[Terminé] Entre plateau et falaise [Louis]

Le jour était levé depuis quelques heures déjà et sur un flanc de la montagne, une jeune femme progressait lentement le long d'une falaise abrupte. Ses cheveux coiffés en une natte, son ensemble péruvien sur le dos et son sac en bandoulière autour de l'épaule, Lucy, au-dessus du vide, rasait la falaise sur la fine corniche depuis plusieurs minutes déjà. Il devait sans doute y avoir un moyen plus civilisé d'atteindre le plateau, mais maintenant qu'elle était engagée, faire demi-tour était dangereux. La corniche ne devait pas faire plus de cinquante centimètres et le moindre faux-pas pourrait être fatal.
Un puissant coup de vent la força à se blottir d'avantage contre la roche et lui arracha un petit cri terrifié. Remise en route, elle constata que quelques mètres plus loin, la corniche devenait de plus en plus petite, jusqu'à finalement disparaître, forçant la jeune femme à renoncer à son escapade.
Lucy poussa un profond soupir. Elle s'était dit qu'en allant ainsi vers les zones montagneuses, elle pourrait découvrir de nouvelles espèces de Pokémons, mais n'avait encore rencontré aucun être vivant. Et maintenant elle allait devoir faire demi-tour ? Renoncer ? Sans rien avoir à rajouter à son encyclopédie ?

Elle saisit une de ses Pokéball et se jeta dans le vide :

— Ouranos !

Aussitôt, le Ptéra apparut et récupéra la jeune femme sur son dos, s'envolant vers l'endroit où elle se tenait quelques secondes auparavant :

— Suis le flanc de la montagne, doucement, on essaye de trouver un plateau ou une crevasse.

Le Pokémon battit des ailes tandis que la jeune fille scrutait le flanc de la falaise. Enfin, au bout de quelques secondes, ils finirent par arriver sur un plateau donnant directement à pic sur la vallée. Lucy le désigna à son Pokémon et celui-ci y atterrit. Après l'avoir remercié d'une légère caresse sur le bout du museau, elle le rappela dans sa Pokéball et commença à observer les alentours.
Il y avait un chemin qui semblait venir de plus bas, confirmant le fait qu'elle aurait pu arriver de manière plus classique. Plus loin, le plateau se dégageait sur une immense plaine herbeuse. Au loin, un chemin se dirigeait plus loin et plus haut dans les montagnes.

Décidant de faire une halte temporaire, elle s'assit en tailleur face au vide et commença à prendre des notes sur son carnet :

"... rien ne semble indiquer la présence d'une quelconque espèce vivante. Les conditions environnementales semblent pourtant extrêmement favorables au développement d'un écosystème complet. Serait-ce dû aux récentes éruptions volcaniques ?... "

Louis était fatigué. Il avait eu l'impression de devoir courir partout pour la Némésis et en plus, il s'était retrouvé avec de fausses informations, des blagues et autres idioties venant de ses "collègues". Sentant sa rage grimper sans qu'il puisse la mettre à contribution, l'adolescent avait opté pour une sortie en plein air, sans autre but que se détendre et profiter de la nature et de ses Pokémons.

Avant l'éruption, il avait pris l'habitude d'aller se réfugier dans les Hauts Monts, où il avait trouvé une grande prairie habitée par de nombreuses espèces Pokémons, et encore mieux, pas un seul humain n'était visible. Ce fut un véritable havre de paix pour Louis.

Après l'éruption, le climat instable et les projections de lave avaient forcé les différentes créatures à fuir et à se trouver un nouvel abri. Bien entendu, beaucoup étaient décédées dans cette quête.

Les choses étaient progressivement revenues à la normale et la nature avait reconquis son territoire, soignant la terre. En revanche, personne n'était revenu vivre là. La zone était devenue un véritable no man's land.

