Un homme brisé [Solo - Partie 2]

Le crépuscule était de retour, le soleil découpé par l’horizon, laissant ses lueurs scintiller sur la surface calme des eaux d’Esperantown, autrefois déchaînés par Lugia. Le ciel reprenait ses couleurs orangés, brillant de milles feux.

Valder était arrivé dans la lugubre ville. A temps, grâce à des services de transport rapide. Il ne savait cependant pas où retrouver Denis. Il n’y avait eu que la mention de la ville. Il ne savait pas par où commencer. Mais il se disait que ce serait simple de le trouver. Vu le peu de bâtiments et le côté dégagé du cimetière géant, une silhouette telle que la sienne serait facile à retrouver. Ne perdant pas de temps, il commença ses recherches, scrutant toutes les tombes. Il y avait quelques rares personnes venues se recueillir. Peut-être que cela faisait suite au chaos qui avait frappé l’île. C’était probablement le cas, étant donné que quelques uns d’entre eux étaient en larmes.

Malheureusement, personne ne semblait correspondre à la personne recherchée. Néanmoins, mis suffisamment en évidence, il aperçu un bout de métal refléter la douce lueur du soleil couchant. S’en rapprochant, il ne pouvait que reconnaître un tuyau qui était branché sur le corps de Denis. Mais pourquoi il était là ? Pourquoi était-ce une pièce détachée ? La seule réponse qu’il avait en tête, et elle était optimiste, c’était qu’il n’en avait plus besoin grâce aux apparents miracles des services d’urgences spécialisées de Megapagopolis.

Il prit le tuyau en main, constatant l’étrangeté de la technologie qui avait été utilisée, semblant bien au-delà de la norme. Enfin, c’est ce qu’il supposait. Il ne connaissait rien à la mécanique après tout. Il releva son regard, recherchant de nouveau. Pas seulement une silhouette, mais aussi des pièces détachées comme celle-ci. Et il en vit une autre. Et encore une autre. Jusqu’à arriver au bord du cimetière. Non loin du bord de la falaise.

Une autre Pokéball s’y trouvait. Aucun mot dessus. Mais le jeune homme la prit quand même. Et il l’ouvrit, ne sachant à quoi s’attendre. En sortit un Méga-Roucarnage. Un Méga-Roucarnage qui, pas longtemps après être libéré de la petite boule rouge et noir, reprit sa forme normale, presque magiquement. L’oiseau le regardait sans rien dire, se contentant de se poser au sol. Valder ne savait pas trop quoi faire face à cela, ne comprenant pas tout.

Puis il eut une idée. Il sortit l’Ekaiser qu’il avait pris avec lui. Le Roucarnage réagit alors, secouant sa patte. Une lettre était accrochée ici. Définitivement, il s’agissait d’un Pokémon de Denis. Prudemment, le jeune homme s’accroupit, détachant la lettre en faisant attention à ce que le puissant oiseau ne le blesse pas. Heureusement, celui-ci se laissa faire. L’empoisonneur ouvrit le mot, avant de se mettre à le lire. Il semblait bien plus long.

« Si tu lis ce message, alors je suppose que tu es bien venu. Et pour cela, je t’en remercie. Comme je te l’ai expliqué dans ma lettre précédente, j’avais des explications à te faire. Tu te demandes sûrement pourquoi je me suis mis au service du Dr. James Neffy, et pourquoi ai-je été un mercenaire. Par avance, je m’excuse si je suis brouillon ou si je fais des fautes.

Te souviens-tu de ton enfance, à Azuria ? Tu étais souvent à l’arène d’Ondine, à être spectateur des combats qui s’y déroulaient. C’est là-bas que j’ai toujours constaté à quel point tu étais absorbé par ces combats. Aussi gentil et timide pouvais-tu paraître, tu as toujours semblé nourrir une envie. Je ne crois pas que c’était la violence d’un combat qui t’attirait, mais plutôt la beauté qui s’en dégageait. La chorégraphie d’une stratégie parfaitement huilée. Ce ne sont pas que des Pokémons qui s’affrontent, n’est-ce pas ? C’est un spectacle où chacun met en scène ses attaques et les modèlent à leur gré. Une touche personnelle se dégage. Que ce soit dans l’enchaînement ou dans la façon d’exécuter les ordres, de riposter. Un art, n’est-ce pas ? C’est souvent ce que tu disais, d’une façon ou d’une autre. En tout cas, c’était l’idée que tu cherchais à exprimer. Je le voyais dans tes yeux, à l’arène. Moi, je ne voyais que la force et la stratégie. C’est ce qui m’intéressait.

Je savais que tu voyais quelque chose que je ne parvenais pas à comprendre. Il y avait quelque chose que je ne saisissais pas là-dedans, et chez toi. Je ne te comprenais pas. Je crois que, au fond, de moi, j’étais jaloux. Jaloux de ta vision des choses. Pour moi, tu étais plus intelligent, et je ne voulais l’admettre. C’est une des raisons de pourquoi j’ai pu être… Méchant, avec toi, avant que nous partions chacun de notre côté. Te rappelles-tu de moi, désormais ? Je m’excuse si je fais ressortir des souvenirs douloureux. Mais les excuses ne suffisent pas. Elles ne suffisent plus.

