Pleine-Lune [ PV Paul Daruko ]

Les pokémons de la forêt savant tous quelle petite fille représente Luna Dulcis. Certains l'aiment, d'autres la craignent, mais tous la connaissent. Au village des humains d'Avalaville et autour, que ce soit les petites ou grandes instances, il y en a peu qui savent qui elle est réellement. Il y a des gens qui méprisent la famille Dulcis à cause de l'extravagance de cette petite fille de 8 ans, d'autant plus quand un cadavre a été retrouvé près de leur domicile, mutilé, de la même manière que des pokémons dressés. La petite, bouleversée, pensa que c'était de la faute d'un homme qui l'avait attaqué, mais beaucoup de monde traduisit cela par un meurtre délibéré d'une gamine psychopathe. Quoiqu'il en soit, quelques mois après l'affaire, Luna reprends ses activités nocturnes, à prier dans la forêt. Elle ignore les gens qui la traite de sorcière, et parle avec les pokémons qui s'approchent d'elle.

Luna sait que la Lune lui confère des pouvoirs. Elle ne veut pas y penser mais est obligée d'y faire face. Elle comprend que son pouvoir grandit au fur et à mesure de la distinction de sa mère la Lune. Lorsqu'il n'y a pas de présence de l'astre, Luna semble faiblarde, déprimée. Son humeur se voit dégradée mais pas anéantie: sa mère reviendra. Quand seulement la Quart de la Lune est présent, c'est l'espoir qui teinte ses yeux et ceux qui croisent son regard. Alors que la Demie-Lune se montre dans le ciel nocturne, c'est le bonheur qui se lit. Luna sourit et le transmet aux autres, elle parvient à faire sourire les gens. Trois-Quart de Lune signifie que bientôt ses pouvoirs seront à maturité, mais aussi qu'elle doit apprendre à les contrôler. Tout cela signifie la bienveillance, et l'envie de toujours faire le bien autour de soi....

...et quand parvient la Pleine-Lune, Luna s'emplit d'une lumière infinie.

Ses yeux sont grands ouverts en permanence, et elle transcende son être. Tout le monde se sent heureux, bien, dans un éternel bonheur, se confesse et expie ses péchés. Il faut une détermination de fer pour échapper à cette envie d'être heureux. Qui serait capable d'arrêter l'envie de bonheur de Luna quand cette dernière, là, près de ce chemin d'Avalaville en bordure de forêt, discute avec un Vivaldaim, ou qui serait apte à rentrer en osmose avec elle pour bénéficier des effets de son pouvoir ?

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Il y a beaucoup d'arbres, dans cette forêt...

Un nombre était indispensable à la compréhension de cette scène : trois. Trois jours qu'ils étaient arrivés, trois jours avant leur départ, trois heures depuis le lever de la pleine lune, trois kilomètres qui séparait Paul de l'hôtel et 3 grammes d'alcool par litre de sang. Les bases thermales du village d'Avalaville étaient la première étape de sa cure antidépressive ; cure qu'il ne respectait évidemment pas. Lahad l'avait naturellement suivi, trop heureux de faire un peu de tourisme. Mais comme le disait le proverbe : Chassez le naturel, il reviendra au galop. C'était notamment pour ça que Paul était en train de longer un chemin de terre limitrophe à ladite forêt,  veste en main, sans savoir depuis combien de temps il marchait ni même comment ses jambes avaient pu le soutenir jusque là.

Après quelques minutes de randonnée - de ce qu'il pouvait se souvenir - il arriva enfin à un semblant d'habitations. Son attention fut cependant attirée par une autre scène beaucoup plus singulière. Une petite fille - 8-9 ans à en juger par sa voix - discutait tranquillement avec un Vivaldaim. La fillette ressemblait à une étrange poupée avec sa robe et son serre-tête assorti. Les rayons de la pleine lune donnaient au tableau une teinte onirique, tel une rencontre entre deux esprits. Paul se rapprocha légèrement du duo, gardant une certaine distance. Le cervidé le remarqua en premier, suivi de la petite fille. Mal à l'aise, l'inspecteur déglutit et se rapprocha de la poupée. Il remarqua que cette dernière avait les yeux grand ouvert, limite rond. À deux mètres de la fille, il s'arrêta et lui dit d'une voix étrangement forte et claire :

"Ce n'est pas une heure à se balader pour une jeune fille de ton âge. Tu t'es perdue ?"

