[Terminé] Demande Singulière [Nocturne]

Des images lui revenaient. Le son d'un cloche qui résonne au loin, le son de l'ut aigu fracassé contre le cuivre, porté au loin par les montagnes qui répercutaient l'écho. Des stries noires et blanches, confuses, parsemées de gris. De ce blizzard émergea une femme, brune, à peine vêtue d'un manteau brun et d'une écharpe rouge contre la tempête. Elle le regarda, un sourire chaleureux sur ses lèvres. La femme maigrit alors, d'une façon imperceptible au début, puis ce fut de plus en plus flagrant. Les os nets commencèrent à râcler sa peau, manquant de peu de la transpercer. Il avait à présent le fantôme d'une femme qui le regardait. Les flocons de neige qui tombaient inlassablement sur sa peau s'accumulèrent alors pour devenir de véritables cristaux de glace qui parcouraient tout son corps. L'écharpe était tombée de son coup, balayée par un vent invisible, pour venir se nouer autour de sa taille. La Momartik contemplait Oliver d'un regard sinistre et nostalgique.

Strauss le ramena à la réalité. Oliver déglutit en silence, une goutte de sueur perlant contre sa tempe.

Je vois. La plupart des gens ont le même sentiment que vous aviez, qu'il ne s'agit que de jolies choses qui valent une fortune... mais c'est tellement plus que cela. Une oeuvre d'art raconte une histoire, transmet des émotions, est le témoin d'une époque, la vision du monde d'un artiste... Tant de choses qu'ignorent tellement de gens... mais je suis ravi que vous n'en fassiez plus partie, désormais.”

Le jeune Commandant sentait bien la passion dans la voix de son collègue, dans chacun des gestes que son homologue prenait soin d'utuliser pour étayer son argumentaire. Reprenant peu à peu ses esprits, et s'intéressant au présent, Nocturne se demandait quelles pouvaient être les limites d'une telle passion. Et surtout, s'il pouvait l'exploiter, comme faire miroiter un tableau contre un service ou une information, pour plus tard. Pouvoir acheter, même occasionnellement, les services d'un autre Commandant était un luxe sur lequel le Ninja ne cracherait pas.

“Puis-je vous demander ce qui est arrivé à votre Momartik, si ce n'est pas trop indiscret?”

Strauss venait de poser cette question qui marquait un intérêt pour les pensées du Ninja. De la fausse courtoisie, aux yeux du brun. Ses années sur le terrain et ses nombreuses discussions avec toutes sortes d'individus lui avait appris à se méfier des premières apparences. Peut être que Strauss était vraiment intéressé par le sort de son Pokémon, après tout, Nocturne ne connaissait pas encore assez son collègue pour connaître son avis sur la question des Pokémons. Mais Nocturne préférait partir pessimiste quitte à être agréablement surpris. Aussi il était préférable de considérer que derrière cette question, Frauss cherchait soit à recolter des informations sur son jeune collègue, soit tentait de gagner sa sympathie pour obtenir un service. Qui sait, peut être d'autres tableaux ?

Nocturne se râcla la gorge. "Pour être tout à fait honnête, je l'ignore. Je connaissais ce Momartik lorsque j'étais à Sinnoh, mais lorsque j'ai quitté la région, je l'ai perdu de vue. C'est bête de perdre ainsi un Pokémon qui nous est cher, vous ne trouvez pas ?" Il n'y avait aucun sous entendu dans les propos de Nocturne, il renvoyait simplement la balle pour faire poursuivre la conversation. Bien entendu, il mémoriserait avec soin les informations que Strauss déciderait de lui dévoiler, ou non.

Nocturne ne dit rien, mais quelque chose sonnait faux chez son homologue lorsque Strauss répondit au sujet des Pokémon. Peut être que le jeune Commandant interprétait un peu trop les réactions de son collègue. Une rencontre entre deux Commandants n'avait rien de reposant. Et le Ninja devait bien se l'avouer, sa mission l'avait déjà épuisé physiquement, maintenant il avait été éprouvé par la vision du tableau et les souvenirs du passé. A ce rythme, Strauss allait finir par deviner que quelque chose n'allait pas, si ce n'était pas déjà fait.

« Vous êtes donc aussi allés à Sinnoh par le passé… Une très belle région, n’est-ce pas ? J’y serais bien resté si je n’avais pas dû fuir les autorités, maudites soient-elles… Et vous, que faisiez-vous dans cette partie du monde ? »

La question de Strauss était si soudaine. Nocturne resta un moment silencieux. Il commençait à ressentir le poids de ses membres, si lourds... Ses paupières aussi commençait à le peser. Ça ne ressemblait pas au commandant de se montrer si faible, surtout en public... Mais la vision de ce tableau l'avait sacrément retourné. Penser à Momartik, et surtout, penser à Maman... Faisant fi de sa fatigue, le brun réussit à fixer son homologue droit dans les yeux. Pouvait-il répondre à Strauss ? Toutes ces informations sur le passé de Nocturne n'avaient aucun impact sur son présent, Strauss ne pourrait pas s'en servir contre lui. Mais Nocturne n'aimait pas, pour la simple et bonne raison qu'en parler le faisait se sentir vulnérable. Pourtant, les mots sortaient de sa bouche sans qu'il se rende vraiment compte qu'il formait des phrases.

