Coeurs Nobles [Ft Eden] [Terminé]

La journée était déjà bien entamée et Ralsen avait déjà fini sa mission du jour. Elle avait tout l’après-midi de libre et comptait bien en profiter. Elle s’était levée tôt, très tôt même. Sa soudaine popularité auprès de certains de ses collègues était… pour le moins étrange à vivre. Elle se retrouvait souvent sollicitée sans trop qu’elle ne sache pourquoi. À qui lui demandait de s’entraîner ensemble, à qui lui demandait de les accompagner en mission, bien incapable de dire non elle s’était retrouvée avec bien plus d’activité que d’habitude alors même qu’elle ne se laissait déjà que peu d’instant pour se reposer. Elle se laissait entraîner dans cette étrange nouvelle routine sans réfléchir, au moins elle apprenait à connaître un peu mieux d’autres agents. Ils avaient été formés pour être capable de travailler en équipe, pourtant elle avait pris l’habitude de travailler seule la majeure partie du temps, et ce changement de rythme n’était pas si désagréable, elle qui appréciait tant la compagnie des autres.

Une autre agente était venue la voir la veille, une jeune pompier qui aidait régulièrement ses anciens collègues. La saison des feux de forêts était arrivée - si tant elle qu’elle finissait dans l’année, même en hiver - et les brigades anti-feu n’étaient pas contre un peu d’aide de temps à autre. Ex-pompier, elle s’était évidemment proposée, et comme elle ne comptait pas y aller seule en tant qu’agente du STERN, elle avait eu la bonne idée de demander à Ralsen en se disanit que c’était dans ses cordes, après tout, elle se spécialisait en secourisme. Entre patrouille et prévention, la très longue matinée s’était bien passée et une autre équipe avait pris le relais pour le reste de la journée.

Plutôt que de rentrer à la base avec sa collègue, Ralsen avait décidé de rester en pleine nature. Occupée comme elle avait été, elle n’avait que rarement trouvé le temps de travailler l’étrange don qu’elle possédait et d’appliquer les conseils de la Championne Fée, celle-là même qui lui avait révélé qu’elle possédait quelque chose de spécial. Pour un premier vrai entraînement, choisir de rester en forêt n’était peut-être pas le lieu le plus adapté. Étendue sauvage très peuplée, on était loin de Hauts-Monts où la vie bien que nombreuse était plus éparse. Elle avait jeté son dévolu sur la berge d’un lac au pied du volcan, au centre d’un triangle formé par trois des villes de l’île : Mégapagopolis, Avalaville et Sanctuary.

Depuis son escapade en montagne, la Lucario l’accompagnait toujours. Elle la suivait comme une ombre, restant à l’écart en situation sociale, évitant les entraînements au QG, pourtant chaleureuse dans les moments plus calme et plus privé. Si on ne prêtait pas attention, on pourrait même croire qu’elle fait partie de l’équipe. Elle s’entendait avec tous les Pokémon de Ralsen et s’était intégrée rapidement au petit groupe. Elle ne l’accompagnait pas toujours lorsqu’elle travaillait cependant, elle n’avait aucun désir de trop s’impliquer pour le moment.

Une session méditation, ça, par contre, elle était partante. Le cadre était idéal, et si l’humaine n’était pas une débutante elle l’aurait bien traînée jusqu’à la cascade à l’autre bout du lac. Pour une prochaine fois, se dit-elle, il allait bien falloir se former à la dure. La lucario s’était installée en première sur un rocher d’un plat convénient, les pattes en tailleurs, les yeux fermés et ses appendices flottant au gré de sa concentration. Ralsen l’avait timidement imitée, assise à même l’herbe. Comme au Café, elle essayait de ne pas se concentrer sur ses sens habituels, mais sur un autre. L’exercice n’était pas le plus facile, la brise rafraîchie par la proximité de l’eau lui chatouillait la peau, le lac, bien que calme, était plein de vie, zébrant sa surface, et les fourrés et feuilles de la lisière boisée s’agitaient régulièrement.

Instinctivement elle avait envie de tendre l’oreille, de profiter du parfum de la nature et de regarder les Pokémons vivre leur vie, pourtant, c’était avec une toute autre vision qu’elle devait observer. Les plus énergiques étaient faciles à percevoir, tant qu’elle restait concentrée, les Axoloto qui s'amusaient sur la berge, les Minisanges qui se chamaillaient, les Luxio et Lixy qui faisaient la course.

