Un premier pas [ft. Hope]

Et comme si le destin avait voulu jouer une blague, à l’autre bout de la terrasse de ce même bar, devant son ordinateur et un cocktail non alcoolisé, car il était bien trop tôt pour boire, se trouvait le professeur Amaranth. Le bar était plus petit que le Shelter, mais était aussi situé pile entre la faculté et son nouvel appartement, ce qui en faisait un excellent endroit… pour songer au fait de se faire des amis un jour. Oui, car le plan génial de Hope avait été de se rendre dans ce bar pour rencontrer des gens et se faire des amis, avant qu’elle ne réalise que beaucoup de personnes y venaient déjà avec des amis, et qu’elle se prenne à suranalyser la situation.

Aurait-elle voulu elle-même être approchée alors qu’elle prenait tranquillement un verre ? Était-ce la culture de Maïlys ? Et si cela tournait en combat pokémon ? Grand Arceus, elle ne pouvait pas combattre avec Tiki et Jujube ! L’une n’avait aucune expérience de combat, et l’autre avait un tel passif avec le combat que cela aurait brisé tous les efforts qu’elle faisait pour le rééduquer ! Et même si, imaginons. La personne aurait pu croire qu’elle tentait de les draguer. Elle se savait belle, certes, et ses chances de succès en cas de drague seraient donc probablement couronnées de succès si tel était son envie – du moins pensait-elle. Mais en avait-elle envie ? L’idée lui filait les heebie-jibbies pour reprendre l’expression de sa grand-mère. Rah, mais quelle mauvaise idée de penser à sa grand-mère à ce moment là. Bon Créfollet, ses grands parents s’étaient dragués un jour. Non non non, elle ne pouvait pas aborder quelqu’un avec de telles pensées en tête.

C’était donc devenu son habitude de se poser à la terrasse de ce bar et d’observer ces créatures aussi fascinantes que les Pokémons, et tellement plus difficiles à lire qu’étaient ses confrères humains en profitant du soleil et de l’air frais avec ses pokémons avant de retourner dans son Appart-Ball (c’était ainsi qu’elle avait décidé de nommer son appartement exigu). Hope regardait alors amoureusement son Luxray, en lui chatouillant l’arrière de l’oreille du bout de sa bottine, ce qui lui faisait remuer l’oreille, ce qui amusait profondément Hope. Elle se baissa pour le caresser un peu mieux, déposant un baiser dans sa crinière.

Hope – Qui t’as donné le droit d’être aussi mignon, toi, hein ?

Le Luxray n’eut pas le temps de répondre – pas qu’il ne l’aurait pu – que l’ordinateur signala un nouveau mail en lisant le nom de son expéditrice et son en-tête, qui semblaient indiquer un mail d’étudiant. Hope se releva tellement vite qu’elle se cogna la tête sous la table.

Tiki – Aï-euh.
Hope – Tiki c’est moi qui me suis cognée, pas toi.

Elle frotta son crâne pour s’assurer qu’elle n’aurait pas de bosse et ouvrit son mail universitaire, parcourant le mail de Lucie Beauregard, qui était en soit très bref. En voilà une qui avait compris la netiquette que les professeurs étaient occupés. Hope était presque tentée de parcourir la page à la recherche de la suite du mail, mais non, c’était un mail concis, synthétique, et clair. Le strict minimum de politesse et de renseignements pour laisser un hameçon à la professeure. Hope se fit la remarque que cela était assez différent de certains mails qu’elle avait pu écrire, ou recevoir, à l’époque où elle était à la faculté d’Unionpolis, et qui dégoulinaient de compliments obséquieux et de tournures fleuries pour attendrir le lecteur.

Elle sentit alors le goût du sang sur sa langue et comprit qu’elle était à nouveau en train de se bouffer les lèvres. Elle lâcha un petit « Bon bon bon » pour se remotiver et appuya sur le bouton « répondre ».

Bonjour Mlle Beauregard,

Je suis ravie de lire votre mail et de votre enthousiasme, je serais d’autant plus ravie de vous rencontrer pour discuter de vos projets. Je n’ai malheureusement pas encore de bureau auprès de la faculté de Megapagopolis, aussi, je vous invite à me donner vos disponibilités afin d’organiser une rencontre dans un des amphithéâtres de l’université.

J’aurais aussi un test pour vous, afin de jauger vos capacités de recherche et de rédaction : j’aimerais que vous rédigiez une dissertation sur un sujet scientifique de votre choix. Cela peut être une première plongée dans le sujet que vous souhaitez étudier, ou tout un tout autre sujet, tant qu’il concerne les pokémons.