Paul regretta sa dernière phrase.

C'est sûr qu'un touriste aura plus de chance de connaître le chemin que toi...

La créature pokémon dirigea durant la discussion psychique son regard vers le chemin en bordure. Quand Luna le suivit, ses grandes pupilles éclairèrent l'individu qui s'approchait et se plongèrent dans celles, fatiguées, de l'homme mûr en question, avançant à pas difficiles. Il semblait à la limite de l'effondrement mais pourvu d'une vigueur encore réelle, ses vêtements froissés et sa veste trainante. Ses cernes trahissaient quelque chose, encore aurait-il fallu que Luna sache quoi pour cibler son analyse. Elle le fixait, elle cherchait dans son âme, directement dans chaque pièce de son esprit, des informations sur ses tourments. Cependant, ce ne fut pas elle qui lança la discussion, mais bien lui:

-Ce n'est pas une heure à se balader pour une jeune fille de ton âge. Tu t'es perdue ?

Ne vivant que la nuit, ou presque, la fille Dulcis était habituée à la lumière de sa mère la Lune, qui la guidait dans ces forêts humides chaque minute. Ne voulant pas raconter cela, elle évita d'y répondre. Bien entendu, elle savait où se situait sa maison et pourrait facilement y retourner. Devra-t-elle le guider ? Il gardait une certaine distance d'elle, une certaine peur l'enveloppait peut-être. Mais il ne bougeait pas, restait immobile en la regardant. Elle avait noué le contact, elle devait poursuivre:

-Je m'appelle Luna Dulcis. Dites-moi, qu'est ce qui vous amène ici ?

La Lune brillait de milles feux, consumant la haine. Quel état d'esprit Luna parviendra-t-elle à provoquer chez son nouvel ami, ou en tout cas, son nouveau patient ?

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*Où est-ce que je me suis encore fourré ?*

La poupée venait de lui répondre... à côté. Elle semblait éviter le sujet des sorties nocturnes dans la forêt, comme si elle cachait quelque chose. Après tout, le multiple meurtre d'un homme et de ses Pokemons avait été perpétré dans les environs quelques mois auparavant. Un collègue de Port Lieucca avait résolu l'affaire en à peine une semaine - Paul le suspectait d'ailleurs de l'avoir plutôt bâclé que bouclé, vu que bon nombre de rumeurs circulaient encore sur la gamine qui avait découvert les cadavres.

*Attends, c'est elle ?*

L'inspecteur recommençait à reprendre confiance en lui. Enfin, "confiance" est un bien grand mot pour désigner le petit boost d'ego qu'il avait eu en se rappelant l'objet de son métier.

"Paul Daruko, membre du commissariat de Port Lieucca. J'aurai quelques questions à te poser, petite."

Il réussit à surmonter l'ambiance quelque peu dérangeante de la scène et fit un pas, puis un second, puis encore un autre jusqu'à arriver devant la petite fille... Ah non. Sa jambe droite avait décidé de le lâcher à quelques décimètres d'elle, l'obligeant à mettre un genou à terre.

*Et m*rde. Je ne suis pas du tout en état de faire un interrogatoire.*

Paul se rendit compte de l'ironie de la situation : pour une fois qu'il était motivé à faire correctement son boulot dans de telles conditions, son corps l'abandonnait lâchement. Une étrange quiétude commençait à s'immiscer dans son esprit, chassant peu à peu les craintes de l'inspecteur. Ce dernier sortit un de ses rires de bonne foi - quoique un peu nerveux et surtout amoindri par la fatigue - et glissa entre deux ternes éclats :

"Tu pourrais d'abord m'aider à me relever, s'il te plaît ?"

Il se remémora soudainement qu'il avait oublié de faire une chose avant de partir de l'hôtel. Quoi exactement, il essayait tant bien que mal de s'en souvenir ; mais elle avait un rapport avec ce pourquoi il était là, la raison de son transfert à Maïlys.