Après ce qui lui avait semblé une éternité mais qui n’était pourtant qu’un gros quart d’heure, un bâillement lui échappa. Elle crut mourir de honte sous le regard amusé de sa partenaire de méditation qui lui fit bien comprendre qu’une pause s’imposait. Debout aux aurores - plus tôt encore même - la concentration de la soldate n’était pas au plus haut, et novice oblige, la fatigue venait vite. La Lucario s’assit plus confortablement, tandis que Ralsen se laissa tomber dos dans l’herbe pour s’allonger et profiter de la nature pour se détendre cette fois. Les rayons du soleil sur elle, elle en aurait presque eu envie de dormir, une bonne sieste au bord de l’eau était très tentante. Le Pokémon aura la laissa se reposer tranquillement - elle l’avait bien mérité - si elle s’endormait, elle veillerait sur elle.

Alors que l’esprit de Ralsen flottait au gré de ses somnolences, c’est une présence nouvelle qu’elle sentit s’approcher. Peu confiante en ses capacités alors qu’elle était au bord du rêve, elle ouvrit les yeux et se tapota les joues pour reprendre pied dans le monde éveillé et interrogea son amie du regard qui ne semblait pas s’en soucier. Une de ses oreilles sembla s’agiter cependant, tournée dans une direction comme pour guetter l’approche de quelqu’un. Par prudence, Ralsen prit la peine de se redresser et s’épousseta un peu pour faire bonne mesure.

La nouvelle présence s’était révélée être un Absol. En pleine forêt ? Ralsen dut se rappeler qu’elle était à deux pas du volcan et des Monts, rien d’étrange à ce que des Pokémons montagnards ne descendent de temps en temps, surtout pour les plus aventureux d’entre eux. Il n’était visiblement pas hostile, il était même un peu curieux, osant quelques pas en avant.

Ralsen afficha son sourire rayonnant habituel en guise de salut au Pokémon blanc, sourire qu’elle perdit assez rapidement en constatant les cicatrices qui marquaient ses pattes. Elle avait déjà remarqué celle de sa corne qu’elle n’avait pas relevé, il ne serait pas le premier Pokémon marqué par des combats passés, la Lucario qui l’accompagnait en était couverte elle-même, mais ces marques là… La secouriste commençait à s’y connaître, en blessures et cicatrices, elle en avait eu son lot et de toutes origines, mais celles-là… Non, elles ne semblaient pas naturelles, trop nettes et trop parfaites, et à peine soignées qui plus est.

Malheureusement, Ralsen n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit, l’Absol avait senti quelque chose - ou entendu ? - et partit à toute vitesse après un cri qui n’annonçait rien de bon. Rien d’agressif, alors pour quelle raison ? Elle sentit sa gorge se serrer, un sentiment d’urgence électrifiant tout son corps. La Lucario ne faisait que confirmer son inquiétude, elle s’était levé à la seconde où l’Absol s’était exprimé avec un timing presque trop parfait. Le Pokémon Aura prit les devant pour suivre le quadrupède blanc et Ralsen se laissa guider.

Le rythme effréné de sa course n’empêcha pas la secouriste de repérer les signes sur son chemin. De nombreux Pokémon fuyaient dans la direction opposée, et bien vite elle commença à sentir une odeur de brûlé qui lui irritait déjà les narines. Au moins, l’odeur des feux de forêts étaient bien différentes du genre d’incendie de masse qu’elle avait connu plus personnellement. Si les flammes gagnaient du terrain… elle espérait que la relève de ses collègues d’un jour était déjà dans les parages, elle pouvait gérer un départ de feu, mais quelque chose de plus grand… elle n’en avait pas les moyens.

Ralsen manqua de glisser alors qu’elle s’arrêtait brusquement d’un dérapage presque contrôlé devant la scène qui s’offrait au groupe atypique. Un Scovilain déchaîné avait laissé partir des flammes tout autour de lui et la végétation ne s’était pas faite priée pour s’embraser. Pour ne rien arranger, un jeune homme - un adolescent peut être ? - se trouvait au milieu des flammes près de ce que la secouriste supposait être son Pokémon qu’il tentait de calmer tout en étant plus que paniqué.

