♫ ♪ Une araignée ♪ ♫ [Twinkle Star ★, Mega]

Je courrais à en perdre haleine. Les buissons me cinglaient les jambes sans arrêter ma course effrénée, et les feuillages des basses branches claquaient dans mes tympans, tels des fouets à la recherche de leur victime. M'enfuir. Je devais m'enfuir. Aussi vite et aussi loin que possible. Loin de toute cette folie. Loin de tous ces mensonges auxquels j'y avais si naïvement crus. Telles étaient les pensées qui agitaient mon esprit. Un bruit retentit derrière moi suivi un éclat de voix qui ne m'était pas inconnue. OH NON ! Il m'avait presque déjà rattrapée ! Je devais le semer ! Mon coeur battait la chamade, emballé par La peur poignante d'être retrouvée. Non ... Non ! NON ! Ca n'était pas possible ! Il ne pouvait pas me ramener là-bas ! Je refusais ! Les poings serrés, je redoublais d'effort, portée par une force que j''ignorais. Sans doute était-ce qu'on appellait : l'énergie du désespoir. Dans ma course, je traversais un bosquet. Pour la première fois depuis mon évasion, j'apercevais le ciel. Mon regard s'attarda une demi-seconde sur la beauté de cet azur piqueté de constellations et je fus impressionnée par la pureté de la lune. Cette vision m'émeut plus que raison et sans même que je m'en aperçoive, j'avais d'ores et déjà ralenti ; cet instant me fut fatal.

- Isami ! m'interpella la voix, à bout de souffle.

Je me figeais sur place, haletante, dos à mon poursuivant. Je ne me retournais pas tout de suite. Je savais qu'il s'était arrêté aussi, à l'autre bout de la clairière. J'attendis un moment pour me calmer avant de lui faire face tout d'un coup, les yeux plein de détermination et les poings serrés.

- Sakamoto, lui répondis-je, la voix ferme.

Il était habillé exactement comme hier. Après avoir appris ma traîtrise, sans doute s'était-il mis à ma poursuite sans même prendre le temps de se changer. Son kimono était maintenant déchiré à plusieurs endroits... Un tissu et un ouvrage de si grandes qualités : c'était du pur gâchis ! Comme d'habitude, ses cheveux rebelles lui faisaient des épis improbables sur la tête ; épis que j'avais pris l'habitude d'aplatir d'une caresse affectueuse. Non. Je ne céderais pas à ce genre de niaiserie. Ma décision était déjà prise. On se toisa du regard quelques instants, parfaitement immobiles. Je lisais dans le sien tout un tas d'émotions qui le rongeaient : l'affolement, l'incompréhension, l'inquiétude... mais également la déception et une profonde colère froide. Je restais inflexible. Le silence s'éternisait, et il prit la parole.