Pour Louis, ce plateau restait une zone symbolique à ses yeux, son havre de paix et de repos.
Assis dans l'herbe, il jouait avec Suojus, son Tiplouf, tandis qu'Épinie la Minidraco serpentait sur le sol, profitant de la caresse de l'herbe. Dacke, la Qulbutoké, trouvait la zone bien trop lumineuse et avait préféré rester à l'intérieur de sa Pokéball. Et enfin, Spic était interdit de sortir : vu son tempérament et son goût pour la douleur, le Funécire aurait vite fait de mettre feu à toute la prairie juste pour rigoler.

Épinie s'éloigna de son dresseur. Ni l'un ni l'autre ne se faisaient de souci : ils seraient capables de se retrouver quoi qu'il arrive. La Minidraco avança jusqu'à se retrouver face au postérieur d'une humaine. Celle-ci regardait l'horizon, lui tournant le dos. Par curiosité, la dragonne se leva sur sa queue, prenant assez de hauteur pour regarder ce que l'humaine faisait : elle écrivait. Épinie ne savait pas lire, mais elle connaissait cette activité et avait toujours été contemplative devant la danse du crayon sur le papier, formant des caractères que les autres pouvaient lire et comprendre.
C'était une forme de communication détaillée, profonde, mais également un Art. Et ça, c'était beau.

Continuant à noircir son carnet de notes quant à ses impressions, juxtaposant parfois les observations scientifiques et les jugements personnels, il ne fallut pas longtemps pour que la jeune étudiante ne sente une présence à ses côtés.
Elle se retourna et se retrouva nez à nez avec un Minidraco, espèce qu’elle mit un petit moment à reconnaître. C’était une espèce rare ! Que faisait-il ici ? Les Hauts Monts étaient-ils un endroit où on pouvait en trouver ?

— Salut toi ! Qu’est-ce que tu fais là ?

Refermant un moment son carnet pour ne pas avoir ses gestes entravés, elle commença à approcher sa main pour caresser le Pokémon. Les Minidracos étaient une espèce rare qui n’était pas connue pour son agressivité, au contraire, et elle avait bon espoir que le Pokémon ne montre que peu, voire aucune forme de peur ou de réaction imprévue.

Son regard se leva légèrement vers une figure humaine au loin. Connectant rapidement les liens et compte tenu de la probabilité de trouver un Minidraco en ces lieux, elle ne tarda pas à se diriger vers lui, agitant la main pour attirer son attention :

— Ohé ! Il est à vous le Minidraco ?

Épinie fut surprise lorsque la jeune femme tourna la tête vers elle : elle pensait pourtant avoir été discrète ! Mais ça, c'était ce qu'elle pensait et espérait secrètement. Malgré sa frustration, elle ne sentit aucune hostilité ou cupidité chez l'humaine et la laissa donc faire lorsqu'elle avança la main pour la caresser.

Le dragon baissa la tête en faisant un bruit guttural semblable à un ronronnement : ce n'était pas tous les jours qu'elle avait droit à l'attention d'une humaine, surtout aussi douce et bienveillante. Bien entendu, certaines collègues de Louis l'avaient bien approchée, mais celles-ci ne remplissaient aucun des deux critères cités précédemment.

Le regard de la jeune femme se porta sur la silhouette du Némésis, au loin. Il fallu peu de temps pour que la dresseuse se mette en route, guidée par le dragon serpentin. L'humain se retourna lorsqu'il se fit apostropher. Un instant, il fut surpris et sur la défensive : il n'avait pas vu cette personne et n'avait aucune idée de s'il s'agissait d'un ami ou d'un ennemi. La vision de sa Minidraco en liberté qui guidait cette inconnue le poussa à baisser sa garde et à se rassurer.

"En effet, elle s'appelle Épinie, et moi Louis. Et toi...?"

