Des artistes qui savent rebondir [Rev]

Je n’ai plus à préciser mon attrait pour le théâtre. Mais malgré mon habitude à mettre en scène mes apparitions tel un comédien, je n’avais pas encore poussé le vice jusqu’à apparaître directement sur une estrade adaptée pour une vraie représentation. Et je parle d’un spectacle public, pas d’un secret enfermé entre les murs du Stellarium. Cependant, qui oserait venir me voir directement me produire sur scène ? Et quel théâtre m’y autoriserait ? Aucun, certainement. De toute façon je n’avais pas besoin de ça. Autant ce point là n’était pas un problème, mais le public, lui…

C’est pourquoi une idée trottait dans ma tête. Pourquoi ne pas en réunir un et le contraindre de rester, d’une façon ou d’une autre ? Pour une série de spectacles, de différents styles, tous guidés par ce que j’aimais le plus : l’improvisation. Tout en suivant l’idée de signes astrologiques pour pousser le vice. L’opération resterait néanmoins délicate. Mêler discrétion et empêcher le public évidemment « invité » d’appeler une quelconque sécurité. Tout en s’occupant de la prise de contrôle du bâtiment, temporairement bien sûr.

Le tout pour aucune autre raison que de s'amuser un peu.

Il serait dommage que je sois le seul comédien sur scène. Malheureusement je ne pouvais pas inviter ma troupe à l’occasion au risque de dévoiler leur identité. Il me fallait un, ou des visages à découvert et le naturel qu’on ne retrouverait pas derrière une illusion. L'expression était essentiel, autant par les gestes que par son visage ! Cela dit, ils pouvaient m’être utile, ne serait-ce qu’en m’aidant à réunir du monde.

Bien des parties du plan seraient certainement à peaufiner, mais je pouvais déjà entamer quelque chose grâce à mes compères à mes Pokémons. Mais bon, il fallait savoir varier les plaisirs et inviter d'autres personnes à s'amuser également. Je suppose qu’entre les anciens de teams dissoutes qui trainent dans la nature, ou autres personnes se foutant de la moralité de ses actes qui popaient, attirés par un chaos planant à cause des affrontements incessant, ce ne serait pas trop dur de trouver des personnes intéressées qui ne me sont associées. Comme je l’ai dit avant, un tel projet était plus amusant à plusieurs, et j’étais quelqu’un de sociable.

La première étape était donc de trouver cette, ou ces personnes prêtes à s’embourber dans un tel projet.

Je m’amusais à jouer le pseudo déguisement qu’arborait les stalkers ou détectives en tout genre dans des fictions le plus souvent cartoonesque. Un bonnet, des lunettes de soleil et un journal à l’envers porté suffisamment haut pour cacher le visage. Mon tapis était porté par mon Alakazam, lui-même dans sa Pokéball, afin de le cacher. Le détail du journal à l’envers était là pour attirer l’attention des plus curieux. Et en prêtant un peu plus attention au gros titre écrit dessus, on pouvait lire « Rok au tapis, la vente de tapis décolle ! ». Absurde, mais en réalité une enquête face au curieux phénomène de s’en acheter alors que c’était un criminel qui le mettait en scène. Au moins, il y avait des heureux grâce à moi, je suppose.

La rue était suffisamment fréquentée, mais pas trop non plus. Je supposais qu’on me repérerait assez vite si je trainais trop, alors je ne comptais pas m’éterniser avant de changer de place. Il me fallait juste attirer l’attention de ceux qui remarquent les détails chez les autres afin de les entrainer dans l’ombre et juger s’ils étaient aptes à prendre part au spectacle.

Qu’est-ce que je disais ? Il n’a pas fallu longtemps pour qu’on vienne me voir. Un gars, masqué, et un autre qui semblait réticent à l’idée de venir me rencontrer. Rapidement on me donna le contexte de pourquoi venir me parler. On voulait un autographe, voilà qui changeait de l’habituel. Mais c’était tant mieux. Deux énergumènes qui tombaient à point nommer. Si l’un désirait un autographe de ma part, et que l’autre était suffisamment détaché de tout ça, peut-être que j’avais trouvé un duo idéal.

Je baissais légèrement mon journal, pouvant toujours être lu en faisant un peu d’efforts, avant de baisser légèrement mes lunettes, afin de regarder par-dessus elles.

« Un autographe ? Bien sur. Une petite seconde. »

Je cherchais un crayon – toujours en avoir un sur soi quand on lit un journal, c’est toujours bon pour un bingo selon l’actualité – alors qu’une question un peu hasardeuse concernant les tapis fut posée.