"Je suis né à Sinnoh, à Voilaroc, en banlieue... Mes parents ont été... Peu présent dans ma vie... Mon père était une petite frappe de quartier, c'est à peine si je me rappelle son visage. Le crime est peut être génétique... Je me suis exercé tôt dans les rues de Voilaroc à voler, à observer sans me faire voir. Je n'ai pas vraiment eu une enfance classique, je ne suis pas rentré au lycée. J'ai survécu par de petits boulots, jusqu'à arriver à Celestia et..."

Nocturne avait baissé la tête, il n'avait pas besoin d'un miroir pour comprendre que ses joues, devenues chaudes, devaient avoir rougies.

"Je suis désolé de vous avoir ennuyé avec ses histoires, ça ne doit pas vous intéresser. Sinnoh est ma région natale, là aussi où j'ai commencé ma carrière dans le crime, si on puit dire... Et vous, vous avez connu Sinnoh, alors ?" Le brun avait relevé la tête, le rouge avait déjà disparu, mais pas le trouble qu'on pouvait lire sur son visage.

HRP:

« Je doute que le crime soit génétique… Chacun fait de sa vie ce qu’il veut en faire, croyez-moi, je ne ressemble en rien à mon propre père, ajouta-t-il d’un ton ferme. Et puis, le vôtre n’était qu’une petite frappe, selon vos mots, alors que vous avez atteint un grade bien plus élevé. Où se trouve la génétique là-dedans ?»

"Nulle part, j'imagine... Vous devez avoir raison", je réponds laconiquement.

Je me laisse bercer par ses paroles. Je ne me suis jamais posé de questions sur mon père. Je n'ai même jamais eu de regrets à ne pas l'avoir connu, ma seule famille a toujours été mes compagnons de route, mon équipe Pokémon. Mais je doute qu'un individu comme Alexander Strauss puisse comprendre. Les rumeurs allaient de bon train, et les bruits de couloir racontaient qu'il voyait plus ses Pokémon comme de beaux bibelots. En fait, à y repenser, c'était déjà un miracle que j'ai pu rester un certain temps dans la même pièce qu'une personne avec une telle mentalité. Comme quoi, rien n'est tout blanc ou tout noir.

« Au contraire, cela m’intéresse… Nous sommes collègues après tout, cela ne nous empêche pas de faire connaissance, n’est-ce pas ? Je pense même que plus les membres de la Team Némésis seront soudés, plus celle-ci sera efficace, vous ne croyez pas ? »

Là, la réflexion fait naître un petit sourire en coin sur mes lèvres. C'était cocasse de dire ça à propos d'une organisation qui implosait, lentement mais sûrement, suite à la fuit de son leader. Eon avait fui et tout emporté avec lui. Enfin, il restait certains fonds et certaines ressources. D'ailleurs, comment lui, Strauss, et moi pourrons collaborer ? J'aime les Pokémon plus que tout, et je lutte pour faire tomber le régime de la Ligue qui est trop laxiste et laisse les dresseurs faire n'importe quoi, et lui... Je ne sais même pas ce qu'il souhaite, à part les utiliser pour faire joli. Mais je le laisse poursuivre, haussant simplement des épaules.

« Je suis originaire de la région Kalos, où j’ai débuté ma carrière de criminel, puis j’ai vécu quelques temps à Sinnoh. Une très belle région, je dois dire, j’y serais même sans doute resté si les autorités n’avaient pas retrouvé ma trace. », ajouta-t-il avec une pointe d’agacement.

Je lui adresse un sourire franc.

"Les policiers sont tenaces, on peut leur reconnaître ça. Compétents, après... Ils n'ont jamais réussi à m'attraper, alors que je n'étais qu'un voleur de bas étage."

Après d'autres échanges de politesses et d'anecdotes, je finis finalement par me lever, en m'excusant, lasse. Je regarde une dernière fois mon interlocuteur... Vraiment dommage qu'il ait une estime si basse des Pokémon. Il est plutôt pas mal dans son genre. Avant de partir, je lâche un ultime :

"J'espère qu'un jour, vous réussirez à aimer autant les êtres vivants que sont les Pokémon autant que vous appréciez la beauté d'un tableau. Sur ce, je me retire."