Entre modernité et réparations [Idyia]

Maya Sakana. Ou Anaïs? A vrai dire, peu importait comment elle s'appelait, Lucie était bien placée pour connaître l'importance d'avoir plusieurs identités, surtout lorsque l'on commençait à avoir des liens, amicaux ou hostiles, avec certaines organisations.

Son ordinateur ouvert, elle sirotait tranquillement un bon chocolat chaud en examinant avec soin les informations qu'elle avait pu rassembler. Sans qu'elle ne comprenne pourquoi, cette personne, cette jeune femme, semblait être une véritable VIP aux yeux d'Abyss. Elle était citée dans plusieurs rapports, quelques échanges, dont certains avec des hauts gradés. C'était comme si, d'une façon où d'une autre, ils cherchaient à l'atteindre sans attirer l'attention.

Manque de chance, ils avaient attiré l'attention d'Idyia. Si elle avait été entièrement à leurs côtés, elle n'aurait pas manqué de leur apprendre la discrétion.

La cible était une soldate du STERN, ancienne membre de la Team Némésis... Tout pour plaire, décidément. Toutefois, rien ne semblait indiquer ce qu'Abyss lui voulait. C'était une Dresseuse de niveau assez moyen, sans compétence particulière, en tout cas à première vue. Était-elle une informatrice au cœur de la base ennemie? Était-elle une cible privilégiée pour frapper au cœur du STERN? Si oui, quels étaient ses liens précis avec l'organisation? Comment une simple soldate pouvait-elle avoir une telle importance? Courrait-elle le moindre danger?

Ou bien, était-elle le danger? Représentait-elle un risque quelconque pour les opérations d'Abyss, pour l'éveil des pouvoirs d'Onyin, et le retour en arrière qu'on lui avait promis?

C'étaient bien trop de questions pour quelqu'un qui avait adopté le nom d'une divinité de la connaissance. Cette légendaire Alakazam auraient bien honte d'elle, si elle la voyait ainsi arborer son masque sans aucune réponse. Il était temps d'en obtenir.

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Lucie s'était levée aux aurores. Aujourd'hui, elle avait toute l'île à traverser pour se rendre à New Lakit. Quel enfer. Elle n'aurait pas pu visiter des appartements à Avalaville? Quoi qu'il en soit, elle s'était arrangée pour que la visite précédent la jeune femme soit... introuvable dans les dossiers de l'agence. Quel dommage. Mais il fallait au moins ça pour s'assurer qu'elle reste en ville assez longtemps pour l'y rejoindre.
Sans ça, elle devrait de nouveau traquer les traces de sa présence sur l'île jusqu'à trouver un nouveau point où l'interception était possible.

Fraichement débarquée en ville, l'adolescente remis la sacoche de son ordinateur portable sur son dos, avant de s'aventurer dans ses rues, guidée par son cher Motismart vers le fameux appartement. Mais une fois sur place... personne. Un discret coup d'œil par la fenêtre de la part de son Porygon indiquait que l'habitante avait déjà quitté sa nouvelle habitation.

— Je crois qu'elle est partie se balader, signala le Motismart en se doutant toutefois très bien que son amie avait bien compris le message de Glitch.

— Fais chier, marmonna l'espionne. Mimi, tu crois que tu peux la trouver? Elle doit pas être loin.

Sans attendre de réponse, Lucie commença à son tour à déambuler dans les rues verdoyantes de New Lakit, alors que son Motismart prenait de la hauteur pour observer et scanner la zone. Assez vite, il finit par repérer la chevelure rouge assez peu discrète -quoi que son amie serait mal placée pour juger- de celle qu'ils recherchaient. Il redescendit aussitôt pour prévenir l'adolescente, qui pressa le pas pour la rejoindre.

Elle n'était pas très loin, et, étrangement, semblait aussi perdue qu'eux. Constatant cela, Lucie sauta sur l'occasion pour l'aborder intuitivement:

— Salut! lui lança-t-elle. T'as l'air un peu perdue, je peux te donner un coup de main?

