[TERMINÉ] C'est beau la technologie [Idyia]

— C'est de ta faute Mimi!

La journée semblait pourtant bien partie. Son week-end terminé, l'étudiante avait comme à son habitude pris le train sensé la ramener jusque son chez elle à Bordeciel. Un voyage hebdomadaire qu'elle connaissait pourtant par cœur. Mais cette fois, son père lui avait confié une tâche à accomplir sur le trajet. Elle devait donner un petit paquet au directeur d'une école de Dresseurs de la banlieue de Port Lieucca.

Lucie ne savait même pas qu'il y avait une école, là-bas. Et visiblement, son Motismart non plus.

— Adresse inconnue, répéta une nouvelle fois une voix préenregistrée. Mais si tu n'étais pas un estomac sur pattes, ajouta le téléphone avec cette fois une voix plus naturelle, mais aussi plus synthétique, on serait arrivés à l'heure.

En effet, l'adolescente avait dans la main un sac en papier encore tout chaud.

— Il fallait bien qu'on mange! s'indigna-t-elle, visiblement outrée par cette accusation.

— Qu'on mange, pas qu'on passe une heure à chercher qu'est ce qui te faisait envie.

Lucie se mit à faire la moue, avant d'attraper une frite dans son sac tout chaud.

— On serait arrivés à l'heure aussi si t'avais trouvé l'école de suite.

— Adresse inconnue. répéta la voix comme un disque rayé.

Il était peut-être temps de mettre ses appli à jour. Ou alors, cette partie de la banlieue du port était tellement perdue que personne n'avait pensé à y localiser les adresses. Lucie laissa filer un long soupir, alors que ses pieds l'avaient guidée hors de la ville. Elle sortit un burger de son sac, qu'elle s'empressa de déballer pour croquer dedans.

— Ché la dernière chois qu'on chait une courche pour papa. dit-elle, la bouche pleine, à l'adresse de son Motismart.

Elle avait dit ça alors qu'elle arrivait au niveau d'un jeune homme, accompagné par deux Pokémons. Un Dresseur en voyage? Quelle chance! Lucie s'approcha alors de lui pour l'aborder:

— Hey, salut! lui lança-t-elle après avoir fini sa bouchée cette fois. J'ai raté mon train et 'faut que j'aille jusqu'à l'Imaginarium. C'est sur ton trajet? Ça te gêne si je t'accompagne?

Même si Arsène était à même de la défendre, les routes restaient dangereuses pour qui n'était pas Dresseur, ou ne serait-ce qu'un peu plus aventureux qu'elle. Elle n'avait aucune idée de si elle avait devant elle un débutant, ou quelqu'un qui avait l'habitude de voyager sur l'île... mais il ferait l'affaire. Non pas qu'elle avait réellement besoin de compagnie, plutôt d'un... garde du corps improvisé, pour arriver à destination en prenant le moins de risque possible.

Pourtant, avec son accoutrement, elle ressemblait à quelqu'un de prêt au voyage. Elle avait en bandoulière la sacoche de son ordinateur, faisant aussi sac à main à ses heures perdues, et de l'autre côté, un gros sac de voyage, sans doute un peu trop grand pour sa petite carrure, qui contenait les quelques affaires qu'elle avait emmenées pour son week-end. Elle avait sur le nez des lunettes teintées, qui dissimulaient son œil balafré, bien que la cicatrice soit visible en dessous des montures, et la seconde derrière les branches, près d'une oreille entourée de son appareil auditif.

A ses côtés flottaient un Motismart à la coque noire, parsemé de motifs géomitriques de différentes couleurs, et un Porygon-Z, à qui Lucie tendit d'ailleurs une de ses frites, qu'il laissa bien sûr tomber sur le sol. Les Porygon ne se nourissaient pas de ça. Elle le savait très bien, mais l'intention y était toujours.

— On a raté le départ, expliqua-t-elle brièvement, parce qu'un certain quelqu'un nous a perdus en chemin, ajouta-t-elle en foudroyant du regard son téléphone flottant.