Pendant un instant, Louis le Némésis avait totalement disparu. De retour dans son environnement de repos, avec ses Pokémons et pas de mission, il était presque redevenu l'adolescent perdu et innocent qui était arrivé sur Mailys avec sa soeur jumelle.
Et puis après tout, pourquoi pas ? Pourquoi ne pas juste profiter de cette journée et se détendre ? C'était pas si dur que ça, en théorie. Le seul problème était que les réflexes avaient la vie dure.

Il finit néanmoins par se laisser aller lorsque Suojus se mit à courir à travers les herbes pour aller rejoindre Épinie. C'était avec elle qu'il s'entendait le mieux : Spic était trop bizarre avec ses délires masochistes, tandis que Dacke lui faisait froid dans le dos. C'était donc le Minidraco qui faisait office de maman.
Les deux Pokémons commencèrent à jouer en tournant autour des jambes de la belle inconnue.

Tout le monde était détendu, c'était une belle journée.

Le petit Pokémon se laissa caresser la tête sans protester, laissant la jeune fille conclure qu’il devait avoir été soit éduqué soit n’avait jamais rencontré d’humains – ou très peu. Peu après, la Minidraco la mena à la personne qu’elle avait remarqué au loin ; à première vue un jeune homme sans histoire, qui semblait profiter du beau temps et de la sérénité de l’endroit.

Intéressée par ce qu’un dresseur possédant un spécimen aussi rare, Lucy apprit le nom du Pokémon et du dresseur, ce à quoi, une fois arrivée aux côtés du dresseur, elle répondit en s’asseyant :

— Je m’appelle Lucy.

Comme pour se trouver des points communs avec le dresseur aux côtés duquel elle s’était assise et l’encourager à lui parler de ses Pokémons, elle relâcha Aegir, son Kabuto, qui, préférant les endroits plus aquatiques, agita ses petites griffes pour grimper sur le dos de la dresseuse jusque sur son épaule :

— Et lui c’est Aegir.

Elle tendit un pokébloc au Pokémon sur son épaule qui, le prenant entre deux griffes, se mit à le grignoter tranquillement, tandis que Lucy se retournait vers le jeune homme :

— Que fais-tu ici ? Tu cherches des Pokémons aussi ?

Les deux jeunes gens finirent assis côte à côte, le Minidraco et le Tiplouf tournant autour d'eux. Lorsque le Kabuto fut libéré, Suojus s'arrêta net pour le regarder avec de grands yeux ronds. C'était la première fois qu'il voyait un Pokémon de cette espèce. Par curiosité, il commença à grimper sur les genoux de la jeune femme pour atteindre le petit Pokémon à carapace.

Louis l'attrapa et le prit contre lui avant qu'il ne fasse de bêtises ou ne gêne la demoiselle.

"Désolé pour Suojus, il est tout jeune et très curieux..."

Depuis les bras de Louis, le Tiplouf ne quitta pas des yeux le Kabuto. Épinie vient se mêler de l'histoire en donnant des petits coups de museau sur le bras de son dresseur qui libéra le nouveau-né. Les deux partirent s'amuser un peu plus loin, laissant les deux humains ensemble avec le fossile.

"Non, je suis juste là pour me reposer et me déconnecter un peu du reste. En plus, on ne trouve plus aucun Pokémon ici, et ce depuis l'éruption. Ils sont tous morts ou on prit la fuite, sans revenir. Peut-être qu'un jour, ils reviendront habiter ce plateau ?" termina-t-il à voix basse, songeur.
Il secoua la tête et continua :

"Et toi ? Tu étais venue chercher des Pokémons à capturer ?"

Il se tourna vers la jeune femme, la regardant avec plus d'attention. Elle était vraiment jolie, avec ses cheveux blancs. En général, ce sont les personnes âgées qui ont les cheveux blancs, ou bien les consanguins passionnés de dragons et de feu, mais elle ne semblait appartenir à aucune des deux catégories.
A vue de nez, elle devait avoir l'âge de Louis. Ou un peu plus. Ou un peu moins. En fait, il était incapable de faire une estimation, à part "au maximum deux ans d'écart". Tout comme Épinie, il appréciait la compagnie d'une fille "de son âge" et qui n'ait pas une passion pour les crimes ou la baston. Donc, ni ses collègues, ni Axelle.