Je vous invite donc à ce que l’on se donne rendez-vous pour dans au moins deux semaines, que vous ayez le temps de faire vos recherches et une première rédaction, selon vos disponibilités et les miennes.

Cordialement,
Professeur Amarath, Hope Howards
Chercheuse en pokébiologie à l’université de Mégapagopolis

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Et ce sera tout pour aujourd’hui, merci de votre écoute. À la semaine prochaine.

L’amphithéâtre fut immédiatement saisi d’un brouhaha alors que les étudiants se relevaient, jetaient un coup d’œil à l’ensemble de leurs notes, se retournaient pour une discussion, et mille autres comportements prévisibles, et qui à tout dire, lui manquaient presque. Le professeur Amaranth resta quelques instants debout à regarder ses étudiants se disperser, avant de retourner au bureau sous le grand écran de l’amphithéâtre, de détacher le micro de son chemisier et de prendre quelques gorgées de son thé à la fraive et au sitrus – une excellente recette pour prévenir toute irritation des cordes vocales – en vérifiant que l’audio de son cours s’était bien enregistré.

Une étudiante se rapprocha de son bureau. Était-ce Mlle Beauregard ? Ah non, simplement une question sur le quiz qu’elle avait annoncé la semaine précédente. La réponse donnée, elle se reconcentra une seconde sur la mise en ligne de l’audio. Dire que c’était seulement son deuxième cours magistral. Techniquement un remplacement d’un professeur plus installé sur la faculté qui l’avait prise sous son aile pour lui apprendre le métier d’enseignante, et profiter d’une remplaçante toute désignée lorsqu’il avait besoin de s’absenter, ou qu’il n’avait pas envie d’enseigner, tel que c’était le cas ces dernières semaines.

Les sourcils froncés et l’air concentré, Hope se mordillait les lèvres nerveusement. Elle aurait aimé qu’il soit dans l’amphithéâtre, ou avoir un retour des étudiants. Elle n’avait présentement aucune idée de la réception de son cours par ses étudiants. Retenaient-ils quoi que ce soit ? Était-elle assez claire ? Elle songea avec une pointe de nostalgie à l’époque de sa thèse, ou le plus haut degré d’enseignement qu’elle faisait avait été d’aider une étudiante – qui était plus âgée qu’elle, ce qui avait été presque embarrassant – dans la direction de son propre mémoire. Et dire que l’on s’attendait à présent à ce qu’elle sache expliquer cela dans un jargon simple et précis à ses propres étudiants.

Elle releva les yeux vers la salle. La plupart des étudiants étaient partis, ne restait que quelques retardataires qui ne semblaient pas pressés de partir. Il ne lui restait plus qu’à attendre sa potentielle future protégée, à moins qu’elle ne fut déjà parmi les étudiants présents. Son regard passa sur une étudiante jouant avec son Motismart, sur une autre semblant concentrée sur des notes sur sa table – cela aurait pu être la dissertation qu’elle avait demandée à Mlle Beauregard. Hope décida de prendre son mal en patience et s’assit réellement au bureau, regardant l’heure sur le petit ordinateur.

Hope – Pensez à quitter l’amphithéâtre s’il vous plaît. J’ai un rendez-vous avec une étudiante qui m’attend.

Si tous les étudiants sortaient de l’amphithéâtre, elle considérerait que l’intéressée l’attendait dehors. Était-il possible d’être si nerveux quand c’était à elle de décider du sort de quelqu’un d’autre ?

Hope regarda les étudiants sortir un à un, les saluant chacun d’un petit signe de tête lorsqu’une des étudiantes se rapprocha de son bureau. C’était donc elle. Hope espérait plus que tout qu’elle ne rougissait pas de nervosité. Il fallait qu’elle se montre assurée et rassurante envers son étudiante. Enfin, rassurante. Elle n’était pas tout à fait certaine d’en avoir besoin. L’étudiante semblait bien plus nonchalante qu’elle.

Elle se rapprocha de la jeune femme rousse avec un sourire accueuillant, lui tendant la main pour une poignée de main chaleureuse.

Hope – Bonjour Mademoiselle Beauregard. Ne vous inquiétez pas, vous êtes parfaitement à l’heure.   Je suis le professeur Amaranth, ravie de vous rencontrer en personne.

Elle relâcha sa main et se posa sur le bord du bureau pour se donner plus d’assurance.

Hope – Ma première question sera de savoir si vous avez la rédaction que je vous ait demandé ? demanda-t-elle d’un ton bienveillant.