La jeune fille était bien sûr dans sa tenue civile. Jean épais, chaussures en toiles et son habituelle veste en cuir sur le dos, elle portait aussi les lunettes teintées qui dissimulaient un peu sa profonde cicatrice et son œil aveugle. Elle était suivie de son Motismart, qui arborait aujourd'hui une coque aux couleurs assez psychédéliques, et de Glitch, un Porygon-Z de très petite taille, qui de temps en temps était pris de hoquets qui faisaient sauter son image, comme soudain pris de bugs visuels en pleine réalité.

Un groupe pour le moins atypique, donc, mais pour le moment rien qui ne pouvait laisser soupçonner que cette étudiante serviable ne représente une quelconque menace.

Lucie sentit son regard insistant posé sur elle, à la moindre réponse. Elle avait pris l'habitude d'être ainsi dévisagée -elle avait ses lunettes pour exactement cette raison, d'ailleurs- mais c'était toujours assez désagréable. Heureusement, la Dresseuse s'en rendit vite compte d'elle même et s'excusa, ce à quoi l'adolescente répondit d'un simplement haussement des épaules. Finalement, peu lui importait, et elle n'était pas là pour faire des histoires: elle avait besoin de renseignements sur cette fille.

— En fait... expliqua-t-elle d'ailleurs en tendant le poignet pour montrer la Pokémon qui y était rattachée. c'est un souvenir qui me vient de ma région natale, mais... il se fait un peu ancien, et je n'arrive plus à l'allumer depuis aujourd'hui. Comme je connais mal l'endroit, je recherche un réparateur... en marchant au hasard. Mais je ne penses pas qu'elle puisse fonctionner à nouveau, en vérité...

L'adolescente eut l'air plus que surprise en voyant l'outil à son poignet. Elle s'était d'ailleurs exclamé un "Ouah!" un peu incontrôlé. Une Pokémontre? Elle ne pensait même pas que des gens en portaient encore. La technologie évoluait vite, et ce qui était autrefois un petit bijou dans le domaine de l'assistance aux Dresseurs était bien vite devenu une antiquité.

Si c'était un souvenir de sa région natale, elle venait probablement de Sinnoh, où ces montres avaient été inventées et s'étaient le plus popularisé.

— C'est une jolie équipe que vous avez là, je trouve! dit-elle ensuite, sortant bien vite la nerd de ses pensées.

— Oh, merci, répondit-elle simplement, alors que Glitch, de son côté, avait un grand sourire dans le regard. Ça fait un sacré bail que j'ai pas vu de Pokémontre, avoua-t-elle ensuite. J'en ai bidouillé quelques unes quand j'étais petite, je peux peut-être t'aider à la remettre sur pieds.

Finalement, son problème tombait à point nommé. Que le problème soit mécanique ou logiciel, Lucie avait tous les outils en main pour l'aider à le régler... et en profiter pour poser des petits programmes-espion dans sa montre. Ainsi, elle pourrait non seulement passer par la case interrogatoire, aussi discrètement que possible, mais aussi vérifier ses nouvelles informations à la source. Si cette Maya était en danger, ou représentait au contraire le moindre danger pour eux, elle le saurait bien assez tôt, pour pouvoir agir en conséquent.

Dans le premier cas, elle prendrait soin de la prévenir, afin qu'elle prenne des mesures pour se protéger. Dans le second... à vrai dire, elle semblait pour le moment bien trop simplette pour que Lucie ne puisse penser à cette option une seule seconde.

La milicienne avait immédiatement accepté son aide, sans trop se poser de question. Heureusement qu'elle n'était pas méfiante, ou Lucie aurait peut-être eu plus de mal à obtenir son approbation. Peut-être n'était-elle pas au courant qu'Abyss l'avait dans le colimateur? Savait-elle seulement qu'elle était fichée dans leurs dossiers?

— Ce serait très gentil de votre part! s'était-elle exclamée. A vrai dire, je ne pensais pas pouvoir tomber sur quelqu'un capable de la réparer si vite! Comme je n'y connais rien...