« Les tendances du moment, je suppose. Ca se transporte. »

Une fois trouvé, je repérais bien le gars tout embarrassé par la demande de son ami, de ses dires. J’abaissais mon journal, claquant alors des doigts avant de lui faire signe de venir. Autant ne pas perdre de temps. J’allais plutôt rapidement voir ce qu’ils valaient. Je me levais, gardant mon journal toujours suffisamment levé pour éviter de trop porter attention sur mon visage.

« Godfroy, n’est-ce pas ? » Je pointais désormais le stylo vers lui. « Pourquoi chercher un autographe quand on peut aller au-delà ? Viens, suis-moi, allons dans un endroit où nous serons un peu plus tranquille. » Je dirigeais du bout des doigts mon stylo vers l’autre énergumène. « Toi aussi, on n’abandonne pas ses amis comme ça, n’est-ce pas ? J’espère que vous avez vos CVs sur vous, car vous êtes le millième visiteur à venir me parler. Vous êtes les grands gagnants, le millième chacun à votre manière, bien sûr. » Je m’approchais alors de Godfroy en lui tapotant le stylo sur le nez, avant de pointer son pull. « Il va juste falloir songer à avoir un meilleur goût vestimentaire, mais ça se corrige, ne t’en fais pas. »

Je tenais donc à ce qu’ils me suivent tous les deux. Le premier avait déclaré que Godfroy était son ami, alors il devait d’une façon ou d’une autre ne pas être dérangé que monsieur pull moche soit fan d’un criminel, hein ? Enfin, je veux dire, d’un comédien. Bien sûr. Je me dirigeais vers une ruelle beaucoup moins fréquentée, tout en surveillant à ce qu’ils me suivent. S’ils ne le faisaient pas, je veillerais à les contraindre. En attendant, il me fallait savoir qui ils étaient exactement, le genre de Pokémons possédés, à quoi étaient-ils prêts niveau infraction, jusqu'à où, tout ça tout ça. Et si au final c'était pour cafter que je préparais un coup par ici... Peut-être pourraient-ils faire parti du public plutôt que d'êtres des comédiens. Ou bien, des comédiens victimes ? Tellement de choix, de possibilités, d'idées pour parer aux différents scénarios se préparant à partir d'un simple choix de leur part !

Voyez-vous ça. Voilà qu’ils décidaient de m’attaquer. Enfin, ils… Surtout le plus bavard d’entre les deux. Je pourrais les rejeter et passer à d’autres personnes, mais c’était plutôt l’occasion de me jouer de la situation. Le temps qu’il envoie son Pokémon, qu’il demande à Godffroy de faire pareil avant de réaliser son erreur, je réagissais en envoyant mon propre Pokémon, me jouant du spectre adverse. Shandaemon, mon Lugulabre, fut mon choix. Il absorba le Feu Follet, augmentant sa puissance de feu.

« Quel dommage, » dis-je en me retournant, alors que nous nous étions engouffrés dans un coin tranquille. « Surchauffe sur le Fantôminus et garde-les sur place. Quant à vous, attendez juste un instant. »

Ni plus, ni moins. Je n’allais pas passer par quatre chemins et frapper un bon gros coup comme cela après ce boost était la garanti d’avoir un peu de calme. Je ne connaissais pas le niveau de ce Fantôminus, mais quelque chose me disait qu’il ne devait pas être très fort au vu de la situation, avec Godffroy et son Poissirène. Au pire on assisterait à un one-shot tranquille. Pendant que mon Lugulabre déversait son torrent de flammes sur le spectre adverse, je passais un appel les membres de mon groupe.

« Sur le qui-vive, hein ? […] Oui, j’ai besoin que vous vous occupiez de la collecte, finalement. Préparez la salle également. J’ai trouvé la star du jour ! Et un second rôle. Ce n’est pas ce que j’espérais, mais après réflexion ce sera plus drôle ainsi. […] Je vous laisse faire. Je dois m’occuper d’eux. »

Je raccrochais, alors que mon Lugulabre était en train de se balancer autour d’eux d’un air sinistre. J’étais parti du principe qu’après une telle réponse et la position de Godffroy, ils ne tenteraient pas de suite un nouvel assaut, ni de fuir. Quoiqu’il en soit, le coup de fil passé, je pouvais prendre de mon temps pour resituer le contexte.

