À la lisière [ft Cordélia Dechanel] [TERMINÉ]

La journée s’annonçait plus éprouvante que prévu. Levée aux aurores, Ralsen s’était laissée guidée par sa routine matinale avec bonne humeur en essayant d’ignorer la gêne passagère de ses cicatrices. Cela faisait plusieurs jours que ses anciennes blessures avaient décidé de rappeler que leur présence n’était pas que visuelle, ça tirait, ça pinçait, assez pour être agaçant mais pas assez pour appeler ça de la douleur. Elle avait l’habitude, ça arrivait, elle ne savait jamais trop pourquoi, elle faisait avec. Peut-être qu’elle avait un peu trop forcé, ces derniers temps. Les émeutes et leurs conséquences avaient laissé des traces, et si elle arrivait enfin à sortir de sa propre tête et se ménageait un peu plus au lieu de s’occuper pour ne pas penser, le désir de faire toujours plus n’était pas parti.

C’était aussi l’avantage de son nouvel entraînement, celui en plus du reste. Maintenant que la Championne Fée lui avait révélé qu’elle avait un don, Ralsen était obligée de sortir de sa zone de confort. Si elle voulait rendre ce don utile au lieu de lui peser, il fallait pratiquer, et si elle devait pratiquer, elle était obligée de passer par l’étape de la méditation. Heureusement, elle avait de l’aide.

Ce n’était pas la seule chose qui allait lui faire sortir de sa zone de confort, on lui avait assigné une drôle de mission. Elle n’était pas sûre d’avoir compris tous les tenants et aboutissant, elle devait… protéger quelqu’un ? Surveiller ? Elle n’avait jamais été aussi confuse quant au travail qu’on lui donnait. Elle était quelqu’un qui allait sur le terrain, pas une garde du corps, et elle se disait que certains collègues avaient sans aucun doute un meilleur profil pour un job pareil. Seulement, la personne qu’elle allait rencontrer était connue, une personnalité importante, un genre de célébrité, et Ralsen avait eu le malheur d’avoir été remarquée à la fin des émeutes, sans le savoir elle était devenue la parfaite candidate pour jouer les enfant-vedette du STERN.

Une étape supplémentaire s’était ajoutée dans sa routine matinale, quelque chose qui serait peut être éphémère mais dont elle profitait pleinement tout le temps que ça durerait. La Lucario qu’elle avait rencontré dans les Hauts Monts la suivait toujours, mais Ralsen avait remarqué à quel point la base la mettait mal à l’aise, elle ne la suivait que rarement à l’intérieur et elle n’y avait jamais dormi. Elle ignorait où le Pokémon disparaissait quand la secouriste devait rentrer au sein du Quartier Général, mais elle attendait toujours à l’entrée ou dans la cour d’entraînement à chaque fois que Ralsen en sortait. C’était un peu sa seconde mentor, quoi de mieux que le Pokémon Aura pour l’aider à cultiver son propre pouvoir de l’aura ? Habituée à sa présence, elle la considérait comme une amie et elle espérait que ça soit réciproque, mais aussi habituée qu’était la Lucario à la présence humaine et à la vie urbaine, elle gardait un esprit farouche et la secouriste s’attendait à tout moment à la voir repartir.

Il lui restait encore un peu de temps avant que l’objet de sa mission n’arrive, alors elle profita de l’ombre rafraîchissante pour faire le tour de ses plantes, accompagnée par la Lucario et Bumbleby et saluant ses collègues les plus lève-tôt sur le chemin. Le Rubombelle l’aidait toujours à prendre soin de ces petits coins floraux, c’était comme ça qu’ils s’étaient rencontrés après tout, c’était leur petit moment à eux.

L’heure avançait et il fallait se diriger vers l’accueil. Aussi étrange que pouvait être la base - et Arceus sait qu’elle était bizarre au point qu’elle en semblait presque vivante parfois - Ralsen voyait l’accueil comme l’endroit qui paraissait le moins à sa place. Tellement normal qu’il faisait tâche, une pièce encore plus stérile que tout le reste avec son simple bureau de secrétariat et quelques chaises qu’elle n’avait jamais vu servir. Comparé à l’ancien laboratoire réaffecté et sécurisé où les scientifiques et ingénieurs travaillaient sans relâche, tous les terrains d’entraînement intérieur et extérieur qu’ils soient pour les agents ou leurs Pokémons, la petite salle d’accueil était si banale face à l’ambiance plus militaire de tout ce qui l’entourait.