Puis, elle défit la montre à son poignet pour la tendre à sa sauveuse. Décidément, si Idyia avait su que l'espionnage était quelque chose de si simple, elle aurait peut-être décidé d'en faire une vraie carrière. L'adolescente examina d'abord l'objet, qui refusait purement et simplement de s'allumer. Pourtant, les batteries des Pokémon étaient connues pour se recharger d'elle-même, et l'appareil en lui-même consommait une quantité risible d'énergie, pas assez pour qu'elles puissent se décharger à cause d'une utilisation excessive, en tout cas.

Alors qu'elle réfléchissait déjà au composant qui pouvait être la cause de ce malfonctionnement, la dénommée Maya commença à lui poser quelques questions:

— Est-ce qe vous avez une boutique, ou un endroit d'où vous pouvez le réparer, peut-être? Et combien de temps est-ce qu'il vous faut? Peut-être que je dois la récupérer dans quelques jours? Et ne vous inquiétez surtout pas, j'ai de quoi payer!

Lucie leva les yeux derrière ses lunettes teintées, mais le seul mouvement visible fut celui du sourcil qu'elle haussa. Elles venaient de se rencontrer, pourtant, l'espionne ne comprenait déjà pas comment cette fille avait attiré l'attention de l'organisation qu'elle... soutenait, si l'on pouvait dire.

— Excusez-moi... je m'appelle Maya, merci de m'apporter votre aide. Puis, voyant le sourire dans les yeux de son Porygon, elle ajouta. C'est la première fois que je croise ce genre de Pokémon. Il est vraiment amusant.

— Ouais, Glitch est adorable, confirma-t-elle en se déridant un peu, allant jusqu'à afficher un sourire. Son Porygon-Z de compagnie était un peu sa faiblesse, et un moyen facile de lui arriver droit au cœur. Moi c'est Lucie, se présenta-t-elle à son tour. J'ai pas de boutique, je viens pas d'ici j'étais venue rendre visite à quelqu'un. J'étais sur le point de partir quand j'suis tombée sur toi, t'as sûrement un bon karma. Ah, et tu peux me tutoyer, si tu veux.

Elle finit par détacher son regard de l'appareil pour remonter ses lunettes sur son front, dévoilant ainsi la cicatrice qui rendait Maya si curieuse. De toute façon, elle y verrait mieux sans ces verres sombres devant le regard, si elle devait s'occuper de réparer cette montre.

— Enfin, on peut quand même se poser quelque part ce sera plus simple. Mimi, cherche nous un parc ou une place où on pourrait s'asseoir, histoire qu'on reste pas plantées comme des piquets au milieu de la rue.

Bien vite, le Motismart s'exécuta, trouvant aussitôt une petite place à deux rues de là où elles étaient.

— Localisation trouvée, lança-t-il. Je t'affiche le chemin.

La carte s'afficha à l'écran du téléphone flottant, et, par habitude, Lucie se mit à le suivre sans vraiment attendre ou même demander à Maya ce qu'elle en pensait, gardant l'œil sur la Pokémontre, toujours en train de réfléchir à la cause du problème. Si elle ne parvenait pas à la remettre en marche, il lui serait bien plus difficile d'accéder aux informations dont elle avait besoin. Alors, au cas où, elle revint tout de même au plan A, et leva les yeux vers Maya pour entamer la discussion:

— Toi non plus tu viens pas d'ici, alors? demanda-t-elle le plus banalement du monde. Ou alors c'est juste un coin de la ville que t'as pas l'habitude de visiter?

Alors qu'elles s'étaient mises en route, la milicienne sembla presque fascinée par Mimi, le Motismart.

— J'avais entendu parler de ces technologies... ça a l'air formidable et pratique! Même si je suis trop habituée à ma montre pour changer!

Entendu parler seulement? Il était vrai que les Motismart étaient un peu moins répandus à Maïlys qu'ils pouvaient l'être ailleurs, où tout le monde en avait un dans la poche... mais n'avait pas l'impression que ce genre d'appareil était si rare que ça.

— Non... répondit-elle ensuite à sa question. Enfin, j'ai passé une grande partie de ma vie à Sinnoh, et ça fait quelques temps que je suis ici... même si avec tous les évènements, j'ai l'impression que ça fait une éternité!