Alors que ses pensées divaguèrent vers cette dernière, Louis sentit une bouffée de colère et de rage l'envahir. Refusant de se laisser aller à ces sentiments négatifs, il se laissa tomber en arrière, sur l'herbe, les yeux fermés. De l'extérieur, il donnait simplement l'impression de se reposer et de profiter de la nature.

Avant même que le garçon n’ait pu répondre, un petit Pokémon – un Tiplouf – avait commencé à grimper sur Lucy pour voir de plus près le Kabuto qui restait concentré sur son Pokébloc. Louis le reprit et l’éloigna en s’excusant, ce à quoi Lucy esquissa un sourire faisant comprendre que ce n’était pas grave.

Peu après que le Tiplouf ne soit reparti s’amuser aux côté du Minidraco, le garçon évoqua ce qu’il s’était passé ici, ce qui ne manqua pas d’attrister sincèrement la jeune femme qui, d’un regard circulaire, observa les alentours ; la prairie semblait pourtant si calme et paisible. Aucun Pokémon n’y était revenu ? Ils avaient fui devant la colère du volcan ?

Louis finit cependant sur une petite note laissant supposer qu’il gardait l’espoir qu’un jour, cet endroit serait à nouveau habité par les Pokémons sauvages, ce qui arracha un demi-sourire à la jeune femme. Le garçon semblait assez jeune, plus jeune qu’elle, mais il ne fallait pas longtemps pour comprendre qu’il avait assez maturé et n’était pas de ces gamins insouciants qui lâchaient tout sur un coup de tête pour parcourir le monde et revenaient trois jours plus tard à la maison pour faire laver leur linge sale.

La question la sortit de ses réflexions silencieuses :

— Je… pas vraiment forcément capturer, non, commença-t-elle gênée.

Elle laissa un temps pendant lequel Aegir, son Pokébloc fini, redescendit sur ses hanches et commença à gratter l’herbe pour se réhabituer à son contact et commença à s’agiter autour du duo.

— Je suis étudiante. Je cherche plutôt des Pokémons pour étudier leurs comportements et comment ils s’adaptent à leur milieu. Comme lui par exemple.

Aegir, qui avait commencé par timidement apposer une patte après l’autre, trottinait désormais plus gaiment autour d’eux.

— Au début, il n’aimait pas les endroits trop secs. Et puis, de fil en aiguille, il a fini par s’habituer, par s’adapter à son nouvel environnement. Bon, il est toujours un peu réticent pour faire les premiers pas, mais maintenant, il s’amuse comme un petit fou.

Comme pour appuyer ses dires, le Kabuto s’était arrêté devant eux, les observa un moment, et, après un bref « Kabu ! », retourna courir dans l’herbe.

— Tu as toi aussi un jeune Pokémon. Comment est-ce qu’il s’adapte à son environnement ? demanda-t-elle en tombant en appui sur ses bras sans quitter Aegir des yeux.

Lucy posait souvent ce genre de questions aux dresseurs qu’elle rencontrait afin d’avoir plusieurs vision de l’éducation et du dressage des Pokémons. Elle savait qu’elle élevait les siens à sa manière et que sa méthode comportait des hauts et des bas, mais était toujours curieuse d’entendre d’autres avis.

Le sourire de la jeune femme fit doucement rosir les joues de Louis mais il n'en perdit pas ses moyens et continua à se concentrer sur leur conversation. Il n'était pas le genre d'adolescent à perdre l'usage de son cerveau lorsqu'il avait l'attention d'une fille. Enfin, il n'était plus ce type d'ado. Un ou deux ans plus tôt, rien que le fait de discuter avec une personne du sexe opposé et d'être aussi proche physiquement l'aurait mis dans l'embarras. Le jeune homme avait bien changé durant son voyage. Pas que en bien, malheureusement.