« Bien ! Merci d’avoir patienté. Tout d’abord, sache que je ne cherche à voler la place de personne – à part celle de maître, un détail. Si tu veux jouer au grand méchant, rien n’empêche de se partager la scène. Cependant, aujourd’hui c’est plus avec notre grand gagnant, ce fier dresseur de Poissirène que j’ai envie de la partager ! Malheureusement, tu l’empêches de s’exprimer comme il se doit à vouloir le guider ainsi alors que tu n’es que secondaire. Laisse-moi deviner, t’essayes de devenir ce que les autres sont déjà ? Quelle manque de personnalité ma parole ! Quelle tragédie. Tout espoir n’est cependant pas perdu. Un second rôle est un titre explicite : tu as droit à ta place, et peut-être à ta chance de briller. »

Tout ça pour dire que celui qui se lamentait au sol était devenu celui qui était au centre de mon intérêt. Un pauvre gars, tout timide, voir gentillet. Et pourtant, il se disait apparemment fan de moi. Il y avait vraiment matière à modeler quelque chose. Peut-être faire naître une étincelle chez lui ? Ou au contraire jouer de son malaise et de sa peur et en faire le centre de toute une comédie ! Et vous savez ce qu’on dit à propos des timides : du théâtre pour les décoincer. Cependant, il y avait une autre possibilité que j’envisageais.

« Ou alors… Mmm. Si tu souhaites vraiment devenir Calife à la place du Calife, nous pouvons peut-être s’arranger. Ah, mais, je parle, je parle, et je suppose que vous ne savez même pas de quoi je parle depuis tout à l’heure. Quel étourdi ! Voilà ce à quoi je vous invite aujourd’hui : nous nous affronterons… Sur une véritable scène ! Non pas par le combat, mais par notre talent au cours d’une série de représentations ! Tout en gardant notre star du jour au centre de l’attention, évidemment. »

En parlant, je jetais mon journal en arrière. Il y avait le potentiel de faire quelque chose de grandiose, tout en se servant de l’envie de ce gars d’en découdre avec moi pour prendre ma place. Nous pourrions alors satisfaire les envies de chacun… Ou presque. Personne ne demandait l’avis de Godffroy, c’en était presque risible. Mais de toute façon, j’avais jeté mon dévolu sur lui. Je voulais qu’il soit la pièce maitresse de mon spectacle, alors il le sera.

« Le théâtre est déjà choisi et le public est déjà en train de… Se réunir. Le tout à mes frais. Une telle offre, ça ne se refuse pas, n’est-ce pas ? Le Tapis face à… A… Mais. Quel impoli, tu introduis Godffroy, mais tu ne t’es même pas présenté. »

HRP:

Que faisait ce Fantôminus encore debout, ou du moins flottant ? Ce n’était pas le poisson que je voulais voir grillé. Tant pis, cela aurait servi d’exemple. Ce qui intéressait mon interlocuteur, décrit comme le second rôle, c’était plutôt le fait que je sois un « vrai » méchant, et les raisons de devenir maître. Je l’étudiais rapidement, saisissant le côté perché du bonhomme, qui peut-être ne réalisait pas tous les tenants et aboutissants de ce que je voulais. Mh, finalement, peut-être que je pourrais me servir de cela de façon plus intéressante. Il ne serait pas n ‘importe quel second rôle finalement. Même une pièce importante du puzzle que je m’apprêtais à compléter. Je jouais le jeu, répondant à ses questions.

« Les gens me considèrent comme un vrai méchant, mais moi peu m’importe. Les gens ont déjà peur, c’est plus un divertissement pour moi que d’essayer d’accéder au sommet. La peur n’est là que pour que les champions finissent par accepter de m’affronter et de donner leur badge. Quant à comment je suis devenu comme ça… »

Je lançais un regard vers Godffroy et celui qui ne s’était toujours pas présenté.

« Plutôt que de te le dire, je préfère vous le montrer. En l’absence de nom de ta part je t’appellerai Emerick. Godffroy, Emerick, je vous invite à vivre des scènes basées sur ce que j’ai vécu, et laissez l’improvisation vous envahir. Car ma vie est une improvisation en elle-même. »

Ca n’allait pas forcément être des représentations basées sur ma vie, mais c’était histoire de donner un intérêt, peut-être, aux deux compères. Je ne savais pas si le surnommé Emerick avait tout saisi ou resterai bloqué dans son petit monde, mais Godffroy, lui, semblait heureux de la nouvelle. J’attendais leurs réponses, leurs réactions, avant de décider si je devais les emporter au cœur du sujet.