Pas le temps de réfléchir, Ralsen agit par instinct. Elle attrapa deux Pokéball à sa ceinture et en libéra deux de ses compagnons en lançant ses ordres alors qu’ils étaient encore baignés de lumière.

“Spine, Coud’Boue sur les flammes, étouffe les ! Adhartan, à la première ouverture approche toi et Siffl’Herbe !”

Comme une machine bien huilé, les deux coéquipiers se mirent au travail. La Kaknoix se fit un plaisir de plonger dans la terre meuble pour la recracher en quantité par ses grandes mâchoires et en asperger les flammes. Le Doudouvet, léger comme une plume, se retrouva bien vite au milieu du danger sans grande inquiétude, sachant pertinemment que sa partenaire le couvrait. Il produisit une douce mélodie avec ses feuilles pour apaiser le Scovilain en espérant que le son de ses propres cris et de sa colère ne couvre pas complètement son chant de la nature.

La Lucario restait en retrait, chacun de ses muscles sous tension, prête à soutenir la petite équipe de secouriste au besoin. Elle sondait les environs pour s’assurer que personne d’autre n’était en danger, pour s’assurer que personne ne fonçait vers le danger également. Elle guettait également les mouvements de l’Absol, s’il voulait porter assistance à son tour, elle pourrait improviser pour agir de concert avec lui.

Alors que ses compagnons se mettaient au travail, Ralsen aperçut l’Absol s’élancer à son tour. Le Pokémon blanc semblait tenter d’attirer l’attention sur lui… ce qui fonctionna presque trop bien. La secouriste ne pensait même pas que ce Scovilain puisse être davantage en colère, et pourtant il était fou de rage au point de lancer deux capacités simultanées vers la cible de son courroux. Ralsen s’apprêtait à donner un nouvel ordre pour lui porter assistance quitte à interrompre l’une des actions en cours de ses Pokémons, mais quelque chose l’en dissuada. Une fraction de seconde, mais juste assez, elle percevait le calme de la Lucario à ses côtés. Un espèce aussi rapide qu’elle, si l’Absol était en danger elle aurait été la première à intervenir.

Et elle avait eu raison de lui faire confiance. Ombre blanche soudainement bien vive, l’Absol avait évité les deux attaques sans problème. Trop occupé, le Scovilain ne put pas échapper à la douce mélodie d’Adhartan qui avait profité de la distraction. Seulement, le chant n’avait atteint qu’une des deux têtes qui dodelina, somnolente. C’était toujours mieux que rien, se dit Ralsen.

“Merci !” lança-t-elle à l’adresse du Pokémon blanc comme neige.

Pas d’autre atout dans sa manche pour le calmer pacifiquement, elle refusait de sortir Bee qui se fatiguait vite, encore peu habitué à sa nouvelle forme, et elle doutait qu’un Charme d’Adhartan soit suffisant, surtout après la provocation de l’Absol. Changement de plan, il allait falloir le fatiguer au combat.

Quoique… Il ne restait qu’une tête, elle pouvait tenter une dernière chose : lui faire peur.

“Adhartan, Coup d’Main sur Spine ! Spine, Morsure, une bien flippante !”

Le Doudouvet effectua une petite danse d’encouragement pour augmenter la puissance de la capacité de son amie. Ralsen avait dans l’espoir que ce petit boost rende l’attaque la plus terrifiante possible, plutôt que d’en augmenter la force. Spine, elle, recouvrait une dernière flamme tandis qu’elle se sentait pleine d’une énergie nouvelle. Elle fit claquer ses grandes mâchoires aux dents qui semblaient plus aiguisées que jamais et se donna l’air le plus effrayant dont elle était capable avant d’asséner son coup, une bonne grosse Morsure au corps du Scovilain. Restait à savoir si le plan avait fonctionné…

Pendant que ses Pokémons se battaient, Ralsen se fraya un chemin jusqu’au jeune dresseur. Elle voulait s’assurer qu’il allait bien. Elle laissait la Lucario garder un œil sur l’Absol, entre Pokémon, ils seraient plus à même de se synchroniser, surtout deux espèces à l’instinct aussi aiguisé.

“Tu n’as rien ?” demanda-t-elle au jeune dresseur, sans quitter le combat des yeux plus d’une seconde.