*Le représentant de la police Sinnoise, qu'ils disaient...*

Si l'on voulait parler grossièrement, on aurait pu dire que Luna défigurait cet homme. On exprimera plutôt cela par le verbe " Observer ". Effectivement, la jeune fille contemplait chacun des traits de son visage meurtri. Oui, meurtri, c'était ça qu'elle ressentait. Elle remarquait une certaine anxiété en lui, comme un feu presque éteint qui peine à chaque fois à se rallumer, laquelle agit avec vigueur pour, sans que le vent ne l'attise assez. Elle analysa aussi ses vêtements et son attitude. De toute évidence, il avait eu une vie ou mouvementée, ou triste, ou torturée. Les trois ? L'air d'un instant, il leva un sourcil, comme si Luna l'intriguait. C'était réciproque, alors.

Il finit par bredouiller quelques mots, prit d'une sorte d'envie:

-Paul Daruko, membre du commissariat de Port Lieucca. J'aurai quelques questions à te poser, petite.

Port Lieucca ? Ce n'était pas près d'ici. Le dénommé Paul semblait alors vouloir faire une enquête ici. Dans son état ? Bonne question. Il n'avait pas l'air de pouvoir y arriver. En tout cas, Luna savait ce qu'il lui voulait: le meurtre du dresseur qui l'avait attaqué, elle et la jeune femme qu'elle n'avait pas pu sauver. Une horrible femme qui avait presque réussi à goûter à la repentance. Luna prit ça comme un échec, et un jour elle retrouvera cette femme et la guidera vers la lumière, si l'ombre ne l'a pas déjà écrasée. Quoiqu'il en était, Luna rétorqua tout en gardant le contact visuel:

-Je serai ravie d'y répondre, monsieur, mais la Pleine-Lune approche.

Il était vrai. Il ne restait pas plus d'une dizaine de minutes avant que sa mère la Lune ne l'emplisse d'une puissance étrange et fabuleuse. Elle espérait qu'aucun être ne la voit durant cette nuit de lumière pure, mais le destin en aurait voulu autrement.

C'est alors qu'elle vit Paul Daruko tomber en tentant d'avancer:

-Tu pourrais d'abord m'aider à me relever, s'il te plaît ?

Elle s'approcha et s’exécuta malgré sa force ridicule. Elle sentait en elle les effluves lumineuses qui pénétraient déjà dans son corps. Non, il ne fallait pas qu'il la voit. Elle n'avait jamais essayé d'aider quelqu'un dans cet état et ne savait pas ce qu'elle était capable de faire. Une fois qu'il ut debout, Luna commença à s'enfuir, disant au revoir d'un coup d’œil au Vivaldaim et espérant que ses petites jambes réussissent à semer celui qui ne tenait pas sur le siennes.

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*Courageuse...*

Paul ne savait quoi faire entre remercier la poupée pour son aide ou l'insulter pour avoir fui. Enfin, la dernière option n'était pas très honorable de la part d'un représentant de l'ordre. Mais d'un ivrogne... peut-être ? La petite fille - Luna Dulcis, comme une personne civilisée devrait l'appeler - semblait craindre quelque chose ou quelqu'un. C'est ce que l'inspecteur avait cru lire dans son regard avant qu'elle ne se retourne.

*Le comportement classique d'un gosse qui en a trop vu. Mais comment elle a pu...*

Son esprit n'arriva plus à formuler de phrases claires ; l'éthanol pompait trop d'eau dans son cerveau. Machinalement, il balaya du regard les alentours à la recherche d'un repère pour le peu de raison qui lui restait. Rien n'était fixe : les lignes de la route, les arbres, la bordure de la forêt, le Vivaldaim...

"T'es toujours là, toi ?"

Le jeune faon semblait être resté à sa place quand Luna avait pris ses jambes à son cou. Impossible de savoir si ce Pokemon lui appartenait ou pas, mais il devait sûrement attendre son retour. L'inspecteur n'en avait pas réellement quelque chose à faire. Il essaya de se tenir droit et de relever son visage, jusque là encore affaissé. L'obscurité ambiante restreignait la portée de sa vision à quelques dizaines de mètres. Il réussit cependant à discerner une forme humanoïde s'éloigner.

*Pas très rapide, la gamine.*

Mais toujours plus que lui. L'appel de la justice - certes de la justice alcoolisée, mais quand même de la justice - puisa dans ses réserves pour le faire avancer sans que son corps ne lâche. Et ce n'est pas le fait qu'une fillette de huit ans creusait l'écart avec lui qui allait le décourager.