Lucy sembla légèrement mal à l'aise par la question que Louis lui avait posé. Celui-ci leva un sourcil interrogateur devant cette réaction mais ne dit rien, la laissant continuer, tandis que lui-même laissait derrière lui ses pensées personnelles. Elle avoua être étudiante et passionnée par l'adaptation des Pokémons à leur milieu, prenant l'exemple de son Kabuto qui venait de descendre dans l'herbe.
Une réflexion traversa l'esprit de Louis : elle avait dit être étudiante, ce qui sous-entendait qu'elle avait déjà un certain nombre d'années d'études derrière elle, et potentiellement des diplômes. Vu son âge, elle devait être surdouée ! L'admiration de Louis grandissait de plus en plus. Même s'il avait très à l'aise à l'école, son manque d'aisance sociale, sa timidité et sa froussardise l'avaient empêché de sauter des classes et de potentiellement avancer plus rapidement dans ses études.

La dernière question de Lucy le prit totalement au dépourvu. Comment est-ce que Suojus s'adaptait à son environnement ?

"Je... euh..." commença-t-il. Il se redressa et secoua la tête, se mettant à réfléchir.
"Et bien, c'est un Pokémon Eau, mais il est très à l'aise sur la terre ferme, probablement du fait de sa forme bipède. Pour le coup, il n'a pas de problème avait les environnements secs, peut-être parce qu'il est né en appartement ?" il s'arrêta un instant, songeur.
"Il adore prendre des bains, mais jusqu'à présent, je n'ai pas eu l'occasion de lui faire profiter de la mer ou même d'une étendue d'eau plus importante qu'une baignoire..."
Instant de silence. Il serait bien qu'il commence à l'y habituer : après tout, un Pokémon Eau qui n'allait jamais dans l'eau pourrait avoir des difficultés pour nager, non ?

Un souvenir traversa l'esprit de l'adolescent.
"Il me semble que son évolution finale est de type Acier ! C'est peut-être en partie pour ça qu'il est à l'aise hors de l'eau et dans des environnements secs ?" demanda-t-il.
Lucy semblait connaître beaucoup de choses, surtout dans ce domaine, elle pourrait sûrement confirmer ou infirmer ses propos.

La question de Lucy semblait avoir désarçonné le jeune homme. Peut-être en demandait-elle trop. Après tout, peut-être ce Tiplouf n’était-il qu’un compagnon et Louis ne s’était jamais posé la question de savoir comment il s’adaptait à son environnement.
Néanmoins, sa réponse incluait des termes et des observations presque techniques qui eurent même le mérite de se faire se demander un instant à la dresseuse si ce garçon n’en savait pas plus qu’il n’aurait voulu laisser voir.
Lucy observa un instant le Tiplouf : élevé en appartement, il n’avait connu que la baignoire comme étendue d’eau. C’était déjà mieux que rien et, à première vue, ce Pokémon semblait plus à l’aise sur la terre ferme qu’Aegir.
Louis finit ses observations en montrant qu’il connaissait l’évolution finale de son Pokémon, un détail qui acéra l’attention de la jeune femme :

— C’est un Pokémon eau qui semble assez à l’aise pour nager, observa-t-elle. Il ne devrait pas avoir de problème normalement, même si la baignoire est tout ce qu’il connait. Une fois arrivé dans un lac ou à la mer, son instinct devrait reprendre le dessus et je ne pense pas qu’il puisse décemment se noyer. Il sera peut-être hésitant car surpris par les vagues et l’aspect salin de l’eau, mais ce premier contact passé, il devrait s’y sentir plutôt à l’aise. Quant à son double-type…

Elle resta un moment pensive. Qu’est-ce qui avait pu pousser les anciens Tiploufs à devoir obtenir le type acier ?

