[TERMINÉ] Mélodies nocturnes [ft. Ralsen]

La vagabonde s'était un peu ouverte à elle, à lui raconter ses problèmes, ou plutôt ce qui la travaillait depuis quelques temps. Il était vrai qu'elle avait gardé tout cela enfoui au fond de son cœur et son esprit jusqu'à présent. Ou en tout cas, entre elle et ses Pokémons.
Cela faisait parti des défauts de cette vie sans attache. Elle n'avait pas vraiment de personnes à qui se confier. Quand elle avait besoin d'évacuer, elle le faisait toujours via ses chansons.

En échange de ses paroles, Ralsen lui avait offert un sourire, avant de lui répondre:
— Ouais, je comprends. Je suis pas une experte en relation Pokémon mais ils ont tous les trois l'air de t'adorer. Je suis sûre qu'ils te suivront jusqu'au bout du monde!

Elle n'avait pas vraiment tort. Malgré ses maigres moyens, Lilith avait toujours fait de son mieux pour offrir une vie décente à ses compagnons de route. Ils avaient même bien souvent la priorité sur elle-même.
Ils étaient les seules attaches qu'elle avait, et la suivaient dans ses aventures. Même la petite nouvelle dans cette équipe s'était bien vite attachée à elle, et ne la lâchait plus.

Ce lien fort, elle l'avait également ressenti lorsqu'elle avait affronté Méliodas, le Champion d'Oblaide. Malgré sa défaite cuisante, elle avait senti une sorte de symbiose avec ses partenaires. Comme si leurs esprits n'avaient fait plus qu'un. C'était une sensation étrange, mais très agréable. Une expérience qu'elle avait hâte de renouveler.

L'idée que l'on puisse même voir ce lien de l'extérieur la fit sourire. Tout comme elle, ses trois petits compagnons avaient une revanche à prendre sur la vie, un obtacle à surmonter, et elle avait hâte de les aider à y parvenir.

— Puis... te mets pas trop la pression quand même, avait ajouté sa nouvelle amie. 'Fin, je suis peut-être mal placée pour parler mais, ouais, même si tu veux faire plus... ben euh te mets pas trop la pression quoi, on fait tous ce qu'on peut non? Chacun son rythme aussi!

Cette remarque la fit un peu rire. C'était assez mignon de la voir s'inquiéter comme ça, plutôt craquant même.
Lilith était sur le point de lui répondre de ne pas s'en faire, lorsqu'elle enchaîna rapidement sur autre chose:

— Tu chantes que des reprises non? Euh, c'est juste que je pensais à ce que tu disais sur le fait qu'avec le danger qui rôde la musique ça sert pas à grand chose mais, en fait ça peut!

Le sourire de la musicienne se fit plus amusé, alors qu'elle la regardait s'enfoncer dans ce nouveau sujet de conversation, qui au final semblait lui aussi avoir pour but de la rassurer. Cette fille avait décidément un cœur bien plus gros que ce qu'elle aurait pu soupçonner.

— Enfin, si tu deviens une dresseuse super forte tu peux foutre des raclées, mais en même temps tu pourrais genre, écrire des chansons qui peuvent parler aux gens tu vois? J'étais pas douée à l'école mais les cours d'Histoire ça m'a bien appris que les artistes étaient su-uper importants pendant les temps difficiles, donner de l'espoir ou l'envie de lutter! Ce genre de chose.

Elle avait parlé bien trop vite, d'un seul souffle, et la guitariste ne l'avait pas lâchée des yeux. Son sourire s'était fait encore plus malicieux, mais elle marqua un temps de pause pour s'assurer qu'elle avait bien terminé, avant de ricaner. Ce n'était pas de la moquerie bien sûr, elle était simplement touchée, sincèrement.
Ce n'était pas tous les jours qu'elle entendait quelqu'un mettre autant en valeur le pouvoir et l'importance que sa musique pouvait avoir sur les autres. C'était agréable à entendre, émouvant même.