*Avec un peu de chance, elle va gentiment s'arrêter...*

Paul n'eut le temps de finir sa phrase que la silhouette cessa de bouger. Il fronça les sourcils, intrigué par cette action et plus encore par son don de prédiction. Son corps continuait de tituber vers elle ; son esprit était quant à lui concentré sur un tout autre problème.

*Et là, je reçois un appel de Port Lieucca pour me dire qu'on me renvoie à Sinnoh en tant qu'inspecteur-chef.*

L'inspecteur attendit quelques secondes que son téléphone, mais rien.

*Il doit être sur muet. La secrétaire me laissera un message au pire.*

Luna était toujours immobile, comme empaillée sur place. La distance devenait de plus en plus courte. Ce n'était plus qu'une question de secondes avant que Paul ne rattrape sa cible.

Elle DEVAIT fuir. Luna ne DEVAIT pas rester ici alors que s'enclenchait la Pleine-Lune. Alors qu'elle courrait pour ne pas blesser le dénommé Paul Daruko, elle se remémora les quelques fois où elle avait rencontré la Pleine-Lune, ou plutôt les moments les plus significatifs.

Bébé, quand les Dulcis recueillirent la petite fille, il arrivait qu'elle rencontre les rayons de la mère Lune alors que celle-ci se montrait entière. Le bébé devenait agité, hurlait et était pris d'une force étrange pour un enfant. C'était en tout cas ce qu'avaient révélé les Dulcis à leur petite-fille adoptive.

Vers ses 4 ans, quand Luna commençait réellement à prendre conscience de ses pouvoirs et à mettre des mots dessus, elle regardait les Pleines-Lunes et découvrait ce qui arrivait. Par peur, elle se cachait dans un grenier et y passait ses nuits.

Mais vers ses 7 ans se montrèrent les pires problèmes liés à la Pleine-Lune, et à la fois les meilleurs: lors qu'elle avait oublié l'évènement, elle se trouvait en forêt et s'amusait avec les pokémons. Une joggeuse de nuit put la voir alors que les effets étranges de sa mère la Lune la transformait, et elle prit une vidéo avec un appareil: Luna changeait ses yeux en de grandes pupilles d'une seule couleur, comme un monstre déchainé, et ses cheveux frissonnaient, détachant son serre-tête, une très fine aura recouvrait son corps, et une lumière jaillissait même de celle-ci. Enfin, ses yeux amenaient les pokémons à elle comme un aimant de bonté, et elle les contrôlait à moitié, manipulant psychiquement leurs sentiments. Certains pokémons psys, ou certains autres avec une volonté de fer réussissaient à entraver cette habileté de Luna. Les humains, eux, ont des défenses mentales que n'ont pas les pokémons, ce qui ne veut pas dire que les humains échappent compétemment à cette puissance. C'est simplement que les pokémons sont plus sensibles par nature à toutes ces forces. Mais une personne niaise, créative ou croyante pourrait par exemple tous aussi bien pêtre envoutés par Luna.

Avec ce pouvoir, elle s'approcha de la joggeuse, ce qui la paralysa à moitié, et la jeune fille détruisit l'appareil qui filmait. Avant que quelque chose d'autre ne se passe, la femme qui subissait ces effets détala comme un laporeille, prit d'une peur terrible à la vue de cette petite fille aux yeux monochromes et de ces pokémons sauvages qui la suivait. Ce que ne savait pas Luna, cependant, c'était que sur son visage était en permanence affiché un sourire d'une gentillesse pure, même quand elle sombrait dans l'inconscience de la Pleine-Lune.

Ainsi elle s'arrêta, n'ayant pas pu fuir alors que Paul Daruko la poursuivait. Elle se stoppa net et tous les effets de la Pleine-Lune apparurent, la lumière, l'aura, les yeux...et Luna se retourna, pour parler à Paul Daruko. Mais elle ne dit rien, elle se contenta de le fixer, jusqu'à ce qu'il ait une réaction. Le petit Vivaldaim s'approcha, lui, doucement de la petite fille...hypnotisé.