Lorsque je t’ai vu avec ton Nosferapti, mon sang n’a fait qu’un tour. Peut-être étais-tu devenu un rival avant même que je n’ai de Pokémons. Toi, tu avais pu acquérir ton Pokémon, et commencer à mettre en pratique ce que tu exprimais, inconsciemment ou non. Tu avais une longueur d’avance sur moi. Et il te protégeait. Tu étais parti, mais ma colère, ma jalousie était restée. Elle n’avait jamais vraiment disparue, bien qu’elle s’était atténuée. J’ai eu la chance d’avoir eu un Bébécaille pas longtemps après. Je me suis entraîné comme un forcené, réessayant encore et toujours l’arène d’Ondine. Je m’améliorais échec après échec, mais je n’arrivais pas à faire ce que je voulais. A exprimer ce que je voulais exprimer. Et sans cesse, ton image me revenait en tête.

Afin d’extérioriser cette haine, je suis parti en voyage. Je suis devenu plus fort rapidement, regroupant divers Pokémons. Mais le combat Pokémon et la brutalité n’étaient devenus que ce que je savais faire. Je suis donc devenu mercenaire comme ça, et j’ai gagné ma vie en travaillant pour de mauvaises personnes.

Je suis arrivé à Maïlys. J’ai rencontré le Dr. James Neffy qui me payait grassement en échange de mes services. Puis, un jour, tu es apparu à la télévision. Tu faisais parti du tournoi spectral. Ma jalousie passée est revenue d’un coup. Et elle a explosé lorsque je t’ai vu faire face à Lyndia Dukos. Bien qu’elle t’ai laissé la victoire, clairement, tu as remporté Celebi. Tu avais convaincu la célèbre ex-Conseillère ténèbres. Celle qui s’était dressée fièrement face à Ophiuchus. Je n’ai pas réussi à supporter ça. C’est moi qui ai parlé de toi et de Celebi au Docteur. Il m’a donc offert la possibilité de me venger.

La suite, tu la connais. Ton Qwilfish, ce qu’a fait Neffy de moi… Ma vie a été brisée par ma faute, et ta vie a été chamboulée par ma faute également.

Être un mercenaire a été ma pire erreur. Quelle idée de métier. L’une des pires idée possibles. L’un des pires métiers qui soit… A absolument chercher quelqu’un à qui s’associer sans réfléchir, j’en ai payé le prix. Les employeurs sont souvent malveillants. Je suis tombé sur le pire d’entre eux.

Je regrette amèrement tout ce que j’ai fais. Les médecins m’ont offert une nouvelle possibilité de vie. Mais moi, je ne peux supporter ces parties métalliques, et tout ce que j’ai fais. Si tu es encore là, je te remercie simplement d’avoir pris le temps de lire.

Si j’avais été plus honnête avec moi-même… Les choses auraient été bien différentes. Tu es devenu un homme sur qui j’aurai dû prendre exemple.

J’aurai dû accepter ce que tu représentais réellement pour moi, au lieu de le refouler.

Prends soin de toi.



Adieu. »

Valder tremblait plus que jamais à la lecture de ce message, tombant à genoux. Une larme coulait. Et une autre. Des souvenirs lui revenaient. Il se souvenait de qui c’était. Un de ces enfants d’Azuria. Un de ceux qui l’avaient pris en grippe. Quelqu’un qu’il avait voulu oublier. Tout lui remontait. Tout faisait sens.

Pourquoi pleurait-il ? Il ne savait pas si c’était la douleur de ces souvenirs, la douleur de ce qu’il avait vécu, ou si c’était de l’empathie pour cet homme brisé de bout en bout. Un homme que Valder n’avait jamais su voir à travers. Ou bien, étaient-ce les derniers mots qui lui étaient adressés ?

Cette lettre fut un déclic. Ce qu’a fait le Dr. James Neffy, et les autres âmes malintentionnées, tel qu’Eris… Il comprenait maintenant. Il ne pouvait plus rester à l’écart de ces conflits. Un homme extrêmement dangereux était en liberté, et la population ne s’en rendait pas compte. Un homme qui, de part une simple vision du défunt Aversan, avait suffit à rendre fou le désormais Spectrum au point d’en créer une autre menace. Que ce soit lutter contre la folie de son propre Pokémon ou contre l’ingénieur fou, Valder devait faire quelque chose.

Il n’avait certes pas de pouvoirs magiques ou de technologie incroyable, mais il avait autre chose. Son attrait pour ce qui pouvait être une arme biologique. Son attrait pour le poison.

Il se releva, tremblotant, quelques autres larmes coulant silencieusement sur ses joues, reflétant les rayons du soleil couchant. Relisant une nouvelle fois le dernier mot de la lettre, il se rapprocha de la falaise, pour observer ce qu’il y avait en bas.

L’océan.

Il fut secoué d’un spasme, puis s’essuya les joues. Puis il lança un regard aux deux Pokémons de Denis, avant de les libérer de ces sphères. L’Ekaiser comprit. Il repartit alors vers les montagnes, prêt à vivre à côté de la ville. Quant au Roucarnage, il prit son envol, au-dessus des eaux. Le jeune homme regardait alors le volatile partir au loin, une légère bise soulevant délicatement son foulard.

Le Roucarnage ne pouvait plus méga-évoluer.