— T'es vraiment adorable, avait-elle répondu d'entrée de jeu, merci beaucoup. Mais t'as pas à t'en faire comme ça, j'vais pas lâcher la musique. C'est ce qui m'a permis de survivre depuis que je suis gamine.

Elle posa ensuite le reste de son sandwich à côté d'elle, avant de ramasser sa guitare, et de doucement en tapoter la caisse.

— Ce bébé va changer le monde, affirma-t-elle avec toute la franchise du monde. Mes Pokémons et moi, on va juste lui donner un coup de main.

Les yeux de la guitariste pétillaient de passion, de cette envie d'utiliser sa musique pour changer la face de cette île, puis d'ailleurs. Elle avait passé tant de temps à voyager entre les villes de Maïlys, à en admirer les paysages, à profiter de l'ambiance de ses quartiers, à rire avec ses insulaires. Elle n'en pouvait plus de ne faire que ramasser les morceaux. Alors, la prochaine fois, elle serait sur le devant de la scène. Sa guitare en main pour donner du baume au cœur aux Maïlyséens, et ses Pokémons avec elle pour écarter les dangers qui se présentaient à eux.

Elle voulait que sa guitare l'aide à célébrer des victoires et des joies, plutôt qu'à essayer d'atténuer des deuils et des peines.

La pauvre avait manqué de s'étouffer à l'entente du compliment de la guitariste, qui avait dû la surprendre. Son petit Kraknoix essayait de l'aider tant que possible, mais la tâche était hardue à cause de ses toutes petites pattes. Elle aussi semblait avoir tissé un lien durable avec ses Pokémons.

Puis elle s'était mise à sourire, en l'entendant dire que son instrument changerait le monde, qu'elle-même et ses compagnons de route ne seraient qu'un coup de pouce pour y parvenir. C'était quelque chose qui avait l'air de l'avoir rendu pensive, avant qu'elle ne réponde:

— Du couuuuuup... j'aurai droit aux places VIP quand tu feras des méga concerts post victoire de combats de Champions et que tu seras super connue?

Cette perspective fit ricaner la musicienne, qui avait d'ailleurs reposé son instrument pour continuer à croquer dans son repas. Un très bon sandwich d'ailleurs! Mais tout lui semblait meilleur quand la générosité faisait parti des ingrédients.

— Les privilèges de premiers fans, tout ça.

Elle entendait à son ton de voix que sa nouvelle amie plaisantait, du moins en partie. Pourtant, Lilith eut réellement un instant de réflexion. Elle n'avait pas l'habitude de revoir les personnes qu'elle rencontrait. Bien sûr, elle revoyait les gérants d'établissements dans lesquels elle s'arrêtait, mais ils ne se souvenaient sans doute pas de son visage. Les passants la voyaient sans doute plusieurs fois durant ses différents passages dans chaque ville également, mais c'était cette fois elle qui oubliait leurs visages.

Lorsqu'elle avait discuté avec quelqu'un, qu'elle avait tissé des premiers liens, parfois qu'elle avait partagé plus qu'un verre, ou ici un repas, elle ne les revoyait pas. Inconsciemment, elle faisait sans doute en sorte de ne pas les revoir.

C'était sa façon de vivre jusqu'à présent. Sans aucune attache, elle et ses Pokémons contre le reste du monde. Rien d'autre n'était important, et rien ne devait le devenir.

Les choses étaient vouées à changer, si elle partait en quête des badges d'arènes. Elle se ferait plus facilement remarquer, elle-même s'effacerait moins qu'elle ne le faisait actuellement pour s'intégrer au décor. Elle faisait parti de l'arrière-plan dans la vie de toutes ces personnes, mais le but n'était-il pas justement d'avancer?