— Adresse inconnue, répéta à nouveau la voix synthétique comme pour narguer sa dresseuse.

— Euh... bah là, j'allais... quitter la ville pour... chercher des Pokémons sauvages, mais... je sais pas, tu cherches quelque chose? La gare?

Super, un débutant. Lucie le regarda en plissant les yeux. Elle ne pensait pas avoir déjà rencontré une seule personne sur l'île qui ne savait pas ce qu'était l'Imaginarium. C'était comme un Kalossien qui ne connaissait pas Illumis. A ceci près que l'Imaginarium n'était pas la capitale de la région, et qu'elle était bien plus étrange, sûrement un peu plus mal fréquentée, qu'Illumis...

Finalement, ça n'avait rien à voir, mais elle restait persuadée que ce type n'était pas d'ici. Elle laissa échapper un long soupir et eut un air de déception dans le regard, derrière ses lunettes.

— Pardon, excuse-moi mais... comment il fait pour flotter, ton téléphone? Et c'est quoi ce truc à côté?

D'un geste nonchalant, elle leva la main vers son Motismart, qui vint se poser au creux de celle-ci.

— Mimi, FF. Il est encore plus paumé que nous, dit-elle sans le moindre tact en commençant à tapoter sur le clavier tactile du téléphone. Trouve nous le chemin.

— Ça ne te ferait pas de mal d'être un peu plus polie pour une fois, rétorqua le petit appareil.

Il avait traité Glitch de truc. Pour elle, ce n'était déjà pas très poli, mais elle se résigna. Peut-être qu'en expliquant plus clairement, elle parviendrait à se faire comprendre. Vue son hésitation, il ne parlait peut-être pas complètement la langue? Aucune idée. En tout cas, elle décida finalement de lui répondre, parlant cette fois plus lentement, et soignant un minimum son élocution:

— Lui, c'est Mimi, commença-t-elle en désignant son appareil. C'est un Motismart. Enfin, un assistant Motisma dans un téléphone, quoi. Et lui, c'est Glitch, ajouta-t-elle en présentant cette fois-ci son Porygon-Z, qui eut un petit hoquet qui provoqua quelques bugs visuels bien étrange lorsqu'ils ne se produisaient pas sur un écran. Ce n'est pas un truc, c'est un Porygon, et mon ami.

Le Pokémon digital tourna la tête vers sa Dresseuse, le sourire dans le regard. Malgré le peu d'émotions qui passaient sur ce visage, il était facile de voir à quel point ils s'entendaient simplement en le regardant dans les yeux.

— On devait prendre le train ici, à Port Lieucca, continua-t-elle en se promettant que si cette discussion ne menait à rien elle s'occuperait elle-même de retirer la batterie de Mimi pour le trajet, mais on a raté l'heure du départ. Du coup, il faut que j'aille jusqu'à l'Imaginarium à pieds parce que le prochain train est complet.

Elle hésita un instant, se demandant si c'était bien nécessaire, avant d'ajouter:

— L'imaginarium, c'est une ville, à quelques heures de marche. Je suis sûre que tu trouveras plein de Pokémons sur le chemin, c'est justement pour ça que j'ai besoin d'un guide, je ne suis pas Dresseuse, je ne peux pas me battre en cas de danger.

Ce n'était pas tout à fait exact, bien sûr, mais avoir quelqu'un de mieux formé qu'elle pour faire face aux dangers de la nature serait la bienvenue. Et puis, elle préférait laisser la pauvre Arsène profiter tranquillement de la fin du week-end dans le confort de sa Pokéball.
Dans le pire des cas, se disait-elle, elle pourrait toujours le laisser en arrière faire mumuse avec les Pokémons sauvages pendant qu'elle tracerait sa route. Dans tous les cas, toutefois, elle n'avait pas l'habitude de s'aventurer seule loin des villes, et avait bien besoin d'un coup de main.