Elle arrangea un peu sa veste tandis que la nervosité montait. On lui avait dit qu’il fallait faire bonne impression, alors elle avait fouillé son placard pour trouver quelque chose qui fasse un peu plus… uniforme. Elle s’était contentée de remplacer un de ses habituels hoodie par la veste d’un ensemble que la milice avait donné à tous ses agents - il n’y avait pas d’uniforme obligatoire à proprement parlé mais c’était ce qui s’en rapprochait le plus, s’était-elle dit. La Lucario était le seul Pokémon à ses côtés, inaugurant un des Holowear qu’une amie lui avait fourni pour donner une magnifique cravate assorti aux yeux du Pokémon, quoiqu’avec une tendance à bugger par moment. Elle ne faisait peut-être pas officiellement partie de l’équipe, mais Ralsen avait insisté quand elle avait vu ses yeux s'illuminer à la possibilité de revêtir un accessoire holographique.

Les secondes lui paraissaient interminables, pourtant elle n’attendait pas depuis longtemps, elle ne savait pas à quoi s’attendre et elle aurait préféré être en présence d’un supérieur ou au moins un collègue. Plus stressée qu’à son habitude, c’est la réaction de la Lucario qui lui annonça l’arrivée imminente de quelqu’un.

[hrp: Désolée Youtube bug, j'arrive pas à rétrécir]

Il n’y avait pas une, il n’y avait pas deux ni trois personnes mais bien tout un large groupe qui s’amassait devant l’entrée, trop bruyant et trop agité. Ralsen échangea un regard confus avec la Lucario à ses côtés qui se contenta de répondre d’un haussement d’épaule las. Dans la masse humaine, elle distinguait caméras, lumières et autres micros de journalistes - ou plutôt de paparazzi ? Elle était… aussi importante que ça cette fille ?

La secouriste eut un aperçu du brouhaha que la célébrité avait supporté jusque là au moment où les portes s’ouvrir pour la laisser entrer. Le monde des gens connus était si étrange, avoir eu un semblant d’attention similaire sur sa personne à la fin du braquage d’Abyss lui avait déjà laissé une impression désagréable, alors tout ça constamment ? Comment pouvait-on s’entendre penser dans ces conditions ?

Trois hommes imposants la suivaient pour veiller à sa sécurité. Ralsen n’osait pas s’approcher, elle les… disputait pour qu’ils la laissent tranquille - ça aussi, ça semblait si bizarre, des gens qui vous suivent tout le temps partout.

Sans trop expliquer pourquoi, la secouriste sursauta lorsque son regard croisa les yeux émeraudes de la célébrité, peut être que c’était cet air un peu sévère - sérieux ? - qui l’avait prise par surprise. Sérieux qui disparut bien vite maintenant qu’elle l’avait rejoint, elle affichait un grand sourire en la toisant de haut. Ralsen avait l’habitude que tout le monde soit plus grand qu’elle mais quelque chose chez cette femme rendait sa présence écrasante.

“Bonjour ! Je cherche un dénommé Ralsen ! Tu le connais ?”
“Euh… C’est moi” répondit-elle d’une voix mal assurée. Elle essaya de reprendre un peu de contenance avant de poursuivre “Ralsen Adil, secouriste. Enchantée, mademoiselle Dechanel !” se présenta-t-elle en souriant à son tour, le visage illuminé de son habituelle bonne humeur.

La Lucario à ses côtés en avait presque son sixième sens ébloui. Au moins ça compensait les relents d’orgueil et de frustration qui se dégageaient de l’autre humaine. Une part d’elle regrettait d’être venu accompagner la jeune soldate, une autre était contente de ne pas la laisser seule face à… ça. L’humaine avait du mal à s’affirmer, il fallait bien que quelqu’un s’assure qu’elle ne se laisse pas marcher dessus.

“On m’a dit de répondre à toute vos questions, enfin si c’est des choses que j’ai le droit de dire, et de vous faire faire un tour de la base, sauf les endroits confidentiels” expliqua-t-elle avant de laisser échapper un rire nerveux “De toute façon y a des trucs, j’y ai pas accès non plus”

Elle réfléchit quelques secondes pour s’assurer qu’elle n’avait rien oublié. La visite, les questions…

“Oh ! Et on m’a dit de faire une courte présentation du STERN”

Elle s’empressa de sortir un petit carnet d’une pochette à sa ceinture, celui qu’elle utilisait pour ses croquis, et tourna quelques pages pour regarder ses notes. Le par-coeur, c’était pas son truc, pourtant ce qu’elle avait écrit ne lui convenait pas. Trop peu naturel, trop… froid. Elle soupira et ferma son carnet

“Le STERN est là pour empêcher si possible, sinon contrer toutes les attaques qui mettraient la vie des habitants de Maïlys en danger. Ça fait… environ sept ans que l’île enchaîne les guerres et on a jamais le temps de souffler, et la Ligue et les Topdresseurs peuvent pas tout faire tout seul. Alors le STERN a été créé pour lutter plus efficacement contre… tout ce qui peut nous menacer”

On était loin de la présentation convenue qu’elle avait préparé, et le ton solennel trahissait l’implication personnelle qu’elle mettait dans son travail. Parler avec le cœur lui avait toujours semblé important, et c’était sans doute pour ça qu’elle était un véritable livre ouvert en toute circonstance. C’en était presque ironique que l'univers lui ait accordé ce don de lire en l’âme des gens, quand elle exposait la sienne le plus naturellement du monde, qu’elle le veuille ou non.

“Eh bhé... Vous vous sentez pas un peu paranoïaque ?”

La franchise brutale de mots qui n’avaient certainement pas été réfléchis avant d’être prononcés prit Ralsen par surprise. Heureusement la raison reprit le dessus avant qu’elle n’en soit irritée, cette fille ne pouvait pas savoir, elle venait d’arriver. Simple manque de tact de la part de quelqu’un qui n’avait rien vu de tout ce qui avait touché l’île.

“Désolée, j'ai pensé à voix haute. Hum... Sept ans que ça existe alors... Et il y a encore du bazar ? Ma parole, vous abritez tous les terroristes du monde ou bien ?”

La secouriste dut retenir un soupir, la Miss Dechanel n’avait pas totalement tort, c’était l’impression que ça donnait, parfois. Ralsen n’avait été ni la plus brillante à l’école, ni en Histoire, et n’y connaissait pas grand-chose en géopolitique, mais il n’y avait pas besoin d’être un génie pour comprendre d’où venait le surplus de confiance de tous ces criminels. Zodiac débarquée fraîchement sur Maïlys alors que la Ligue était encore trop jeune, tout s’était déroulé bien trop vite pour qu’une quelconque stabilité ait eu le temps de se mettre en place. Les Champions changeaient trop souvent, allaient et venaient, alors que les criminels, eux, s’implantaient bien fermement. Les autorités étaient sans arrêt dépassées par les événements et les dresseurs d’élite de la Ligue n’étaient pas des faiseurs de miracle, ils étaient humains avant tout.

“Qu'est-ce qui les attire ici ? Je veux dire, oui, vous protéger Maïlys et ses honnêtes citoyens, mais ça, c'est comme partout... Cependant, de ce que j'entends, ici, il y a tout de même du niveau.”

Même s’il y avait de bonnes raisons, l’ampleur que prenait les choses à chaque fois était telle que Ralsen ne se demandait pas si Maïlys n’était pas un peu maudite, parfois.

“Fais moi visiter, et raconte moi pourquoi ce déchainement de violence perpétuel. Par contre, précise à ton Lucario de ne pas s'attarder sur mon aura, je n'aime pas ça. Et toi ? T'es née dans ce bazar ou tu assouvis tes pulsions héroïques car c'est ici qu'il y a le plus à faire ? T'es rentrée directement au STERN ?”

La secouriste n’était plus sûre par quoi commencer, la star parlait tellement qu'elle en avait un peu perdu le fil. Elle adressa un regard désolé à la Lucario à ses côtés qui se contenta de hausser les épaules. Le Pokémon avait connu son lot de petits bourges, elle avait été au côté de l’un d’eux quelque temps, quelqu’un de bien plus effrayant, bien plus dangereux et bien plus cruel que cette petite princesse égocentrique. Si elle voulait garder toutes ses petites émotions bien cachées sous clé, grand bien lui fasse, elle n’en avait pas grand chose à faire. Mais les vieux réflexes ne s’oublient pas et si mademoiselle se sentait vexée, autant la brosser dans le sens de sa chevelure d’or. En guise d’excuses, la Lucario prit un instant pour adresser une révérence bien trop gracieuse pour en être à son premier essai, une patte sur le cœur, sous le regard étonné d’une Ralsen un peu perdue.

“Hem, oui, la visite” se reprit-elle “On va commencer par l’extérieur, il vaut mieux” Des fois qu’on galère pas à ressortir garda-t-elle pour elle. Oh que la base se comporte bien aujourd’hui pitié… “Oh, et le STERN existe que depuis un peu plus d’un an. Si ça existait depuis le début on aurait… peut-être moins de problèmes” admit-elle avec un sourire gêné.

Elle l’invita à la suivre pour sortir de cet accueil déprimant. Avec un peu de chance des collègues s'entraînaient assidûment sur les terrains, elles auraient peut être droit à un joli spectacle de combat en passant.

“Je suis née et j’ai grandi ici, à Esperantown. C’est la ville la plus à l’ouest” répondit-elle finalement “J’ai rejoint le STERN peu après sa création. Je voulais faire plus que d’aider localement les gens de ma ville, je voulais faire une différence sur toute l’île”

Elle était à peu près certaine que Miss Dechanel ne demandait que par politesse et étiquette, mais ça ne l’empêchait pas de répondre honnêtement. Maintenant, les questions moins personnelles…

“Y a pas mal de vieilles légendes ici. Ça attire les chercheurs curieux, mais ça attire aussi des gens mal intentionnés. La promesse d’exaucer n’importe quel voeux, la promesse de pouvoir changer le monde… À chaque fois toutes ces vieilles légendes ont eu une part de vrai et plein d’anciennes ruines ou reliques ont… montré de drôle de pouvoirs. Et pendant que tout le monde se bat, tous les autres finissent en dégâts collatéraux… On a tous été blessés, vu quelqu’un mourir, ou les deux” expliqua-t-elle non sans une légère pointe de chagrin.

“Ne vous sentez pas responsable de tout. Il y a des adultes sur cette île, non ? Je suppose que chacun a sa part de responsabilités”

C’était… Tellement plus complexe que ça. Mais la Miss Dechanel ne semblait pas des plus réceptive à… tout ce genre de choses, la journée allait être longue, très longue. Ralsen se demandait si elle allait exploser son compteur de soupirs avant le coucher du soleil. Croiser quelques collègues à devoir saluer lui donnait de bien trop brefs moment de répit, et apercevoir un combat d'entraînement un peu plus loin, qui semblait bien intense et plein de rebondissement, la rendait presque jalouse des soldats qui vaquaient à leurs occupations habituelles. Ils auraient vraiment dû choisir quelqu’un de plus apte à faire cette visite avec… quelqu’un comme cette Cordélia.

“Attends, genre, comme un génie ?”

C’était vraiment tout ce qu’elle avait retenu de tout ce qu’elle avait pu dire ? Oui, évidemment que oui. Par les Légendes Météorologiques, que quelqu’un me vienne en aide, se plaignit Ralsen. Elle allait prendre sur elle, ce n’était qu’une journée.

“Et quand tu dis, tous les vœux, c'est qu'il n'y a aucune limite ?”

D’habitude, la secouriste adorait voir le regard des gens s’illuminer. La joie, la passion… Cette fois, ça la mettait mal à l’aise. L’envie et la convoitise - peut être innocente qui sait ? -  lui rappelait un peu trop celles qui avaient conduit à différents cataclysmes qui avaient touché Maïlys. C’était les désirs égoïstes de ces hommes trop puissants avec trop de moyens qui les avaient fait souffrir. Et pour rien.

“De quelle ruine tu parles ? Genre comme celle d'Alpha ? A Johto ?”

Ces ruines lui étaient complètement inconnues - il faut dire qu’elle avait dû couper court à sa scolarité assez tôt. Difficile de finir son éducation quand sa ville se faisait détruire régulièrement.

“Le Stern est aussi le gardien de ce genre de chose ? Si ça s'trouve ! C'est ici même ?!”

Ralsen laissa échapper un bref rire nerveux. Elle était tellement tendue qu’elle avait été prise par surprise par une telle conclusion.

“Nan nan, pas du tout ! Ça c’est pas de notre ressort” répondit-elle, presque amusée - presque seulement. “Les ruines de Lakit sont à peu près au nord d’ici, près de la ville du même nom. Et le truc des voeux, c’est mort. Littéralement, le Pokémon qui était enfermé dans ce qu’on appelait l’Étoile de Sydarta a pas survécu. Et… heureusement. Le type qui y a accédé en premier était mal intentionné, si ça se trouve l’île aurait été rasée de la carte ou je sais pas quoi” soupira-t-elle. Rien que d’y penser lui donnait des frissons. Les rumeurs du voeux qui aurait été prononcé n’était que ça, des rumeurs, et allez savoir comment la créature légendaire l’aurait exaucé.  “Personne devrait avoir ce genre de pouvoir. Ça peut que mal tourner” ajouta-t-elle sombrement.

La visite extérieure n’attisait clairement pas l’intérêt de la célébrité. Elle avait été trop intéressée par cette histoire de vœux pour s’en plaindre, c’était déjà ça de pris. La peau trop claire et trop lisse pour supporter le soleil du désert, les habits trop parfaits pour tolérer une ville aussi industrielle que Sableye, il était sans doute tant de rejoindre les bâtiments. Miss Dechanel n’était sans doute pas du genre à aimer les matchs Pokémon pourtant les salles d’entraînement intérieures était le plus intéressant. Les dortoirs et les bureaux, on était sur du bon zéro d’amusement, toute l’aile où se passaient les différentes formations avaient leur petits coins de paradis si on aimait étudier - l’avantage d’avoir quelques féru d’Histoire et Sciences dans les hauts gradés, les ingénieurs et les scientifiques. Et puis s’ils encourageaient les spécialisations il fallait bien les ressources pour. Tout le reste ? Accès limités. Ralsen en venait presque à espérer des mauvaises farces de la base, histoire de mouvementer un peu les choses et de faire passer le temps plus vite. On perdait vite la notion du temps, quand il était impossible de voir une seule fenêtre, et que les couloirs semblaient se réarranger alors même qu’on les traversait.

“Si t-... vous voulez pas restez là plus longtemps, je pense qu’on peut visiter l’intérieur maintenant” Ça lui semblait si peu naturel de vouvoyer quelqu’un de son âge qu’elle avait failli gaffer “Après, je vais être honnête, on risque de s’ennuyer” sauf si la base fait des siennes pensa-t-elle “J’ai l’impression qu’on nous à imposé cette visite à toutes les deux, mais j’ai quand même envie que ça soit un minimum sympa alors… Oh ! Vous aimez les fleurs ?” Changement de sujet quelque peu soudain, mais une idée lui était venue alors qu’elle parlait.

Eeet… elle n’avait rien écouté. Ou plutôt, elle n’avait écouté que ce qui l’intéressait en occultant tout le reste. Compteur de soupir retenu : Ralsen avait déjà perdu le compte. Tant pis pour elle, si Miss Dechanel voulait courir après un légende qui n’existait même plus qu’elle le fasse. Quoique… Non, ça allait lui retomber dessus, à tous les coups. Il n’y avait vraiment aucun moyen de gagner avec ce genre de personne.

“Mais non ! Faut pas être défaitiste. Si c'est moi qui tombe dessus, crois moi, ta petite île sera le dernier de mes projets”

Oh non on serait tous foutu garda-t-elle pour elle. Comme toutes les personnes qui avaient essayé de s’approprier le pouvoir des anciennes légendes, cette fille ne semblait pas réfléchir plus loin que ce qui tournait autour de sa propre personne. Si Ralsen croyait en la bonté inhérente que tout être pouvait avoir, l’Histoire avait bien prouvé à mainte et mainte reprise que ce genre de chose ne venait pas sans rien.

La célébrité était clairement ravie de la visite et parlait avec toujours autant de tact et de délicatesse. Elle n’avait de délicat que son apparence - encore que, difficile de rater son attitude autoritaire qui se traduisait jusque dans sa façon de se tenir et de bouger.

“Oui j'aime ça, même si je déteste lorsqu'elles fanent. J'exige à ce qu'elles soient changé régulièrement dans ma chambre. Personne n'aime les choses en train de mourir”

Évidemment. Nouveau soupir ravalé.

“Les pokémons plantes sont sympas aussi. J'adore leurs délicats parfum, qu'on peut parfois retrouver dans des gammes d'eau de toilette”

Ah bon ? Ce n’était pas le domaine de Ralsen, si elle s’intéressait aux propriétés curatives que pouvaient avoir certains Pokémon Plante, tout le reste… Eh bien, elle n’y avait pas fait plus attention que ça. Et puis, elle avait un Farfaduvet après tout.

“Si tu aimes ça aussi, je pourrais te faire parvenir des échantillons ou des flacons que j'ai en trop. Ce n'est pas parce que tu es entouré de Mr Muscle adeptes de la sueur, que vous devez tous sentir le Miasmax”

“Euh… C’est gentil mais… Je vais juste oublier que j’en ai, j’ai pas l’habitude de ce genre de chose”

Et surtout elle n’en avait pas grand chose à faire, ça pouvait même être gênant dans son travail. Il suffisait qu’un Pokémon sauvage soit dérangé par l’odeur parfumée, ou que ses propres Pokémons soient trop perturbés pour utiliser leurs sens. Elle serait sans doute perturbée elle aussi, à vrai dire, les jolis parfums et les belles eaux de toilette, c’était loin d’être le genre d’achat qu’ils pouvaient se permettre durant son enfance.

“Et t’inquiète, ces fleurs là vont très bien ! Elles sont en terre” Le vouvoiement s’était définitivement envolé.

Ralsen la conduit sur le côté du bâtiment principal, non loin de l’entrée, là où se trouvaient les plantes dont elle s’occupait. Certaines étaient bien fleuries et ne semblaient pas vraiment à leur place dans un climat pareil, Ralsen soupçonnait qu’en plus de son entretien et celui de Bee et Adhartan, certains Pokémons d’autres agents participaient à l’effort.

“Tada ! C’est moi qui m’en occupe, avec mes Pokémons. Je voulais égayer un peu la base quand je suis arrivée. C’est pas grand chose mais ça apporte un peu de vie et de couleurs”

Elles n’allaient plus en voir beaucoup d’ici quelques minutes, des couleurs, alors autant en profiter avant de se jeter dans les entrailles du quartier général. Ralsen n’était pas peu fière de son petit coin de paradis, elle se disait qu’elle avait bien hérité de la main verte de sa famille. Et surtout de leurs conseils, et des fois où elle les avait aidés, et… Bon, elle n’était pas partie de rien non plus.

“Évite d’en piquer une par contre, ça va pas plaire à mon Rubombelle. Bee est très protecteur de ses fleurs” admit-elle en se grattant la joue avec un coup d’oeil vers l’une des Pokéballs à sa ceinture.

Elle souriait, un vrai sourire ! Enfin un moment plus posé et agréable - probablement le seul de la journée, il allait falloir en profiter. Ralsen était plutôt fière d’elle, elle avait vraiment eu une bonne idée en faisant ce léger crochet. Elle avait même réussi à obtenir des félicitations de la part de Cordélia, la secouriste était à peu près certaine que c’était une denrée rare venant de la célébrité. La star eut l’air bien déçue de ne pas pouvoir cueillir l’une des jolies fleurs mais ne s’en plaint pas, en tout cas pas à voix haute. Ouf…

“Je connais quelqu'un à qui ça pourrait plaire aussi”

Ralsen leva un sourcil, intriguée, avant de voir Cordélia une Luxe Ball la main. Quel genre de Pokémon se cachait là dedans ? Une Nymphali en sortit et se retrouva bien vite le museau dans le parterre floral. La secouriste ne put s’empêcher de sourire devant cette réaction adorable de la part du Pokémon Fée. Un Pokémon aussi bien soignée et gracieuse que sa dresseuse, et qui, visiblement, aimait les fleurs tout autant, si ce n’était plus !

“Je te présente Daenerys, ma première pokémon. Daenerys, voici Ralsen et sa Lucario”

“Salut Daenerys !” salua Ralsen avec un grand sourire.

La Lucario se contenta d’un humble mouvement de tête elle aussi, avant d’imiter la Nymphali pour se rapprocher des fleurs, accroupie. Cordélia avait sorti son Motismart et prenait plusieurs photos. Ralsen se sentait presque embarrassée qu’autant d’attention soit portée à son petit passe-temps, mais d’un autre côté la légèreté du moment l’avait détendue.

“Allez ! On va faire une Story pour vanter ton travail florale ! Fais un beau sourire pour tout mes followers et fan !”

À observer tout ce petit monde s'extasier devant ce petit coin de verdure, la secouriste en avait presque rêvassé un court instant et n’avait pas réalisé que Cordélia l’avait rejoint, assez proche pour faire la fameuse Story. Elle se sentait soudainement gênée. Les caméras, c’était définitivement pas son truc, même celles d’un téléphone, surtout du téléphone de quelqu’un de connu. Mais y avait pas de mal, non ? Les gens ne feraient pas attention à elle, seulement à leur célébrité préférée.

“Euh… Okay, si tu veux !”

Elle essayait de cacher sa nervosité derrière un semblant d’enthousiasme. Photo ou vidéo ? Peu importait, elle se contenterait de suivre les instructions de Miss Dechanel. Sourire ? Facile. Elle se sentait définitivement un peu idiote, par contre.

Du côté des fleurs, une certaine Lucario profita de l’attention détournée de la soldate pour prendre une, deux, trois, quatre fleurs dans ses pattes. Elle glissa l’une d’elle, aux pétales d’un joli bleu clair, à l’oreille libre de la Nymphali, à l’opposé de son naturel nœud papillon. Sans plus de cérémonie, elle se releva pour observer les deux humaines, attendant patiemment qu’elles finissent leur… activité, peu importe ce que c’était.

“Détends toi, c'est pas une mise à mort”

Drôle de choix de mots pour détendre l’atmosphère et pourtant ça fonctionnait. Ralsen était amusée et surtout reconnaissante que Cordélia essaie de la mettre à l’aise, à sa façon en tout cas. D’autant plus qu’elle voyait la star changer d’avis pour passer sur quelque chose de plus instantané avec un bon vieux live. Non loin, la Lucario rendait un sourire à Daenerys, le geste lui faisait plaisir et les fleurs ne faisaient qu’embellir les autres, elle attendait patiemment pour offrir les deux dernières et faire en sorte que les deux invités repartent chacune avec un petit cadeau.

“Saluuuut à tous mes fans !! Comme promis, me voici à la caserne du STERN de Maïlys où j'ai fais la connaissance de Ralsen !”

“Bonjour !” salua-t-elle. Elle essayait de garder contenance, après tout, c’était presque la même chose que parler à un groupe de personne en face à faire, il fallait juste éviter de penser qu’il ne s’agissait pas de quelques dizaines de personnes mais bien, bien plus. Elle pensait gérer plutôt bien jusqu’à ce que Cordélia lui attrape le bras.

Prise par surprise par le contacte soudain et la proximité toute aussi inattendue, Ralsen sentit ses joues et ses oreilles chauffer. Elle remerciait son teint assez brun pour camoufler des rougissements légers, parce qu’elle aurait été trois fois plus embarrassée si cela devait se remarquer. Elle n’était pas certaine d’avoir écouté tout ce que la célébrité avait dit à ses fans, presque trop concentrée pour avoir l’air complètement normale et imperturbable comme si de rien n’était. En tout cas, les spectateurs étaient satisfaits, les réactions étaient plus que positives et Cordélia semblait satisfaite.

Alors que Ralsen se détendait de nouveau maintenant que l’effet de surprise était passé, une voix s’éleva à proximité pour les gronder. Elle sursauta, prête à se mettre au garde à vous pour des remontrants mais on les laissa tranquille aussitôt.

“Désolée !” s’excusa-t-elle également.

Ambiance plutôt agréable bien qu’étrangement stressante brisée, Cordélia rangeant bien vite son Motismart avant une autre remarque. Un supérieur qui avait voulu faire du zèle, sans doute, ce n’était pas comme si cette partie de la base était invisible aux yeux de tous. Un Pokémon pour espionner et…

“Excuse moi, j'aurais dû te demander avant si j'avais le droit... Si on te fais une sanction, je m'y opposerais, ce n'était pas ton idée”

“Oh c’est gentil, mais ça devrait aller, t’en fait pas” la rassura-t-elle avec un grand sourire.

Elle ne pouvait pas vraiment le garantir mais elle n’avait jamais fait aucun écart, remplissait correctement ses missions, et avait eu droit à plus d’un éloge après les émeutes. Elle avait dû gagner un semblant d’immunité pour des petites gaffes comme ça non ?

“Je vais y aller, je ferais une vidéo spécial STERN à l'hôtel, présentant la caserne et répondant en direct aux questions de mes fans.”

Un oh, déjà ? faillit lui échapper, mais ce n’était peut-être pas plus mal. Plus la visite durait, plus elle pouvait tourner en leur défaveur à toutes les deux. Mieux valait s’arrêter sur une note positive plutôt que sur une errance infinie dans les couloirs changeants des bâtiments.

“Je peux avoir ton numéros ? Si jamais j'ai encore des questions ou besoin d'une héroïne ?”

“Oui bien sûr !” Elle sortit son propre Motismart et l’appareil se tourna vers Cordélia pour afficher ledit numéro. Elle fit de son mieux pour ne pas se laisser encore déstabiliser, l’idée d’être une héroïne lui paraissait exagéré,même si la star ne parlait pas littéralement, ça sonnait comme un compliment et elle ne savait jamais vraiment où se mettre. “À moins d’une urgence si je réponds pas c’est sûrement que je bosse ! Enfin, tu connais ça. Mais n’hésite pas !” assura-t-elle avant de continuer sur un ton un peu plus sérieux “Je sais pas combien de temps tu comptes rester sur Maïlys mais… C’est pas exagéré quand on dit que c’est dangereux ici, si tu dois partir d’ici bientôt c’est pas plus mal”

Elle n'eut pas le temps d'assombrir plus longtemps l'ambiance qu'elle se retrouva bien vite une fleur dans les cheveux et une dans les mains, la Lucario les avait enfin rejoint. La secouriste regarda le Pokémon Aura avec un soupir désespéré, elle se débrouillerait toute seule avec Bumbleby pour l’affront qu’elle avait fait à son parterre de fleurs. Au moins Cordélia aurait une fleur à elle finalement, Ralsen ne comprenait juste pas pourquoi le Pokémon ne lui avait pas donné elle-même.

“Tiens ! Elle devrait tenir jusqu’à ce que tu rentres chez toi. Plus longtemps si tu la mets assez vite dans l’eau, sinon elle peut rester jolie si tu la fais sécher correctement aussi” fit-elle en tendant la fleur à sa destinataire avec un sourire “Oh tu veux que je te raccompagne au fait ?” proposa-t-elle.

Elle se souvenait des trop nombreux gardes du corps à son arrivée, elle n’avait pas l’air de grandement les apprécier alors peut-être que Ralsen pouvait faire un bout de chemin avec elle et ses protecteurs pour rendre le trajet moins pénible ?