— Je… n’ai pas vraiment d’explication, avoua-t-elle. Oui, ça et son aspect bipède pourraient expliquer son aisance sur la terre ferme mais le type acier n’est apparu que récemment à l’échelle du monde. Les anciens Pokémons avec ce type sont très rares. Je pense donc qu’il aura fallu qu’il s’endurcisse au vu des prédateurs présents ou pour attraper des proies plus coriaces ; les Sharpedos se laissent moins bien faire que les Magicarpes.

Alors qu’elle s’était redressée pour penser à voix haute, elle sentit sa Pokéball s’agiter. Elle la saisit et l’enclencha, libérant Ouranos qui, après un puissant cri, frappa l’air de ses ailes et s’envola. Quelques secondes plus tard, il était bien haut dans le ciel, faisant occasionnellement résonner son cri au-dessus des Hauts Monts.

— Les double types sont souvent très intéressants. C’est fascinant de se demander comment ils en sont arrivés à l’obtenir. Qu’est-ce qui a poussé leurs ancêtres à évolué de la sorte…

Lucy resta rêveuse à observer son Pokémon Vol et Roche : Ouranos, le dieu du ciel. Oui, il l’avait été à une époque. Mais désormais, il devait faire attention à ne pas tomber sur plus coriace que lui et sa dresseuse gardait un œil sur lui lorsqu’il s’éloignait un peu trop ; ce serait dommage de tomber sur un Drattak ou un Dracaufeu…

Lucy était confiante sur les capacités du Tiplouf à s'adapter dans l'eau : après tout, ça restait le milieu naturel de ce Pokémon. Un léger temps d'adaptation et tout devrait bien se passer pour le bébé pingouin. En revanche, la remarque sur le double type la laissa bien plus hésitante : mais c'était surtout parce qu'elle s'interrogeait sur ce qui avait poussé la famille des Tiplouf à adopter ce type Acier. Tout se que Louis savait, c'était que Tiplouf était de type Eau et Pingoléon de type Eau/Acier. Au milieu, il n'en savait rien. La dernière remarque de la jeune fille sur les Sharpedos et les Magicarpes tira un sourire à Louis.

Son sourire se transforma rapidement en étonnement lorsqu'il vit Lucy libérer un autre Pokémon : un volatile immense qui prit son envol et partit survoler la région. Louis chercha dans ses souvenirs pour retrouver le nom du Pokémon en question. Il savait qu'il l'avait déjà vu à l'école, dans ses cours d'histoire, mais il ne parvenait pas en retrouver le nom. Tant pis.

La conversation sembla s'épuiser : Louis n'avait pas les connaissances pour tenir un débat scientifique aussi développé. Néanmoins, il eut une idée.

"J'ai également un Funécire, de type Spectre et Feu. C'est un Pokémon qui m'a toujours intrigué et que j'ai eu un peu de mal à cerner, il a un comportement quelque peu..."

Il s'interrompit un instant. Il fallait le dire, Spic était carrément masochiste. Louis avait d'ailleurs mis un moment avant de découvrir que son talent n'était pas Torche, mais Infiltration. Le Funécire avait eu l'habitude de baigner dans ses propres flammes, ce qui avait provoqué cette confusion, mais en réalité, c'était juste dans le but d'avoir mal. Un tel comportement n'avait aucun sens pour Louis, mais son Pokémon aimait se battre et également faire du mal, ce qui allait très bien avec les activités illégales du jeune homme.

"Enfin, bref. J'ai entendu beaucoup de choses sur les Spectres, mais je n'ai jamais vraiment su d'où ils venaient. Est-ce que se sont des Pokémons décédés ? Qu'est-ce qui fait que certains deviennent des Spectres et d'autres non ? Pourquoi telle ou telle espèce ? Je suppose que c'est une sorte d'adaptation à la mort...?"

Avec cette dernière phrase, il espérait piquer la curiosité de la jeune demoiselle. Après tout, il s'agissait d'une branche de son domaine de recherche. Enfin, c'était un peu capillotracté.

