Deux silhouette se découpe dans le paysage sylvestre, se démarquant par leur démarche du monde végétal. La première est un homme adulte, l'autre une forme grotesque, tentaculaire, qui fait à peu près la même taille que l'autre. L'un marche à allure normale, l'autre oscille entre sautiller sur le sol, ou utiliser ses pouvoirs pour simplement glisser sur la surface du sol. Il s'agit de Oliver Raporow, champion de l'Imaginarium accompagné dans sa petite aventure par Maleficio, son Sépiatroce. Finalement les deux s'arrêtent sous l'ordre du dresseur, ce dernier un peu inquiet de l'état de fatigue de son Pokémon, vu sa marche quelque peu... inadaptée à la marche.
Ça va Male' ? Tu tiens le coup ?
Le brun reçoit très vite la réponse de son Pokémon dans son esprit. Ça allait faire un an quasiment que le poulpe était dans son équipe, mais Nocturne a toujours autant l'impression que le contact télépathique vrille dan son crâne, comme une perceuse.
Ne me manque pas de respect, humain ! Tu es peut être mon maître à l'heure actuelle, mais tu m'es inférieur ! D'ailleurs, pourquoi ne me portes tu pas ?! J'exige d'être porté séance tenante !!
Le natif de Sinnoh soupire. Il avait toujours entendu dire que les Sépiatroce était des dominateurs nés, capricieux, exigeants qu'on assouvisse la moindre de leurs envies. Mais il savait, enfin avait cru savoir, que ce n'était que des légendes urbaines. Et voilà qu'il se retrouvait avec le cliché vivant qui confirme la règle.
Il pousse un profond soupir exaspéré. Le Sépiatroce arrête immédiatement son cirque. Tout ça, ce n'est que de la frime, au fond il sait bien qui est le patron.
J'ai compris, je te masserai les pieds une fois qu'on sera à la maison. Reste tranquille, s'il te plait.
Le calamar mentaliste se fait un peu plus petit. Il aime simplement montrer qu'il peut être un dur, et il s'amuse à dire qu'un jour, il manipulerait tous ces humains pour dominer le monde. En vérité, il était juste une madeleine, doublée d'une diva avec un besoin d'attention. Mais il savait voir quand il poussait un peu trop son dresseur, et il culpabilisait ensuite. C'était rare toutefois que le dit dresseur était poussé à bout, mais aujourd'hui était un jour très spécial.
Plus tôt dans la journée, Nocturne avait été convoqué au quartier général de la Ligue, par ses nouveaux supérieurs. Comme d'habitude, dès qu'il mettait les pieds dans ce bâtiment, il était au mieux snobé, au pire traité comme un pestiféré. Fair enough, comme ils le disent si bien à Galar et Unys, d'avoir suivi un maniaque dans ses délires de conquête de la région. En plus pour suivre l'homme, et non pas les idéaux.
Monsieur Raporow. Il court de plus en plus souvent une rumeur inquiétante, au sujet de la Forêt Dense. On déplore une recrudescence des attaques de Pokémon sur les civils. Ou devrais-je dire d'un Pokémon sauvage. En effet, tous les témoignages s'accordent pour dire que l'auteur de ces attaques serait un Zoroark avec un cicatrice sur le visage et les yeux vairons.
Le cœur du brun avait raté un battement en entendant ça. Il n'y avait qu'un seul Pokémon qui correspondait à un tel signalement, et c'est bien ça qui effrayait l'ex-Commandant. C'était un membre de sa toute première équipe, Charly le Zoroark. Dérangé, manipulateur, psychopathe, à l'époque Nocturne l'avait simplement relâché, en pensant naïvement qu'il n'aurait plus jamais à avoir affaire à lui. Et voilà qu'à cause de sa décision, le Zoroark se mettait à attaquer des gens.
On ne peut pas effacer aussi simplement ses erreurs, lui avait-on appris un jour. Mais qui le lui avait appris, déjà ? Le nom et le visage de la personne ne lui revinrent pas en mémoire.
Voilà pourquoi il était dans cette forêt, pour la même raison qu'il avait tourné le dos à la criminalité et était rentré dans la Ligue. Il n'avait pas d'excuses pour les erreurs de jeunesse qu'il a commises. Il ne s'attend pas à un pardon, et ne croit pas à une prétendue rédemption. Mais le mieux qu'il peut faire maintenant, c'est... Tout simplement, agir. C'était ça qu'il avait aussi tenté d'expliquer à Nyssa Germanni, mais la situation sur le coup était un tel bourbier... Rien n'a voir avec une discussion à huis clos qui se serait déroulée tranquillement, autour d'une boisson chaude.
Allez, remettons nous en route.
Ils sont à présent bien plus enfoncés dans les bois. La lumière a de la peine à passer, à travers les branchages épais. On pourrait presque se croire en pleine nuit, si les rares rayons de soleil qui sont filtrés ne rappelaient pas la couleur naturel des éléments qui les entoure.
Une fois qu'on l'aura retrouvé, ne cherche pas à l'affronter. Il est beaucoup trop fort pour toi. Contente toi de nous servir d'interprète.
Comment es-tu sûr qu'il viendra ?
Oh, il viendra. Je t'assure qu'il viendra, à la seconde même où il flairera mon odeur. Il voudra me faire souffrir, je le connais bien. Il y a une pointe de nostalgie et de tristesse dans ces paroles. Nocturne sait bien qu'il doit faire quelque chose pour protéger Maïlys, et que Charly est dangereux pour les autres. Mais ils se connaissaient depuis... Si longtemps. Et lui qui était censé être son dresseur, il lui avait tourné le dos, et il l'avait abandonné lorsqu'on lui avait donné la possibilité de changer d'équipe.
Les minutes passent, et deviennent des heures. Maleficio ne se plaint plus, il s'amuse à connecter ses tentacules entre eux, encore et encore, ou à faire clignoter ses lumières pour tenter de prendre le contrôle des esprits de petits Rattata qui passent par-là. Son dresseur le laisse faire, dans la mesure où le Sépiatroce ne s'amuse pas à les blesser.
Écoute. Tu entends ? Nocturne rompt finalement le silence. Maleficio tend l'oreille, ou ce qui peut bien lui servir d'oreille. Mais rien à faire, il n'entend rien. Son dresseur hoche la tête. Il n'y a simplement rien à entendre, les oiseaux se sont tus. Ils sentent que quelque chose approche.
Et ce quelque chose arrive, droit sur nous. Il se relève tranquillement, imité par son Pokémon.
Là, en face d'eux, surgissant d'un buisson se tient... Nocturne. Ou plutôt, une copie physiquement conforme à l'apparence de l'homme brun, de la tête jusqu'aux pieds en passant par les habits, surgit du buisson. Maleficio ouvre son bec grand en "o", de surprise. Quant à son dresseur, un frisson glacé parcourt son échine. Mais il ne doit surtout pas montrer qu'il a peur. Si ça devait arriver, il aurait perdu le duel.
Bonjour, Charly. Il paraît que tu as été très vilain, hein. Alors, papa est venu te taper sur les doigts. On peut très bien être à deux pour jouer au petit jeu de celui qui va tenter de déstabiliser l'autre.
La copie Nocturne s'arrête devant eux. Un grognement sourd monte dans sa gorge alors qu'il est en train de changer, petit à petit. Les deux yeux noisette changent de couleur, l'un pour devenir brun, l'autre bleu. Et alors, les traits du visage changent pour devenir plus anguleux, plus secs, plus bestiaux alors que la brume pourpre de l'illusion se dissiper au vent.
Un Zoroark, dont les traits sont semblables à tous les autres, à deux détails près. D'abord, des yeux vairons où luisent de la colère, et une cicatrice en forme de croix sur le visage. La chose avait été affublée d'un surnom pathétique, Charly, en référence à la série Où est Charlie ?, de par sa capacité à se fondre dans une foule. Un spectacle tout aussi effrayant que pathétique.
Tu n'aurais jamais dû revenir ici, commence à traduire la voix mentale de Maleficio.Si tu étais resté caché, tu aurais pu couler des jours tranquilles, peut être sans jamais me revoir. Mais voilà que tu viens te jeter dans la gueule du Zoroark...
Nouveau grognement. La gorge du brun se ressert en contemplant ces crocs et ces griffes. Maleficio est son seul rempart de défense sur les choses ne se passent pas comme Nocturne le prévoyait.
Resté caché ? J'ai laissé ces mauvaises habitudes derrière moi. J'ai décidé d'arrêter de chercher des excuses, un prétexte ou une personne derrière qui me cacher pour justifier mes choix. Oui, tu m'as toujours effrayé, et oui je t'ai laissé derrière pour cela. Et j'en suis désolé, crois le bien. Craindre ses propres Pokémon est indigne d'un dresseur qui souhaite se spécialiser en Pokémon Ténèbres.