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Le monde autour de lui s’était figé le temps d’un instant. Plus rien ne semblait pouvoir bouger ; ou plutôt semblait vouloir bouger. Pas même l’air. Quelques habitants de la forêt commençaient à s’approcher silencieusement de la poupée grandeur nature, et d’autres étaient sûrement à venir. En fait, Paul ne se rendait pas compte qu’il était le seul à s’être immobilisé face au regard de Luna.

Ce qui lui restait d’attention était focalisé sur la fillette qui le fixait – elle et l’événement paranormal autour. Il maintint l’échange de regard du mieux qu’il le pouvait, comme dans ces films de western où le héros était capable de lire la peur dans les moindres mouvements de ses opposants. Sauf qu’il n’y avait pas vraiment de peur à lire dans ses yeux ici.
En fait, l’esprit de l’inspecteur n’était pas assez clair pour pouvoir être sondé. Il sentait que l’atmosphère avait changé, que cette Luna en face de lui en était la cause. Il sentait qu’il était au cœur de son spectacle, qu’il en était le seul spectateur, et peut-être même acteur malgré lui.

A la limite de son jeu lunaire.

Paul resta longtemps immobile, toujours enfoui dans ses pensées, ses yeux bleus rivés sur les yeux blancs de Luna. Sa langue n’attendait qu’un ordre de son cerveau pour commencer à l’interroger, et ses jambes pour commencer à fuir, mais ses craintes disparaissaient aussitôt qu’il pensait à elle. Paul avait cette étrange impression qu’il connaissait Luna depuis longtemps – bien qu’il sache que non – et qu’il pouvait se confier à elle sans risque. Mais confier quoi ?

*Et pourquoi ?*

La réponse n’eut pas le temps de lui parvenir. Un violent mal de tête paralysa l’inspecteur sur place avant même qu’il put bouger ses lèvres. Il grimaça sous la douleur, se tint le crâne avec ses mains et finit à genoux, courbé vers le sol. Sa vue et ses idées devenaient de plus en plus troubles, là où elles étaient restées limpides. Quelque chose venait de tout chambouler dans sa tête, quelque chose de puissant et de familier. Mais quoi exactement ? Un mot réussit à se former dans son esprit, qu’il répéta machinalement d’une voix étouffée par la souffrance.

"L’orphelinat..."

-Luna...

-Qui...Qui me parle...?

-Luna !

-Oh...je sais...

-Sois forte !

-Je ne peux pas...

Où était elle ? Luna se demandait ce qui avait bien pu se passer. Oui, il y avait quelqu'un en dehors, un homme. Ses derniers souvenirs...La Pleine Lune ! Oui, c'était ça ! Luna était passée en sa phase de Pleine Lune. Quelle idiote, elle avait oublié, c'est ça ? Tout était de sa faute. Ce pouvoir...était parfois un fardeau. Quelqu'un lui parlait...Et cette personne, c'était sa mère la Lune, à l'intérieur de son esprit, qui tentait de l'aider. Une image mentale d'elle-même agissait alors dans un espace blanc infini. Luna Dulcis détestait affronter ça, mais c'était la première fois. D'habitude, elle ne voit pas ça. Pourquoi alors sa conscience l'aidait elle ? Enfin, si il y avait moyen de contrer les effets de la Pleine Lune, Luna devait essayer, sinon quoi elle risquait de faire du mal à ce...Tol ? Bal ? Bol Varoudo ? Za Warudo ? Bref, il le fallait. Avançant dans cet espace, elle finit par discerner des sortes de portes. Elle alla devant l'une d'elle et l'ouvrit. La porte ne menait nulle part. Rebelote sur les portes suivantes. Quelle énigme se manifestait là ?

Au dehors, Luna Dulcis, corps sans esprit, laissait ses petits pas s'approcher de Paul Daruko. Ses cheveux détachés lévitaient vers le haut, ses yeux monochromes fixaient le coeur de Paul et l'enserrait, son sourire envoûtant garantissait son emprise, et ainsi, juste devant l'homme effondré, elle plaça sa main. Sa petite voix, étrangement aggravée, annonça:

-Oh, ça va aller. Tu rejoindras les autres frères du soleil dans le pays du confort. Suis moi, je vais t'y emmener. Oh oui, suis moi.