Il ne serait même pas forcé de faire tout le trajet avec elle, au moins assez pour qu'elle ne se retrouve pas perdue au milieu de nulle part, ou coincée au beau milieu d'une tanière d'Ursaring.

— Oh, d'accord! Je vois...

Non, il ne voyait pas du tout. Elle était persuadée qu'il ne voyait pas du tout, il semblait n'avoir écouté qu'à moitié, trop perturbée par ses deux Pokémons pour comprendre le moindre mot de ce qu'elle avait pu lui dire. Pendant toute son explication, il avait été au moins autant à moitié sourd qu'elle.

— Mais attends attends.. tu dis qu'il s'appelle Glitch ete que c'est un... Porygon, t'as dit? Tu veux dire que c'est un Pokémon?

Il n'avait définitivement rien capté.

— Ooooooh pardon Glitch, vraiment désolé je ne savais pas, je ne voulais pas te vexer! Désolé, vraiment! Je suis confus.

Si l'adolescente affait de toute évidence un regard plus qu'épuisé, heureusement dissimulé derrière ses verres teintés, son Pokémon, lui, lança de petits bruits enthousiastes au Dresseur, pour lui montrer qu'il ne lui en voulait absolument pas.

Le jeune homme d'ailleurs, sortit un Pokédex, qu'il pointa vers Glitch. Définitivement un débutant, un de ceux qui s'extasient devant le moindre Pokémon qu'ils croisent pour l'analyser sous toutes ses coutures avec leur petit appareil. Si ça continuait, elle risquait de le laisser en arrière non pas pour le laisser faire mumuse ave des Pokémons sauvages, mais bien pour se faire dévorer par l'un d'eux envers qui il aurait été un peu trop enthousiaste.

Alors que la voix enregistrée du Pokédex décrivait son compagnon, Lucie prit une grande bouchée à l'évocation de l'incompétence du technicien l'ayant mis à jour, pour pouvoir marmonner des jurons entre ses dents sans qu'aucun ne soit vraiment compréhensible. La qualification d'expérience ratée ne fit que la vexer d'avantage, contrairement au Porygon qui était bien trop tranquille et amical pour se laisser affecter par les dires froids et sans âme d'un scientifique incertain de ses recherches.

— Oh, euh... désolé encore, Glitch, je suis vraiment naze avec tout ce qui est technologique. Je sais me servir des fonctions de base du Pokédex, c'est déjà bien.

Il pointa ensuite son Pokédex vers Mimi, qu'il se chargea d'analyser également. De fatiguante, cette intéraction était passée au stade malaisant. Elle avait presque l'impression que l'appareil l'analysait elle aussi.

— Oh mince, ça alors!... C'est incroyable!

Qu'avait-elle donc fait pour mériter ça? En tout cas, ses réactions et sa façon de parler à présent que ce n'était pas un soucis de barrière de langue. Alors, sa première hypothèse était la bonne, il était lui aussi un peu paumé. Pour couper court à ces analyses un peu gênantes, elle préféra les ignorer, et à parler de nouveau normalement:

— Ouais, ils sont incroyables, confirma-t-elle seulement à mi-sérieuse, puisqu'elle le pensait vraiment. Alors, par où tu comptais aller? Tu parlais de Pokémons sauvages, tu comptais juste te balader au pif pour en trouver, c'est ça?

C'était ça. Ça ne pouvait qu'être ça. Elle craignait vraiment que ce soit ça. Finalement, c'était peut-être elle qui allait devoir le guider pour éviter qu'il ne finisse coincé dans une des zones de l'île où les Pokémons étaient plus robustes et agressifs. Elle prit une nouvelle bouchée dans son sandwich, avant de s'exclamer soudainement:

— Ah, mais d'achord! Elle s'empressa d'avaler sa bouchée avant de continuer. Tu fais parti des Dresseurs qui viennent de finir leur cursus à Port Lieucca, pas vrai?

Elle se passera du moindre commentaire sur la qualité des enseignements, si il n'avait jamais entendu parler d'un Motismart, et qu'ils y distribuaient d'anciens Pokédex, pour simplement continuer:

— J'ai du passer là-bas tout à l'heure, je les ai entendu parler de quelques élèves qui quittaient l'école pour commencer leur voyage. Je comprends mieux pourquoi t'as l'air aussi paumé. C'est normal pour un petit noobie

Enfin, normal. Ça expliquait au moins qu'il ne sache pas ce qu'était l'Imaginarium. Si il était interne là-bas, ou en tout cas n'était pas natif d'ici, il n'avait peut-être même jamais quitté la ville portuaire.

Elle n'avait pas vraiment le temps de sympathiser avec un Dresseur à peine sorti de l'école, mais il fallait bien qu'elle tente sa chance. Après tout, vu son karma ces derniers temps, si elle le laissait tomber pour aborder quelqu'un d'autre, elle tomberait sûrement sur un autre novice encore plus perdu. Il ne lui restait plus qu'à attendre sa réponse.

— Bah voilà, c'est ça! s'était-il exclamé en guise de réponse. Me voilà, le petit noobie, comme tu dis.

Un nouveau soupir. Finalement, elle ferait sans doute mieux de faire la route toute seule. Au moins désormais, elle avait une explication quant à son comportement plus que bizarre. Quoi que ça n'expliquait pas tout, mais pour le moment, elle s'en contenterait, elle n'avait aucune raison de chercher à comprendre qui était cet apprenti un peu naïf.

— Je m'appelle Timélias, se présenta-t-il alors, et je te présente Snotigol, l'amour de ma vie!

Elle haussa un sourcil en le voyant étreindre son Tadmorv juste après les présentations.

— Et aussi Jananda, sur mes épaules! Oui t'es beau toi aussi!

Lucie ne put s'empêcher de glousser. C'était toujours un spectacle assez... attendrissant, de voir quelqu'un aussi proche de ses compagnons de voyage. Il avait au moins ça pour lui, pensait-elle.

— Et bon appétit à toi, au passage! ajouta-t-il alors qu'elle croquait une nouvelle fois dans son burger.

— Meurchi, avait-elle répondu par réflexe. Ah, et moi c'est Lucie, ajouta-t-elle en se rendant compte qu'elle n'avait présenté que ses compagnons jusque là.

Bon, il fallait qu'elle réfléchisse à un autre plan. Elle jeta un bref coup d'œil à l'écran de Mimi pour surveiller l'heure. Le train suivant était plein, le prochain arrivait tard dans la soirée, cette option était toujours rayée de ses possibilités.

— Mais attends... t'as dit que t'es pas Dresseuse... Tu voyages avec des Pokémons avec toi mais t'es pas Dresseuse?

A cette question, elle afficha un regard... dépité. Heureusement qu'il était toujours masqué. Que quelqu'un n'ait jamais vu de Motismart, ou de Porygon, elle pouvait le concevoir. Qu'un étudiant étranger n'ait jamais entendu parler de l'Imaginarium, pourquoi pas. Mais que quelqu'un n'ait jamais vu de Pokémon de compagnie?

— T'étais séquestré, dans ton école?

C'était la seule remarque qui lui vint à l'esprit. Elle avait remarqué que certains professeurs de l'école avait l'air louche, mais de là à enfermer des étudiants dans sa cave le temps du cursus, c'était peut-être exagéré.
Sans prendre le temps de faire la moindre transition, ni même de vraiment lui répondre tant la question lui paraissait bête, elle s'adressa cette fois à son Motismart:

— Mimi, trouve-nous le chemin pour l'Imaginarium.

Le petit fantôme dans son appareil s'exécuta, alors que sa "Dresseuse" releva ses lunettes pour les placer sur son front, dévoilant ainsi la cicatrice marquant profondément son œil droit, pour regarder le nouveau diplômé dans les yeux pour réitérer sa proposition.

Elle avait un regard qui pouvait paraître pour certains assez sévère, mais il était surtout un peu pressant, cette fois. Ses yeux d'un beau bleu clair, dont l'un était recouvert d'un épais voile blanc, étaient mis en valeur par quelques traits de maquillage.