— Ou au pire, je peux faire la sécurité! avait poursuivi la secouriste. Les fans chelous, tout ça. Les challengers jaloux aussi! Quoi que le costume d'armoire à glace tout en noir à lunettes de soleil ça a l'air un peu chiant. Débile d'ailleurs, qui peut bouger correctement là dedans?

— Je suis pas sûre que le costard bien taillé t'irait vraiment, ajouta-t-elle à cette remarque dans un sourire taquin.

Revoir Ralsen une prochaine fois? Elle n'était pas la première personne qu'elle regretterait laisser complètement tomber.

— Mais j'sais pas trop, ajouta-t-elle en faisant mine de réfléchir. On est déjà en train de manger en tête à tête dans les coulisses, ça te fait déjà un privilège.

Il était rare que les gens accordent tant d'importance à sa musique. A vrai dire, c'était sans doute la première fois que quelqu'un la mettait tant en valeur. C'était vraiment agréable de se sentir... importante? Du moins, de ne plus avoir une simple place dans le décor.

— Je ferai un petit effort pour les places VIP, finit-elle par dire en ricanant. Pour la sécurité j'ai déjà une adorable boule de poil qui s'en occupe, ajouta-t-elle ensuite en gratouillant la tête de Star. 'Fin... il échappera au costard aussi je crois.

Il était hors de question pour elle de briser la légèreté de cette discussion avec ses états d'âme. C'était sans doute également pour cela, qu'elle ne forgeait aucune attache avec les gens qu'elle rencontrait. Non seulement à cause de sa volonté de ne compter que sur elle-même, de garder cette liberté qui lui permettait de vivre comme bon lui semblait et sans rendre de compte, mais également pour ne jamais risquer de gâcher l'instant.

Elle s'amusait bien, ce soir, et rien d'autre n'importait.

— Hmmm... Nan je suis sûr qu'il gère mieux une jolie tenue que moi. Et je peux le prouver!

La musicienne fut curieuse de savoir ce que Ralsen voulait dire par là. Elle semblait avoir eu une idée soudaine qu'elle se devait de mettre en image immédiatement, alors que Lilith finissait son sandwich en la regardant avec intérêt.
La secouriste avait sorti un carnet de ses affaires, sur lequel elle commença à crayonner, visiblement très concentrée.

Lilith la regardait faire avec des grands yeux ronds, curieuse de savoir où elle allait en venir avec cette histoire. Le suspense fut d'ailleurs d'assez courte durée, lorsque la dessinatrice lui présenta son œuvre accompagnée d'un enjoué "Ta-daaaa!". Elle semblait toute fière de son croquis, un dessin rapide de Star avec un petit haut chic, et un petit nœud papillon.

— Je trouve qu'il est beau gosse comme ça perso!

— Il est adorable! répondit la dresseuse du modèle avec de littérales étoiles dans les yeux.

En voyant le dessin, Star également commença à se pavaner un peu, ses petites étoiles suivant son mouvement, semblant tout fier de son allure lui aussi jusqu'à ce que sa dresseuse lui ébouriffe le sommet du crâne:

— Petit vantard, va! Prends pas la grosse tête!

Mais le Zigzaton préféra ignorer cette remarque pour s'asseoir bien droit, lançant un regard facétieux à son amie, accompagné d'un petit jappement l'air de dire "cause toujours".

— Tu dessines super bien! Ça a du te demander du temps pour apprendre à faire ça aussi vite.

En tant qu'artiste elle-même, elle savait bien que l'art, ça se travaillait. Ce n'était pas parce que Lilith avait reçu un certain don grâce à son oreille absolue, que sa passion pour la musique était un talent inné. Elle s'était entraînée dur depuis qu'elle avait mis la main sur cette guitare, pour réussir à jouer ses premières notes sans raté. Sa première mélodie complète avait pris des semaines d'exercice. Et le niveau qu'elle avait désormais était celui offert par des années d'entraînement et de spectacles comme celui de ce soir-là.