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La céphalalgie maintenait au sol cette homme qui n’était maintenant plus que peau de chagrin face aux forces qui l’entouraient. Sous la douleur, Paul serrait instinctivement les paupières et les poings, réprimant ses râles par manque d’énergie. Il se sentit se désincarner, devenir une marionnette à laquelle on avait coupé les fils. Quelque chose voulait lui subtiliser sa conscience et commençait à le reprogrammer. L’espace d’un instant, le contrôle de son fil de pensées lui échappa. Il n’en fallait pas plus pour réveiller un mal enfoui au plus profond de sa mémoire.


"Pour moi et pour les autres…"

Une première vague de réminiscences venait de passer. Il avait l’habitude de ce genre d’expériences – il avait un traitement pour ça. Mais quelque chose différait cette fois. Même avec les yeux rivés sur le bitume, il était conscient – un miracle – de la personne en face de lui. Ses mots s’étaient mêlés aux souvenirs de l’inspecteur, réussissant à pénétrer son esprit.
Paul resta immobile les secondes qui suivirent sa première hallucination. La douleur commença à partir ; non, c’était lui qui recommençait à perdre le contrôle. Le peu d’instinct qui lui restait lui ordonnait de tenir bon, au moins le temps de recouvrer assez d’énergie pour fuir. Mais était-ce ne serait-ce que possible…

Luna continuait d'ouvrir les portes, unes à unes, de plus en plus vite. Dans son petit esprit troublé, elle voyait les murs et les escaliers dans tous les sens, la maison virtuelle de sa tête n'avait aucun sens. Cependant, elle avait espoir: chaque porte qui ne menait à rien la rapprochait de celle qui la libérerait. Ce n'était pas la première fois qu'elle venait ici maintenant qu'elle y pensait, mais jamais autant de portes n'étaient apparues d'un coup. Luna n'osait pas imaginer ce qu'il se passait en dehors. La dernière fois, elle avait...

-NON !

Une dizaine de portes apparurent alors, à tous les endroits: en haut, en bas, à droite à gauche, derrière et devant. Luna comprit: c'était la peur ! Elle ne voulait pas se souvenir de la dernière fois et cela lui fit pousser un cri de terreur ! Cet endroit matérialise tous les doutes de Luna. Elle doit faire un effort et arrêter de penser à ces sentiments négatifs...Il le faut, ou cet homme sera blessé.

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Le pauvre vagabond affalé par terre ne s'attendait pas à ça. Luna se mit à genoux et commença à caresser son crâne comme un chat, avant d'avancer ses mains directement sur son cou. Si ce ne furent que les mains d'une petite fille, elles étaient emplies d'une force considérable, celle d'une personne adulte au moins. Elle plongeait ses yeux incroyables dans ceux de Paul Daruko pour garder le contrôle, non sans arrêter de maintenir cet effroyable et ravissant visage empathique.

Puis elle força, pour étrangler sa victime. Ses mots se montraient plus incisifs, mais elle ne faisait pas ça en croyant obéir au mal:

-Le pays du confort sera bientôt là...Laisse toi emporter. Je t'emmène là où tu dois. Merci pour toi, d'avoir alimenté la flamme de ton père le Soleil.

Son visage dériva vers la droite, comme frappé d'une droite. Elle laissa échapper de ses lèvres un étrange "non" convaincu ! Quelque chose se tramait.

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Son retour à lui fut plus brutal qu'il ne le pensait. Sous l'assaut de ses souvenirs, la poupée avait profité de sa paralysie pour appliquer ses mains sur sa gorge et appuyer. L'inspecteur ne savait pas le nombre de secondes qu'il s'était passé depuis sa dernière inspiration, mais le discours de Luna ne lui arrivait déjà plus que sous la forme d'un écho lointain. Il devait réagir avant que ses sens et forces ne l'abandonnent définitivement.
Son corps ne répondit cependant pas à son envie de se débattre. Quelque chose lui happait toute animosité, comme une sensation de... délivrance. Quelque part, dans son esprit, s'instillait l'idée que cet étranglement – ou plus la possible mort qui allait suivre – était nécessaire. Ce grain de sable dans sa volonté fut suffisant pour lui gâcher sa précieuse seconde de cerveau disponible. Pour de bon, il sentit son esprit partir en même temps que le tonus de ses muscles.

La balle était maintenant dans le camp de Luna Dulcis... Ou de ce qui avait bien pu la remplacer.

HRP: