Parasites, nuisibles et héros [Ronin]

GLEBBER – Ces employés ne sont pas responsables de ce qu'il se passe, laissez-les partir, ou cela ne fera qu'aggraver les choses, croyez-en mon expérience !

L'Avaltout semblait considérer les propos de Glebber. Les deux pauvres techniciens venus essayer de réparer les dégâts causés aux tuyauteries et tableaux électriques dans ce couloir lugubre d'une usine de New Esperantown, avaient eu le temps de signaler par talkie-walkie une infestation de Glouptis et de Tadmorvs, venus se loger ici non sans causer des nuisances aussi bien matérielles que sanitaires, du fait de la gloutonnerie, de la puanteur et de la toxicité des Pokémons en présence. Quelques Rattatas et Moufouettes s'étaient mêlés à la petite tribu. Les deux techniciens, impuissants pour repousser l'infestation, ce qui était pourtant nécessaire pour qu'ils puissent faire leur travail de remise en état des installations, avaient été pris en otage par la petite tribu de Pokémons quand ces derniers les avaient entendus donner l'alerte.

Cette situation n'était pas sans rappeler à Glebber ce qu'il avait lui-même vécu. Les tensions grandissantes entre les Humains et sa tribu, avait amené à l'amenuisement de cette dernière alors même que ses congénères étaient devenus très agressifs envers tous les Humains qui avaient le malheur de tomber sur eux. Et malgré ce traumatisme, Glebber n'oublierait jamais non plus l'évènement qui lui avait valu d'évoluer en Grotadmorv : au milieu de cette guerre, il avait sauvé la vie d'une adolescente, un geste héroïque montrant que malgré son appréhension des Humains, il ne souhaitait jamais causer du mal ni laissait gratuitement un Humain en situation de danger.

GLEBBER – Ce n'est pas en menaçant ces deux employés que vous empêcherez les autres de répondre à l'alerte. Si vous restez là, ça se passera mal pour tout le monde, et je ne peux pas laisser les choses se passer ainsi.

L'Avaltout écoutait toujours. Glebber sentait qu'il était à un doigt de le convaincre, alors que les deux techniciens se soutenaient l'un l'autre, attendant le verdict des Pokémons.

GLEBBER – Il y a une issue de secours ici, qui mène dehors. Ils ne vous poursuivront pas si vous vous éloignez de l'usine, et tout le monde reprendra sa vie tranquillement. Croyez-moi, j'ai vécu ça, et c'est la meilleure chose à faire.

Sentant la sincérité de Glebber, l'Avaltout ordonna aux Glouptis, aux Tadmorvs, aux Rattatas et aux Moufouettes de le suivre à l'extérieur de l'usine. Les deux techniciens, de leur côté, ne savaient pas exactement quoi penser de ce qu'il se passait, ne sachant pas exactement ce qui venait de se dire entre les Pokémons. L'issue de secours débouchait sur une cour terreuse clôturée par des grillages qui ne représenteraient pas un gros obstacle pour les Glouptis, les Tadmorvs et les rongeurs.

GLEBBER – Merci.

Il pensait avoir évité un carnage mais l'Avaltout avait perdu beaucoup de temps en hésitation. Les deux ex-otages n'avaient-ils pas expliqué à leurs collègues du service sanitaire que les Pokémons s'en allaient ? Soit ils en voulaient à ces derniers, soit ils étaient en état de choc, soit ils avaient demandé à ce qu'on les laisse tranquille mais le service sanitaire aurait répondu qu'il fallait les exterminer pour être sûr qu'ils ne reviennent pas plus tard, jugeant peu crédible qu'une infestation décide de s'en aller d'elle-même sans raison précise.

Trois agents arrivèrent dans la cour. Au loin, ils voyaient les grillages être rongés par une bonne quinzaine de Pokémons, et juste devant eux, un Grotadmorv agitait les bras d'un air menaçant. Ils ne voyaient pas que Glebber essayait simplement de leur expliquer que tout était fini et de les dissuader de poursuivre la tribu. Le service sanitaire était épaulé par trois Pokémons venus là pour nettoyer la zone avec autorité : une Azumarill, un Staross et une Sorcilence.

Le stress commença à monter chez Glebber, seul obstacle entre le service sanitaire et la petite tribu qui prenait la fuite après avoir causé de lourds dégâts à l'usine et qui irait en causer ailleurs s'ils ne revenaient pas ici.
À un contre trois, Glebber n'avait aucune chance contre l'Azumarill, le Staross et la Sorcilence qui n'étaient pas là pour plaisanter.

Agent – Nettoyez-moi ce gros tas toxique et rattrapez les autres avant qu'ils n'aillent faire des dégâts ailleurs !

Le vent avait guidé le voyageur sur les routes encore une fois, suivant son appel dans une quête de perfection martiale sans vrai but si ce n’est la justice. Dans ce monde devenu fou et corrompu par l’avidité, l’oiseau cherchait une lueur d’espoir dans les yeux de ceux qu’il sauvait, sans regarder le passé et les pertes qu’il fuyait depuis l’époque de son impuissance.

Les pas du guerrier l’avaient conduit vers l’orage et vers la ville qu’il avait frappée dans la nuit, se cachant sur un vehicule en se faisant passer pour le pokemon d'un marchant en mimant une sieste des plus convainquante. L’oiseau de proie en avait profité pour s’y introduire, y voyant un signe de ce destin qu’il suivait et avait choisi : la voie de l’épée et celle du guerrier.

Néanmoins, comme tout oiseau, la pluie et la foudre lui avaient déplu. Aussi avait-il décidé de chercher un lieu où se poser, sécher ses plumes et s’apaiser. Ainsi, pendant deux jours, c’est dans un des hangars abandonnés d’une société ayant fait faillite que l’oiseau s’était reposé, ne sortant que pour se nourrir ou chasser, comptant sur la prochaine nuit pour repartir sur la route.