Le garçon attira son attention avec l’évocation de son Funécire. Lucy ne connaissait pas ce Pokémon, et la manière dont Louis en parlait laisser deviner un comportement assez atypique.
Il lui confia ensuite sa confusion à propos des Pokémons de type spectre, ce à quoi Lucy répondit en dodelinant la tête, comme pour montrer son manque d’assurance dans le domaine. Les Spectres n’étaient pas son domaine d’expertise et elle avait souvent fait l’impasse lorsqu’il s’agissait de réviser leur sujet.

— Les Pokémons Spectre ont longtemps été vu comme mauvais présage et plusieurs écoles s’affrontent pour dire comment ils en sont venus à exister. Certains disent qu’en effet, un Pokémon spectre naît lorsqu’un Pokémon non-spectre décède, mais cette vision a ses limites puisqu’il n’existe que très très peu de Pokémons Spectre qui semblent garder des souvenirs d’une éventuelle vie antérieure.

Aegir avait fini de galoper autour d’eux et, épuisé, revint se poser sur les genoux de sa dresseuse.

— D’autres pensent que le type spectre s’obtient lorsqu’un… esprit ou une âme, le terme n’est pas clair, hante un objet ou une autre entité. Certains pensent que certains Pokémons obtiennent le type après un violent choc émotionnel ou psychique qui le leur confère.

Elle s’était arrêtée un moment, caressant rêveusement son Kabuto. Elle reprit la parole presque soudainement, avec un éclat de rire dans la voix :

— Enfin, comme tu peux le voir, les Pokémons – et les Spectres en particulier – ont encore beaucoup à nous apprendre !

Elle s’allongea dans l’herbe à son tour, suivant des yeux la silhouette de son Ptéra se détachant sur le ciel bleu.

— Est-ce que tu avais déjà vu des Pokémons comme ceux-là ? demanda-t-elle presque soudainement après un temps. Comme mon Ptéra ou mon Kabuto ?

Elle se doutait que l’île devait renfermer des fossiles, elle en était même certaine, mais elle ignorait si Maïlys possédait la technologie pour les ramener à la vie. Elle avait dû ranimer son Kranidos avec les moyens du bord, mais se demandait si ce genre de Pokémons préhistoriques étaient communs sur l’île.

Oh, visiblement Lucy était bien moins confiante quand il s'agissait des spectres. Intéressant. Malgré ça, elle savait beaucoup de choses et Louis l'écouta attentivement. La première hypothèse qu'elle présenta était celle qu'il connaissait, comme quoi il s'agissait d'une sorte de réincarnation. Mais comme Lucy le disait, peu de spectres avaient des souvenirs. Et puis, il semblait évident que tous ne se réincarnaient pas. Alors qu'est-ce qui faisait que c'était le cas de certains ou non ?

La discussion devint soudainement trop technique pour Louis : il avait du mal à voir la différence entre la réincarnation et la hantise. Enfin, il fallait bien que cet esprit, ou cette âme vienne de quelque part, non ? Et si ce n'était pas d'un autre Pokémon, alors quoi ? La subtilité échappait complètement à l'adolescent qui laissa tomber : certaines choses resteraient mystérieuses à tout jamais.

Il eut néanmoins un sourire et hocha de la tête lorsque la jeune fille s'exclama avec enthousiasme qu'ils avaient encore beaucoup à apprendre : c'était indéniable. De plus, il devait probablement exister des espèces de Pokémons qu'ils n'avaient encore jamais vues et qui cachaient encore de nombreux secrets.

Il fut tiré de ses pensées par la question de la demoiselle aux cheveux blancs. D'ailleurs, cela lui permit de retrouver le nom de volatile préhistorique : Ptéra. Il se gratta la joue en réfléchissant.

"Des fossiles, hein ? Alors, il me semble que Lezteik, le Maître de la Ligue en a un. Un fossile Glace, du coup. J'ai cru entendre dire qu'il avait eu ici, sur Maïlys."