Pas besoin de Maleficio pour entendre le rire monstrueux que laisse échapper le Zoroark. Un rire malsain, grotesque, proche de l'esclaffement névrosé d'une hyène.
Changer ? Ne me fais pas rire. Quoi, tu vas me dire que t'es un bon samaritain, à présent ? Tu veux m'empêcher de faire du mal aux autres ? Essaie un peu, pour voir... Tu peux avoir les autres, mais pas moi.
Nouveau soupir de Nocturne.
Tu te trompes, sur plusieurs points. Je ne suis pas un samaritain, je ne fais pas une chasse aux sorcières pour purger le monde. Plus maintenant. Je suis simplement devenu mon propre chef. Si je fais quelque chose, c'est parce que je l'aurais décidé. Et pour faire amendement, c'est pareil. Je m'excuse si j'en ai envie, si je suis vraiment désolé. Et ici, c'est le cas. Tu as été abandonné, marqué à vie par des humains ignobles, et tu avais peur. Tu te méfiais. Tu avais seulement besoin...
Le dernier mot a du mal à sortir, tellement il allait faire mielleux et ridicule. Mais l'heure était à la sincérité, et au partage, pas à la fierté mal placée.
...D'amour. Et je t'ai refusé cet amour, simplement par peur, alors qu'au fond, tu n'as jamais rien fait qui m'ait blessé. Alors, non, je n'ai aucune envie que tu tues des gens, et surtout à cause de moi.
Nouveau grognement, sauf que cette fois, il s'accompagne d'un assaut. Le renard s'est élancé, probablement énervé par un tel discours. Maleficio s'élance pour tenter de s'interposer, mais son dresseur lui crie mentalement de rester là où il est. Tout ça fait partie du plan, pour le moment. Même si ça va faire mal. Une morsure de Zoroark en plein dans le bras, le brun doit se faire violence pour ne pas hurler. Il doit dominer cette douleur, sinon il ne domptera jamais Charly. Le temps semble s'être figé en même temps que son bras dans la gueule du Zoroark. L'odeur cuivrée du sang commence à envahir l'air.
C'est parfait. Tu n'avais pas besoin de t'en prendre à d'innocentes personnes... Si tu voulais passer tes nerfs sur quelqu'un, tu n'avais qu'à venir me voir plus tôt.
Finalement, le renard lâche le bras, mais pour mieux avoir la gueule libre pour frapper à nouveau. Ou pour parler à nouveau.
J'en ai rien à faire, de ta crise existentielle, tu m'entends ? C'est moi qui...
Mais Maleficio n'aura jamais le temps de terminer la phrase étouffée par les larmes de Charly. Ce dernier est déjà en train de se faire aspirer dans un halo blanchâtre, directement dans une Poké Ball. Les trois tours nécessaires à valider la capture effectués, Charly était attrapé, ou rattrapé.
Gros soupir, de soulagement cette fois. Le brun s'autorise même à tomber sur le dos, savourant le contact de l'herbe. Il va vivre un jour de plus. Maleficio prend délicatement son bras entre ses tentacules, en essayant de le serrer pour arrête le sang ? Ou quelque chose dans le genre, après tout le calamar n'est pas un médecin spécialisé pour les humains.
A présent qu'une barrière de verre protège Nocturne de son Pokémon, ils allaient enfin pouvoir discuter tranquillement.
Il pleure..., l'informe Maleficio, le poulpe à lui-même semble chamboulé.
Les yeux fermés, tentant de reprendre son souffle, Nocturne demande.
Et qu'est-ce qu'il dit ?
Il... il répète une phrase en boucle, même dans son esprit... "C'était nous ton équipe, et tu nous as abandonné"...
Yare, yare. La première équipe de Nocturne. Il les avait relaché, mais pas sans les avoir concerté. Tous avaient approuvé, et ils étaient à présent en excellente santé, quelque part dans la nature. Il n'y avait que Charly qui... Tout cela, Maleficio put le lire dans l'esprit de son dresseur, aussi ne pose-t-il aucune question.
On a du travail qui nous attend, avec lui. Il regarde Charly a travers la sphère de verre. On n'efface pas facilement les erreurs du passé. Mais on est libre d'écrire le présent pour le rendre un peu meilleur.
_________________Oliver écrit en [color=#666633]