait du temps pour me remettre des marques qu’elle m’avait laissées. Mais je n’avais qu’une partie de ce temps, car quelque chose l’absorbait en dépit de ma volonté. Et de la sienne.

"C’est quand qu…"
"Arrête de répéter la même chose toutes les deux secondes, on irait peut-être plus vite. Au pire, on n’a qu’à dire que… que le premier arrivé a le droit d’en ramener plus que les autres."
"Oh oui, une course ! Compte pas sur moi pour te laisser gagner !"

Au rythme de ses battements, je compris qu’Auguste accélérait la cadence et s’éloignait un peu plus du niveau du sol, quand Phyro essayait de le suivre sans trop forcer sur ses pattes. Ils n’étaient pas au meilleur de leur forme – personne ne l’était dans le groupe – à cause de leurs blessures. Pour être franc, j'avais confiance en la capacité de Phyro à se ménager, mais pour Auguste… Le Furaiglon n’avait pas arrêté d’être une boule d’énergie continue depuis qu’on s’en occupait, c'est-à-dire depuis la Brume Noire. Je me demandais même si ça n’allait pas empirer au fur et à mesure qu’il reprendrait des forces. Enfin, « empirer », est-il correct de dire qu’une bonne humeur empire ?
La cime des arbres créaient une parfaite barrière visuelle depuis le ciel, et les embruns de la forêt une parfaite barrière olfactive. Mon seul moyen de les suivre était de me concentrer sur les bruits de leur course, qui devinrent de plus en plus distants avant de complètement disparaître. En un mot comme en cent : j’avais perdu leur trace. Mais bon, il suffisait juste de les rejoindre aux arbres à baies où nous étions censés nous rendre. Tant que je ne m’endormais pas en plein vol, il n’y avait aucune raison que Zzzzz Zzzzz Zzzzz

~~~

Un premier choc me réveilla, suivi de près d’un plus violent. Dans un grognement de douleur, j’entrouvris mes yeux sur de l’herbe et des feuilles arrachées ; assurément, j’étais tombé face la première. Mes muscles eurent du mal à me remettre debout, et mes sens à me rendre compte de mon environnement. Étrange cependant, j’étais sûr d’avoir rencontré quelque chose dans ma chute avant de percuter le sol du sous-bois. Mais mon réveil brusque me laissait dans un sévère état de confusion mentale ; j’espérais juste que je n'avais pas balayé un être vivant sur mon passage…

C'est dans le but de continuer son exploration de la région que Shiro pénétra dans la forêt, accompagné de ses Pokémon. La première chose qu'il constata, c'est qu'ici aussi l'attaque des ombres n'avait pas été sans conséquences. Il salua le peu de personnes qui croisa sa route, continuant son chemin, jusqu'a arriver dans un clairière, espace sans arbre, dans lequel ses Pokémon étaient libres de se défouler.

"Ok, on va faire une pause."

Il choisit ce moment pour sortir le Draby qu'il avait recueilli quelque temps auparavant. Shiro n'aimait pas l'idée de ne pas pouvoir le laisser en liberté, mais la brume avait un effet négatif encore sur lui, et il semblait clairement encore souffrir de ses effets.

Dès qu'il fut libéré, le petit Dragon regarda, confus, autour de lui, mais semblait rassuré en voyant ses camarades Pokémon et son dresseur non loin. Rassuré, Shiro alla se poser à l'ombre des arbres, laissant ses amis jouer comme ils le souhaitaient. Plusieurs minutes passèrent, quand sondain...

*BAHM*

Un fort bruit se fit entendre au dessus de lui.

"Qu'est ce que..."

Mais avant qu'il ait pu réagir, il sentit quelque de lourd tomber sur lui.

"Oh bordel!"

Il le repoussa, comme par reflexe, sans chercher à savoir ce que c'était. Ce n'est qu'une fois calmé, qu'il vit que ce qui se trouvait maintenant quelques metres plus loin était en réalité un Pokémon.