Il s'interrompit, plongé dans ses souvenirs. Il manquait quelque chose... Ah !

"Ah oui ! J'ai aussi vu un ... un pokémon à quatre pattes avec une tête rectangulaire. Je l'ai déjà vu dans mes livres d'histoire, mais je n'arrive pas à me souvenir du nom. D'ailleurs, je l'avais vu ici, avant que le plateau ne soit déserté..." finit-il, laissant sa voix mourir.

Il se laissa aller en arrière une nouvelle fois. Quelle tristesse.

Traversé par une idée saugrenue, il se redressa.

"Ca te dirait un p'tit combat ? Mon Tiplouf contre un de tes Pokémons ? Enfin... s'ils ne sont pas trop puissants..."

Louis venait juste de réaliser qu'il n'avait aucune idée de la puissance des Pokémons de Lucy, alors que Suojus était faible comme un nouveau-né.

Lezteik... Lezteik... Oui, elle avait peut-être entendu ce nom par le passé, mais sans particulièrement y faire attention. Le maître de la Ligue, hein ? Avec un fossile glace ? Lucy ne connaissait pas encore de fossiles qui correspondraient à la description, mais après tout, ce n'était pas aberrant ; il était possible par exemple que plutôt que la roche, un Pokémon préhistorique ait été piégé dans la glace et soit ainsi arrivé jusqu'à nos jours. Ce n'était peut-être pas un "fossile" au sens premier du terme, mais il s'agissait quand même d'un Pokémon ancien qui atterrirait dans un environnement inconnu.

Louis parla alors d'un autre Pokémon à tête rectangulaire. Cela semblait correspondre à la définition d'un Bastiodon, un Pokémon ancien en effet, de près de 150 kg. Elle n'en n'avait jamais vu et à la simple évocation de la présence d'un tel Pokémon sur l'endroit où elle  se tenait, les yeux de la jeune fille se mirent à briller et son pouls s'accéléra.

— Un Bastiodon... Ici... J'en ai déjà vu dans des manuels aussi, mais jamais en vrai. Et dire qu'ici, on trouve de ces spécimens à l'état sauvage, déjà vivants...

Elle prit une grande respiration et son visage afficha alors une moue presque déçue.

— Mais si tu dis qu'après l'éruption, cet endroit s'est déserté... pas sûr qu'on en revoie ici avant quelques temps.

Elle semblait temporairement abattu, mais la tristesse sur son visage laissa progressivement place à une certaine excitation :

— Mais au moins, ils sont vivants. Ailleurs, mais vivants. Cet endroit est vaste ! je viens seulement d'arriver et j'ai encore beaucoup à explorer. Mais si déjà des spécimens préhistoriques côtoient des Pokémons contemporains... ça sera l'occasion de faire une super étude !

Elle s'était redressée, toujours assise, mais un sourire aux lèvres et le vent dans les cheveux. Elle tourna soudain la tête à la demande de Louis pour un combat. Son Tiplouf ? Mais c'était un bébé non ? ... Après tout, ses propres Pokémons n'étaient pas très expérimentés. C'était même là l'occasion idéale de commencer à s'entraîner. Si elle voulait avoir accès aux sites spécialisés, elle allait devoir endurcir ses Pokémons et son mental. Elle leva vers yeux vers Ouranos, mais celui-ci s'était perché en haut d'un pic non loin et poussa un cri qui résonna dans le plateau : trop loin. Son regard se baissa alors vers son Kabuto à qui elle fit signe d'approcher.

— Ok. Aegir sera son adversaire. Il n'a pas encore beaucoup d'expérience non plus.

Le Kabuto se mit en position, face au Tiplouf, tandis que Lucy donnait ses premiers ordres :

— Aegir ! Armure ! Griffe !

La carapace du petit Pokémon se durcit d'avantage et, une fois fait, galopa vers son adversaires sur ses petites papattes pour le griffer !