— Tu veux nous accompagner, alors? Si tu savais pas trop où aller, tu vas forcément rencontrer des Pokémons sur le trajet.

Elle prit un léger temps pour réfléchir, avant d'ajouter:

— Il y a pas d'Arène à l'Imaginarium, mais t'en trouveras deux à Bordeciel, un peu plus loin dans la même direction, si c'est les badges qui t'intéressent.

C'était sans doute la dernière fois qu'elle insisterait, avant de tenter sa chance toute seule. Non pas que cette conversation était si désagréable, mais elle préférait terminer son trajet le plus tôt possible. Si la nuit tombait alors qu'elle était sur la route, le danger serait sans doute encore plus grand. Sans compter que sa nuit avant la reprise des cours serait raccourcie. Tant pis pour la fin du week-end d'Arsène, elle devrait la soliciter pour jouer les gardes du corps une fois de plus.

— Oui, je suis partant!

Enfin! pensait-elle, alors qu'elle commençait à se dire qu'attendre le train qui partait en pleine nuit aurait été plus rapide que d'insister.

— Je sais pas encore si je peux avoir la prétention de réclamer un badge, mais rencontrer des Pokémons sauvages et faire mes premiers combats sera déjà la base. On va voir si j'arrive à me trouver un nouveau compagnon aussi, pour former une vraie équipe.

Au moins, il était enthousiaste et motivé, une fougue qui parvint à faire esquisser un léger sourire à Lucie, qu'on mettrait sans doute sur le fait qu'elle ait finalement une réponse positive.

— C'est une école de Dresseurs, se sentit-il tout de même obligé d'ajouter, tous les gens que je voyais étaient entourés d'un Pokémon parce qu'ils étaient des Dresseurs.

Alors qu'elle s'était apprêtée à se mettre immédiattement en route, elle leva un sourcil, se demandant bien où il voulait en venir.

— C'est si courant que ça que des gens qui ne sont pas Dresseurs se promènent avec des Pokémons? Quand je sortais en ville, je voyais bien certaines autres personnes accompagnées d'un Pokémon, mais bon c'était pas tout le monde, et je me disais que du coup c'étaient eux aussi des Dresseurs. A l'école, ils nous disaient que les Pokémons partagent la vie des Humains, c'est à ce point là? Pour moi, à partir du moment où tu entretiens une relation avec un Pokémon, t'es un Dresseur.

Il parlait décidément comme un enfant. Pourtant, à son physique, Lucie jurerait qu'il avait à peu près son âge. Il était peut-être même un peu plus vieux.

— Tu me diras, réalisa-t-il finalement, j'ai vécu avec Snotigol pendant des années sans même savoir ce qu'était un Dresseur Pokémon... Je réalise... oui, c'est idiot ma réflexion.

Elle bloqua deux bonnes secondes sans le moindre mouvement en essayant de comprendre le cheminement de son cerveau, avant de se résigner. Il était peut-être un peu naïf, et semblait n'avoir rien vu du monde autour de lui, encore moins de la terrifiante Maïlys, mais il semblait avoir un bon fond. Sa seule façon de se comporter avec ses Pokémons transpirait la sympathie et reflétait une âme d'enfant sur le point de découvrir le monde.

— On peut pas tout savoir, se contenta-t-elle de répondre. Allez suis-moi, Mimi va nous trouver le chemin.

Elle avait essayé d'être rassurante, mais avec son regard toujours aussi dur, le message était peut-être mal passé. Alors qu'elle s'était aussitôt mise en marche, suivant le chemin affiché sur l'écran du Motismart qui s'était remis à flotter à côté d'elle, ce dernier la regardait d'un air sévère. L'adolescente, après un long soupir et quelques pas, fini par ajouter:

— Désolée d'avoir été si sèche. Avec tout ce qu'il s'est passé ici ces dernières années j'oublie qu'il y a encore des gens qui découvrent le monde à leur rythme.