"Oh mince, désolé!"

Il se leva et s'approcha de lui. Un Scorvol. Avec soulagement, il le vit bouger, bien qu'affaibli et légèrement blessé, sans doute à cause de sa chute...

Il sorti de son sac la trousse de premiers soins qu'il gardait pour ses Pokémon. A les avoir en permanence en liberté, elle lui avait été utile à de nombreuses reprises.

Cependant, il hésita. Il ne savait pas si ce Pokémon était sauvage ou dressé, ni comment il réagirait... Il appela donc son Rocabot. Lui qui était un peu considéré comme le papa de la bande, il savait qu'il pourrait compter sur lui en cas de besoin...

Il s'accroupit, et le retourna afin de vérifier l'état de ses blessures.

"Ne t'en fait pas," lui dit-il comme pour le rassurer. "Je te veux aucun mal."

Pinces au sol, je tentai de m’extirper du parterre tant bien que mal. Mal… sûrement le meilleur adjectif pour qualifier l’état de mon esprit en cet instant, j’arrivais à peine à percevoir quelque chose avec ses Papillusions qui vrombissaient dans mon crâne. Mais bon, que voulez-vous, ce genre d’accident survenait une sortie sur deux avec moi. Prendre des trucs dans le coin de la gueule était devenu une routine depuis bien longtemps. Il restait que j’avais touchée quelqu’un dans ma course, ou alors un objet, mais pas aussi dur qu’un arbre ou qu’un humain volant. A la sensation, je pouvais déterminer qu’il s’agissait d’un… d’un j’en-savais-rien, impossible de réfléchir dans cet état. Je devais d’abord me relever pour voir où j’avais atterri. Dans la forêt, oui, merci, mais où ? Aucune idée du temps qui était passé depuis que je m’étais assoupi, et un courant malencontreux aurait très bien pu m’envoyer à la bordure d’une bil vel ville d’humains… Il fallait vraiment que je me relève.
Mon effort s’estompa de lui-même quand je sentis une force pousser sur ma voile et tendre à me faire perdre l’équilibre. Un bruit l’accompagna ; un bruit qui ressemblait à des paroles, mais dont je n’arrivais pas à en identifier le sens. Sans doute la victime de mon rase-mottes venue pour que je lui rende des comptes ; ça aussi, j’en avais l’habitude. Les yeux à moitié clos, je tournai la tête en espérant réussir à discerner la nature de ce que j’avais bien pu déranger.

Mon corps bougea instinctivement à sa vue, décrivant un demi-cercle. Ma queue racla le sol dans le mouvement et souleva un mélange de poussière et de terre sèche. Enfin debout, haletant sous la montée de stress soudaine, je gardai mon attention sur ce qu’il y avait de l’autre côté de l’écran de poussière. Ce que j’avais cru voir devant moi… c’était un visage d’humain, avec une fourrure d’humain et des yeux d’humain.

Je crois avoir laissé la panique me submerger un instant.

Je secouai ma tête de gauche à droite pour me remettre les idées en place et faire revenir mes sens. Petit à petit, ma vue me permit de distinguer les silhouettes derrière le nuage que je venais de créer avec mon Jet de Sable involontaire. La plus avancée semblait humaine et confirmait mes craintes, mais une deuxième plus petite l’accompagnait. Un Pokemon – étais-je encore tombé sur un dresseur ? Le dernier en date s’était montré bienveillant, mais je n’avais aucune raison d’attendre la même chose que lui, surtout après l’avoir attaqué par erreur. Ooooh ironie du sort, que je déteste mon instinct parfois. Bon, il ne fallait pas plus les apeurer. Je maintins mes pattes au sol, derrière le nuage de poussière qui commençait déjà à s’éclaircir, et essayai de faire passer le moins d'animosité dans mon ton.

"Désolé, c’est parti tout seul, j-je ne voulais pas."

Non, malgré tous mes efforts, la rugosité de ma voix ne s'en irait jamais.