— C'est pas trop galère les hobby au STERN? Quand je les vois j'ai l'impression qu'ils sont super carrés, ça doit pas toujours être facile d'être toi-même.
Il fallait avouer qu'avant Ralsen, les quelques agents du STERN, ou du moins ceux qui en parlaient ouvertement, qu'elle avait rencontré, avaient souvent un immense balai à travers le système digestif. Il étaient souvent très fiers d'aider les habitants de Maïlys, une très bonne qualité selon elle, mais cette perte d'individualité à ce profit lui paraissait trop... dérangeante.

Heureusement, cette dernière rencontre lui prouvait le contraire, si elle n'était pas qu'une exception parmi eux. Elle rayonnait de personnalité.

— Pour le dessin, ça va, j'en profite surtout quand je suis hors de la base quand j'ai l'occasion! Je fais surtout des Pokemons quand ils sont posés, parfois des gens aussi mais des fois j'ai des drôles de réactions alors j'évite...

Elle était surprise d'entendre ça. Certaines personnes réagissaient-elles vraiment mal à des dessins? Ce loisir lui semblait pourtant si innocent.
Après tout, il lui était aussi arrivé d'avoir quelques ennuis avec sa musique. Rien de bien méchant en général, mais elle se retrouvait parfois à devoir quitter des lieux parce qu'on lui réclamait du calme. Certains n'avaient aucun sens de l'amusement, sans doute. D'autres ont simplement de drôles de réactions.

— En vrai, avait-elle poursuivi, on a plus de liberté que ce à quoi je m'attendais. C'est quand même bien carré et tout mais... Je m'attendais à tellement pire que ça peut aller!

C'était au moins une bonne chose pour elle. Voir quelqu'un d'aussi atypique finir noyé dans la masse aurait été une chose bien triste. Mais ces précisions affirmèrent quand même à Lilith qu'elle n'aurait sans doute pas sa place, au QG du STERN. Bien qu'ils faisaient ce qu'ils pouvaient pour aider les habitants, pour la plupart du moins, elle se serait sentie bien trop mal à l'aise. Elle serait bien plus efficace seule, de son côté.

Seule, peut-être pas. Elle se rendait bien compte qu'elle n'arrivait à rien seule, mais c'était une pensée qu'elle préférait balayer pour le moment. Elle avait besoin de se concentrer sur les choses importantes.

— J'pense que j'arrive à rester moi-même, avait finalement expliqué Ralsen. Ils m'ont appris plein de trucs, alors c'est juste moi version améliorée! J'ai même apporté ma petite touche à la base, j'ai réussi à y faire pousser quelques plantes!

Cette remarque fit sourire la musicienne. "Moi version améliorée", c'était un peu ce qu'elle-même cherchait à devenir. Elles suivaient décidément un chemin très similaire. Une rencontre étonnante encore conduite par le hasard... Ou peut-être que l'univers essayait de faire entrer un message dans sa tête dure comme la pierre.

— Tant que ça reste toi c'est le principal! rétorqua-t-elle en ricanant, l'air bienveillant. Mais j'sais pas pourquoi, je sens que je peux te faire confiance pour pas te perdre de toute façon.

C'était aux côtés des gens les plus uniques que l'on se rendait compte de la force de l'individualité, de l'exentricité de chacun. C'était sans doute la leçon qu'elle avait tirée de ses très nombreuses rencontres. Les personnes les plus à part étaient celles qui retenaient son attention, lui enseignaient le plus de choses sur elle-même, lui donnaient le plus de baume au cœur pour continuer sur sa propre voie.

Mais le sourire de Ralsen avait soudain disparu, alors qu'elle regardait l'heure. Avant même qu'elle n'ouvre la bouche, Lilith comprit qu'elles n'avaient pas vu le temps passé. Il devait déjà être tard, la fatigue ne tarderait pas à la rattraper.
Elle allait devoir passer outre la deuxième partie de spectacle promise, finalement, mais elle ne le ferait sans regret. Cette conversation, même si plus courte qu'elle l'aurait aimé, avait comblé sa journée.