Tout en continuant sa route, elle tourna la tête vers le Dresseur en herbe, le jaugeant de haut en bas;

— Ça va pas être facile une carrière de Dresseur à Maïlys. J'espère que t'es prêt à t'accrocher et à devenir plus fort. Malheureusement, tu vas en avoir besoin.

Bien sûr, elle ne disait pas ça pour se moquer de lui. Même s'il lui arrivait d'être cynique ou acerbe, elle ne se le serait pas permise. Elle était sincère, presque inquiète, de voir quelqu'un d'aussi pur et naïf entreprendre un voyage initiatique sur cette île qui n'avait de paradisiaque que son apparence. Avec sa gentillesse, elle espérait aussi qu'il ne soit pas assez bête pour se laisser embobiner, ni par le STERN, ni par Abyss. Bien d'autres personnes un peu trop candides étaient déjà tombées dans leurs griffes.

— Oui, à l'école j'ai eu des cours sur l'Histoire de Maïlys. Je suis originaire de Kanto, je n'ai pas vécu ce que tu as vécu.

L'Histoire de Maïlys... Son histoire récente, d'ailleurs. Elle devait sans doute être passionnante, pour quelqu'un qui avait eu le luxe de ne pas la vivre directement.

Lucie n'avait pas toujours été aussi acerbe, aussi encline à regarder les gens de hauts. Ce n'était pas par égo, ni narcissisme, mais simplement pour repousser les autres. Elle avait eu des amis, pas tous de la même classe sociale qu'elle, ni même bien cultivés pour certains... mais elle tenait à eux plus que tout. Elle avait connu la douleur de perdre son univers tout entier, et refusait de risquer de passer par là de nouveau.

Bien sûr, elle n'avait jamais été très sociable. Elle a toujours été très bourrue, très peu polie, sans aucun tact. Mais parfois, ce côté d'elle plus ouverte, un peu plus amicale, avait tendance à ressortir.

— Snotigol et moi avons déjà dû faire face à des choses pas faciles en grandissant ensemble. Et maintenant, on a aussi Jananda, Temiel, et peut-être d'autres amis bientôt. On est prêts, pas vrai Snoti?

— J'te le souhaite.

Mais le Dresseur était déjà de nouveau en train d'être complètement gaga de son Pokémon, elle n'était même pas certaine qu'il l'ait entendue. Elle souffla du nez, amusée par ce spectacle. Alors qu'elle croquait une dernière bouchée dans son burger, elle tendit d'ailleurs la fin au Tadmorv pour qu'il se serve.

— Tiens, cadeau.

Il ne restait vraiment pas grand chose, mais elle n'avait plus faim, et avait bien vu qu'il guettait les miettes depuis le début de la conversation. Elle n'espérait pas se faire pardonner de son comportement jusqu'alors, elle avait simplement un meilleur feeling avec les Pokémons qu'avec les gens... en général en tout cas.

Alors qu'ils se remettaient en route, Timélias, décidément un peu curieux, poursuivit la conversation:

— Et toi, ça fait combien de temps que tu connais Mimi et Glitch?

— Glitch, depuis que je suis petite, Mimi un peu moins. Ce sont mes parents qui me les ont offerts.

Elle sembla hésiter un instant, avant d'ajouter:

— J'ai aussi une autre amie, là dedans, dit-elle en relevant légèrement le côté de sa veste en cuir pour montrer clairement la Pokéball à sa ceinture. Je la connais depuis encore plus longtemps. Mais elle se repose, là, je préfère pas la déranger tant que c'est pas nécessaire.

Une autre raison pour laquelle Arsène profitait de son week-end, c'étaient ses blessures. Si elles pouvaient sembler légères, en apparence, n'ayant surtout qu'une nageoire lacérée, la pauvre avait tendance à vite se fatiguer lorsqu'elle fournissait trop d'efforts. Ce week-end, elle s'était battue aux côtés de son amie pour donner une bonne leçon à quelqu'un de peu recommendable, et elle se remettait encore à son rythme de cet affrontement.