C’était sans compter sur l’appel des armes qui allait se manifester d’ici peu…
Un bruit sans précédent, comparé aux nuits précédentes, alerta l’archeduc : visiblement des Pokémon paniqués, voire en danger, et des humains de l’autre côté…
Observant la situation avec son œil aiguisé, il remarqua que nombre de petits Pokémon risquaient de ne pas survivre face à des adversaires plus forts qu’eux. Le hibou se dressa alors sur ses pattes et sortit du hangar. Une grille séparait l’usine du hangar, certes… mais un simple coup de sa lame de bois lui permit de contourner cet obstacle. Il s’avança ensuite, un sifflement apaisant et assuré s’échappant de son bec, une provocation destinée à attirer l’attention des humains et des Pokémon sur une nouvelle variable que personne n’aurait pu prévoir…

Ronin ferma un court instant les yeux en avançant, cherchant la brise qui le guiderait. Mais dans cette fichue ville, le vent semblait incapable de souffler comme il aimait, à cause de ce dôme idiot… Néanmoins, il sentait dans son cœur le vent libérateur balayer ses doutes et la moindre peur. Il ouvrit finalement les yeux, se plaçant entre les humains et le groupe tentant de fuir, et déclara d’une voix calme, sans se retourner :

— Jeunes amis, je me permets de joindre mes forces aux vôtres pour vous permettre de quitter ces lieux sans heurt. Ne vous souciez pas de ces ennemis, je vais les retenir…

Doucement, il posa le pouce sur son arme de bois, prenant une position de profil pour offrir moins de surface à viser à l’ennemi. Il ne sous-estimait pas ses adversaires et calculait déjà quelle cible serait la plus simple à éliminer pour créer la panique, tout en limitant les dégâts potentiels pour ceux qu’il protégeait. Néanmoins, il ne comptait pas faire le premier pas pour l’instant, se contentant de laisser la tension qu’il dégageait maintenir ses adversaires en respect. Son regard indiquait clairement que le premier à bouger goûterait à sa lame, à ses plumes ou à ses griffes…

Un guerrier ne donnait jamais le premier coup sans réfléchir…

Avant que la première attaque ne fût lancée, un sifflement attira l'attention des trois Pokémons du service sanitaire et fit tourner la tête de Glebber. Un Archéduc avançait là, tenant d'une façon ou d'une autre une sorte de sabre en bois. Non, pas “une sorte”... c'était carrément un sabre en bois, en fait. Alors qu'il s'avançait jusqu'à se placer non loin de Glebber, entre les agents du service sanitaire et la petite tribu qui fuyait à vitesse inégale entre les Rattatas, les Moufouettes, les Glouptis et les Tadmorvs, un petit moment de flottement s'installa, tout le monde voulait savoir ce que cet Archéduc venait faire ici. Ce dernier prit enfin la parole en s'adressant aux fuyards :

RONIN – Jeunes amis, je me permets de joindre mes forces aux vôtres pour vous permettre de quitter ces lieux sans heurt. Ne vous souciez pas de ces ennemis, je vais les retenir...

Vraiment ?! Toute aide était la bienvenue après tout, même si ces agents du service sanitaire ne faisait que leur travail après tout, Glebber ne pouvait pas s'empêcher de vouloir défendre ceux qui lui rappelaient la tribu dans laquelle il était né et avait grandi. Etre chassé comme un indésirable par des Humains, il n'avait que trop bien connu et ne voulait pas laisser les autres subir le même sort. Cela nécessitait un certain talent de diplomate pour trouver un terrain d'entente entre les agents de l'usine et les Pokémons “nuisibles”, ce qui n'était pas le point fort de Glebber : il aimait les choses simples, les jeux, les câlins, les combats, il était assez impatient et fier, alors résoudre un conflit par la diplomatie lui demandait des efforts qui n'étaient pas naturels. Il approuvait cette voie mais n'en était pas le meilleur porteur. Encore moins quand son traumatisme refaisait surface, alors qu'il était confronté à une situation qui le ramenait aux plus douloureux moments de son vécu.

Au premier regard, l'on pouvait deviner que cet Archéduc n'allait pas non plus jouer avec les cartes de la diplomatie. Son allure de guerrier, son sabre... Il parlait de « joindre ses forces », ce qui sonnait selon Glebber, peut-être par une interprétation un peu rapide, comme une intention de combattre. Et comme pour lui donner raison, l'Archéduc changea de posture, se montrant prêt à utiliser son sabre ; non, ce n'était pas la posture d'un diplomate.

Agent – Ecoute l'Archéduc, ne te mêle pas de ça, ces Pokémons causent de gros dégâts à l'usine et sont vecteurs de maladies, alors va-t'en ou aide-nous à nous en débarrasser !

Ceci dit, les ordres d'attaques furent donnés aux trois Pokémons, qui se concentrèrent sur le seul obstacle avéré entre eux et les fuyards : Glebber. L'Azumarill lança Coup d'Main sur le Staross qui lança Psyko. Voyant l'attaque venir, Glebber refusa de regarder le Staross et de le laisser atteindre son esprit, aussi se recroquevilla-t-il dans un Lilliput efficace qui lui permit d'éviter les dégâts de l'attaque Psy. Ce fut sans compter sur la Sorcilence qui frappa le Grotadmorv à distance avec un Choc Mental qui le déboussola.

Les hostilités étaient lancées, mais aucune attaque n'avait été dirigée vers l'Archéduc que les agents essayaient pour l'instant de convaincre de partir ou de choisir le bon camp. La décision de l'Archéduc allait donc sans doute avoir un impact capital dans le cours des choses...