— Je, euh, je vais pas devoir tarder.

La pauvre avait peiné à prononcer ces mots. Elle aussi avait visiblement beaucoup apprécié ce moment, et n'avait pas envie de le voir se terminer maintenant.
La vagabonde eut un instant d'hésitation, semblant pensive, avant de lui adresser un grand sourire pour essayer de lui remonter le moral.

— Hey, fais pas cette tête, commença-t-elle. On va se revoir de toute façon, je te dois des places VIP.

La plaisanterie pour mieux faire passer les mauvais moments, c'était tout elle. Elle n'était bien sûr pas certaine de la revoir un jour, si le futur était capricieux... mais pour une fois qu'elle semblait décider à ne pas laisser une personne derrière, elle forcerait le destin si il le fallait.

La musicienne ouvrit la bouche pour poursuivre, mais elle se résigna, lançant un regard aussi discret que possible à Star comme pour demander conseil. Elle était rarement si hésitante, et elle n'eut le droit en réponse qu'à un pauvre Zigzaton un peu perdu qui pencha la tête sur le côté sans trop comprendre ce que son amie attendait.

— Tu veux que je te raccompagnes? finit-elle par demander en posant de nouveau le regard sur Ralsen. C'est pas comme si j'avais un emploi du temps à suivre, conclut-elle en fermant l'étui de sa guitare, de toute façon prête à se lever elle aussi pour trouver un endroit où dormir.

Elle s'était résignée à proposer autre chose, contrairement à ce qu'elle ne se serait pas gênée de faire habituellement. Mais elle n'était pas prête pour autant à laisser ce moment se finir si vite, et surtout pas à la voir partir avec cet air tout triste sur le visage.

Après que la musicienne ait proposé de simplement l'accompagner jusqu'au train, elle vit les yeux de sa nouvelle amie se mettre à briller, pour laisser s'échapper quelques larmes. Lilith s'en retrouva décontenancée, ne sachant pas vraiment comment réagir avant que Ralsen ne lui réponde rapidement en faisant comme si de rien n'était, se sentant sans doute un peu bête de pleurer pour si peu:

— Euh, je veux bien, c'est gentil, avait-elle répondu en acceptant sa proposition. J'ai juste à aller jusqu'au quai et attendre le prochain train.

Bien sûr, la vagabonde ne trouvait pas ça bête. Seulement, elle ne s'attendait pas à ce que cette rencontre se conclue comme ça. Elle ne savait pas trop où se mettre, ni quoi lui dire, ni même si elle devait dire quelque chose. La pauvre se retrouvait complètement prise au dépourvu.

Elle ne pouvait pas se douter de ce que cachait cette réaction inattendue, mais elle se doutait qu'elle cachait quelque chose de plus profond. Une vieille blessure, peut-être. Peut-être que comme elle, Ralsen n'avait pas l'habitude de se rapprocher des autres, de s'ouvrir à eux. Peut-être vivait-elle le même isolement, volontairement ou non, la même solitude. Même si Lilith vivait cette solitude de son plein gré, elle était consciente qu'elle était parfois très difficile à supporter.

Cette réaction cachait peut-être un traumatisme, un mauvais souvenir... Comment trouver les bons mots dans ces conditions?

— Ah! s'était soudain exclamée Ralsen, entre deux sanglots. Mais tu devais encore jouer! Je veux pas que tu perdes de l'argent à cause de moi, c'est ton gagne pain...

La guitariste lui offrit alors un sourire rassurant. Qu'elle était adorable, à se soucier de ça vu son état. Il n'y avait pas plus de doutes à avoir sur sa sincérité jusqu'alors, sur le fait qu'elle était bel et bien une bien belle personne. Elle avait un pincement au cœur en la voyant ainsi.