C'était donc Sinnoh, le trou paumé. Du moins, ce fut la conclusion de Lucie lorsqu'elle imbriqua les différents éléments de la discussion entre eux, même si cela l'étonnait de la part d'une région qui avait autrefois été un pionnier d'avancées technologiques en matière de communication. Peut-être étaient-ils simplement trop attachés à leurs productions locales pour accepter celles venues d'ailleurs? Ou alors, le soucis était encore ailleurs.

— Je suis déjà venue à New Lakit, poursuivit-elle, mais j'étais venue pour défier la Championne, et je suis repartie juste après! Et comme ma Pokémontre ne m'avait jamais lâchée avant... et toi, tu es originaire de l'île?

— J'y vis depuis que je suis petite, se contenta-t-elle de répondre.

Pas besoin de passer par la case de l'origine, ni de l'adoption. Ça n'était ni intéressant, ni vraiment nécessaire à dévoiler. A vrai dire, elle comptait en raconter le moins possible, même si elle s'abstiendrait de mentir à son propre sujet pour ne pas commencer à éveiller des soupçons inutiles.

— Mais j'ai toujours habité à Mégapago, continua-t-elle. Et depuis quelques mois je fais mes études à Bordeciel. Alors je connais pas trop Lakit non plus, enfin pas dans le détail. Heureusement que j'ai Mimi et sa map.

Elles arrivèrent d'ailleurs bien vite sur la place que le Motismart avait trouvée, et Lucie ne perdit pas de temps pour repérer un banc libre et s'y installer pour examiner la monde, sans même prendre le temps de vraiment regarder à quoi ressemblaient les lieux.

C'était une petite place piétonne, avec quelques cafés dont les terrasses avaient visiblement pas mal de succès au vu du beau temps. Au milieu, une statue de Millobellus projettait de l'eau au dessus d'elle pour la faire retomber sur un petit miroir d'eau. L'endroit devait vraiment être agréable pour profiter d'un bel après-midi d'été... mais la hackeuse avait du travail, et n'avait rien d'autre en tête.

Elle s'était assise, et commença à vraiment examiner la montre. Heureusement, elle se baladait toujours avec une petite boîte à outils dans la sacoche de son ordinateur, comme une vieille habitude. Elle trouva l'emplacement des vis, et les retira pour les mettre bien à l'abri dans une case vide de sa petite boîte. Ses gestes étaient assurés, sans vraiment d'hésitation. Même si elle n'avait pas eu l'occasion de trafiquer tant de Pokémontres que ça, on pouvait tout de même aisément comprendre d'un œil extérieur qu'elle savait ce qu'elle faisait.

La montre ouverte, elle eut accès aux mécanismes, qu'elle observa d'un œil attentif. Les différents composants commençaient à se faire vieux, mais aucun ne semblait abîmé au moins de pouvoir empêcher la montre de s'allumer. Sauf peut-être...

— T'es une Dresseuse alors? finit-elle par demander pour lancer la discussion, et toujours à la recherche de la moindre information, alors qu'elle sortait une petite pince de sa boîte. Si t'es venue combattre la Championne, j'veux dire. Tu cherches les badges ou alors c'était un petit défi perso?

A l'aide de cette pince, elle attrapa délicatement un des fils à l'intérieur de la montre qui ne semblait pas à sa place. Si Maya menait possiblement une vie d'aventurière, cette pauvre montre, même si bâtie pour être adaptée aux Dresseurst en voyage, et donc très résistante, avait du être parfois un peu malmenée. Un câble semblait d'être délogé de sa prise, et Lucie venait de le remettre en place. Elle referma ensuite l'arrière de la montre, et essaya de l'allumer.

— Et voil-... oulà.

En effet, l'écran s'alluma bel et bien, mais l'affichage était... incompréhensible. Finalement, elle était tellement concentrée sur sa tâche qu'elle en avait presque oublié son but premier en réparant cette montre. Heureusement, ces bugs tombaient à pic, et lui donnaient une bonne excuse pour examiner la montre plus en profondeur.

— T'en fais pas, ça se règle aussi, la rassura-t-elle en riant. Je vais juste avoir besoin de mon ordi pour checker ça, annonça-t-elle alors qu'elle rangeait sa boîte à outils et sortait son laptop de sa pochette avant de le mettre en marche.