— T'en fais pas, j'ai ce qu'il faut pour me débrouiller, commença-t-elle. Et vue la fatigue de ces petites bêtes, il vaut peut-être mieux qu'on trouve où dormir.

Elle avait ajouté cela en regardant ces Pokémons, qui semblaient effectivement n'avoir qu'une hâte: se poser quelque part pour piquer un somme. Et elle n'avait pas non plus menti pour la rassurer, concernant ses gains. L'ambiance avait été suffisamment agréable plus tôt pour que les passants se montrent généreux.

Lilith avait regardé les Pokémons de son amie essayer de la réconforter avec un air attendri. C'était une vision qui lui faisait chaud au cœur de voir un tel lien entre eux. Pour essayer de la rassurer à son tour, elle vint poser une main sur l'épaule de la jeune femme en sanglots, son sourire se faisant plus rayonnant encore, puis elle s'approcha pour la prendre dans ses bras quelques instants, en lui tapotant le dos pour tenter de l'inviter à se détendre à nouveau.
Elle ne se souciait jamais vraiment de savoir si le contact dérangeait les autres, à vrai dire. Elle était tactile, et un peu sans-gêne, ayant toujours montré son affection de cette façon. Quand on avait comme elle tant de mal à communiquer ses émotions, il était parfois plus simple de laisser un geste parler à sa place.

— Ça m'a fait super plaisir qu'on se rencontre, moi aussi, lui dit-elle. C'est peut-être bête, mais j'avais pas passé une soirée comme ça depuis longtemps.

Elle la laissa ensuite respirer un peu, se redressant en gardant les deux mains posées sur ses épaules. Son grand sourire ne s'était pas effacé de son visage.

— Ça va aller, sur le retour? demanda-t-elle ensuite. Qu'est-ce que je peux faire pour te remonter le moral?

Elle n'avait pas vraiment l'habitude de réconforter les autres, malgré le but qu'elle s'était donné dans la vie de les rendre heureux. C'était quelque chose qu'elle avait toujours fait dans une généralité, pas dans des cas aussi personnels.
Bien sûr, elle avait déjà rencontré des personnes ayant besoin de réconfort, des amants qui avaient laissé couler quelques larmes à l'évocation de soucis de leurs quotidiens, plus ou moins graves. Elle avait toujours fait de son mieux, sans vraiment savoir quoi leur dire. Il était difficile de calmer les émotions des autres, lorsqu'on avait déjà bien du mal à comprendre et gérer les siennes. Heureusement, le câlin semblait avoir été efficace. Ralsen devait sans doute fonctionner sur le même langage qu'elle.

— Ça ira! avait-elle répondu à sa question. Pis, tu m'as déjà remonté le moral t'inquiète!

Son amie avait aussitôt désigné son grand sourire avec enthousiasme, du moins avec tout l'enthousiasme dont elle pouvait faire prendre dans son état. Au moins, Lilith était rassurée, elle allait suffisamment mieux pour plaisanter.

— Désolée, pour euh, ça, avait-elle ajouter en se désignant elle-même. Ça va vraiment mieux, j'avais juste besoin de pleurer un bon coup, c'est vraiment pas grave, juste un cumul de plein de petits trucs. Et puis les câlins c'est ma faiblesse alors ça a bien marché pour m'aider!

Bingo! Elle avait visé juste, avec cette petite étreinte.

— Ça me rassure, répondit la musicienne.

Ralsen l'aida à se lever avec elle, visiblement prête à partir. Sa mission était accomplie, au moins elle prendrait son train avec le sourire, et Lilith de son côté, aurait l'esprit plus tranquille.

— Direction le quai numéro-, se coupa-t-elle pour vérifier rapidement. Le quai numéro 4B! Enfin, si tu veux toujours m'accompagner jusque là, vous avez tous l'air super fatigués aussi. C'est à deux pas mais bon, quand même.

Il était vrai que ses Pokémons semblaient vraiment au bout de cette journée. Pour leur éviter d'attendre d'avantage avant de se reposer, elle sortit ses deux Pokéballs pour mettre Utau et Banshee bien à l'abri à l'intérieur afin qu'elles puissent dormir tranquilles. Seul Star, qui de toute façon n'avait pas de Pokéball, semblait encore assez en forme. Il avait l'habitude de vivre au même rythme que son amie depuis toutes ces années.
Toujours plein d'énergie, le petit raton coloré s'empressa de grimper sur l'épaule de Lilith pour qu'ils se mettent en route.

— On te suit t'en fais pas, répondit la vagabonde. On est pas à quelques minutes près.

Comme elle en avait l'intention, de toute façon, elle voulait prolonger ce moment encore un peu avant les au-revoir. Elles avaient commencé à entrer dans la gare, à la recherche du bon quai. Le 4B accueillerait le train qui menait à Port Sableye. Rien de plus logique, Ralsen devait sûrement dormir à la base du STERN, depuis qu'elle y était enrôlée.
Lilith n'étais jamais allée voir cet endroit. Elle ne s'en était d'ailleurs jamais vraiment approché, depuis que l'organisation s'y était installée. Comme pour Abyss, elle avait longtemps préféré rester loin de leurs affaires. Il serait sans doute bientôt temps que les choses changent à ce sujet, si elle voulait revoir sa nouvelle amie.

— Oh! J'allais oublier, s'exclama la secouriste en ressortant son carnet de dessin.

Elle l'ouvrit et chercha rapidement une page, qu'elle déchira soigneusement avant de la tendre à la musicienne:

— En souvenir!

Il s'agissait de ce qu'elle avait crayonné, plus tôt dans la soirée. La photo de Star tout pimpant dans son costume, avec son petit nœud papillon. Cette attention fit sincèrement plaisir à Lilith, qui ne recevait que rarement ce genre de cadeau un peu personnel.

— Merci beaucoup! J'en prendrais soin!

On pouvait sans doute sentir dans sa voix qu'elle était touchée par ce petit cadeau qui pouvait pourtant sembler insignifiant. Elle s'était empressée de sortir l'étui à guitare posé sur son épaule pour le plier avec soin et le ranger à l'intérieur, bien à l'abri. Star n'avait pas fini de se pavaner à chaque fois qu'il verrait ce dessin, elle en était certaine.

— J'ai pas grand chose à t'offrir en retour, s'excusa-t-elle en se redressant après avoir reposé ses affaires de voyages sur son dos. Au moins j'aurais eu l'occasion de t'offrir une petite chanson.

Et cet air entêtant lui resterait sans doute dans la tête quelques temps, comme elle allait traîner dans celle de la guitariste.

Le train finit par entrer en gare, ses passagers descendant pour laisser place aux nouveaux arrivants. Sans vraiment prévenir, pour lui dire au revoir, Lilith décida qu'il était l'heure d'un second câlin. C'était un peu son cadeau à elle, en souvenir.

— Fais bonne route! lui souhaita-t-elle avant de mettre fin à son étreinte.

Il aurait été dommage qu'elle rate le départ à cause d'une enlaçade trop tardive. Elle laissa Ralsen monter dans son train, lui faisant signe de la main avec un grand sourire. En y réfléchissant, elle en était certaine: elle avait envie de la revoir, lorsqu'elle se sentirait prête à mettre ses principes de côté.
Elle ne lui avait pas promis, mais c'était une promesse qu'elle se fit à elle-même, à cet instant. Cesser un jour de vivre seule contre le monde, et s'ouvrir à ces rencontres. Qu'elles finissent mal ou non, et malgré les douleurs qu'elles pouvaient entraîner, Lilith était maintenant certaine qu'elle saurait trouver des personnes capables de l'accepter, elle et son mode de vie hors des normes. Elle et ses émotions indéchiffrables.