- Isami, je... je ne comprends pas ! Pourquoi fais-tu cela ? Pourquoi as-tu trahi le seigneur Shikimura et déserté nos rangs ? C'est incompréhensible ! On a toujours été ensemble ! Le seigneur, sa famille, tout le monde ! Nous étions tous une grande famille pourtant non ?!
- Non ! C'est toi qui ne comprends pas Sakamoto ! répliquais-je, pleine de virulence. C’est toi qui te laisse abuser par ses belles paroles et ses belles apparences ! J’ai toujours pensé que notre maître était quelqu’un de bon, gentil et généreux, et c’est pour cette raison que je lui avais prêté allégeance en pensant servir quelqu’un de bien, aidant les plus faibles et aimé de son peuple ! Mais tout cela ce n’était rien que des mensonges depuis le début ! Tu l’as vu aussi bien que moi, non ?! Quel genre de seigneur peut-il prétendre être un vrai noble alors qu’il vole ses gens, l’affaiblit ses familles, et les laisse crever dans leurs misères et la famine ? Tandis que lui, il vit dans l’opulence et l’excès ? Pendant toutes ces années, j’ai cru à la bonne cause du seigneur Shikimura et maintenant que je découvre la réalité de ses fausses paroles… je …je… Je refuse de servir un homme aussi méprisable...
-Enfin ! Ne sois pas idiote ! Leurs situations ne te concernent pas ! Toi, tu n’as jamais souffert de tous ces maux, et c’est grâce à notre maître que tu as pu survivre jusqu’à maintenant ! Qui est-ce qui t’a recueilli alors tes parents ne voulaient plus de toi ? Qui t’a donné un toit pour te protéger ? Qui t’a nourri à sa propre table ? Qui t’a éduqué et a fait de toi ce que tu es aujourd’hui ?! Ne sois pas ingrate envers maître Shikimura ! Reviens sans faire d’histoire et je suis sur qu’il te pardonnera !
- Il ne l’a jamais fait par générosité ni par pitié. Mais par pur intérêt, Sakamoto. Tu le sais très bien. Et c'est exactement pareil pour toi...
- JE T’INTERDIS DE DIRE CA.
- Pourquoi est-ce que tu te mets en colère si tu penses que c'est un mensonge ? poursuivis-je, implacable. Au fond, tu sais que j'ai raison ! Il prétend être de notre famille, mais il nous utilise comme des objets qu'il sacrifierait sans aucun état d'âme.
- TU TE TROMPES. Je t'en prie Isami, arrête de dire des bêtises, et reviens ! Si tu t'en vas je... Et tu pourrais être mise à mort ! Est-ce ça que tu veux : MOURIR ?
- Je... pour la première fois, j'hésitais un court instant, mais me ressaissis bien vite : je ne mourrais pas avant d'avoir racheté mes fautes. Je combattrais aux côtés de ceux qui veulent renverser maître Shiki... ceux qui veulent renverser Shikimura pour ses nombreux abus sur le peuple de Kanto.
- Isami... je t'en supplie...
- ... désolée Sakamoto. Ma décision est déjà prise... La prochaine fois que l'on se reverra, ce sera en tant qu'ennemi... bien que je t'ais toujours aimé...

Quelques larmes m'échappèrent lorsque je prononçais ses dernières paroles, la voix tremblante. Je me retournais et disparus entre les arbres, laissant mon plus cher ami, seul et amer.

- Eeeeeeeeet... COUPE ! résonna une voix dans un mégaphone.

Pfiouuuuuuuu ! J'épongeais la sueur imaginaire de mon front en sortant du buisson. Et ben dis donc, elle était intense celle là !

- Bien joué les gars, vous avez fait un super boulot, reprit le réalisateur sur sa grue. La scène était parfaite ! Une heure de pause pour tout le monde ! On a bien avancé et vous l'avez bien mérité !

Tout le monde passa un soupir de soulagement de concert. La journée avait été longue et la nuit s'annonçait encore plus difficile pour toute l'équipe. Aussi, une heure de repos bien méritée était la bienvenue. On travaillait sur une nouvelle série. Pour une fois, j'avais obtenue un rôle un plus important, et dans un genre tout nouveau pour moi. A une époque médiévale orientale où j'incarnais une jeune fille ninja qui rebellait contre son seigneur. C'était tellement excitant ! Les costumes étaient tous magnifiques bien que je n'y fus pas habituée.

Costume et coiffure de Twinkle pour ce topic :

Iris qui attendait sagement la fin de la scène près des mes affaires se précipita vers moi et me lécha le visage gaiement. J'avais été plutôt impressionnante sur cette séquence et elle me félicitait à sa manière. Je discutais quelques instants avec l'acteur de "Sakamoto" sur notre performance et on se sépara bien rapidement, satisfaits. Il y avait beaucoup d'animation sur le plateau de tournage, aussi, je voulais profiter du calme de la forêt pour me ressourcer et réviser mon texte en toute tranquillité.

- Papa, je m'éloigne un peu pour répéter mes prochaines scènes ! fis-je à l'intéressé.
- Ne te perds pas, et fais attention à toi mon bouton d'or, répliqua-t-il avec son éternel sourire.


Je lui répondis par un signe de la main, pris mon petit sac à dos et partis, Iris sur les talons. Je marchais tout droit jusqu'à la prochaine clairière. Le temps était dégagé, l'endroit vide et silencieux de tout bruit humain. Seuls les sons de la nature et des pokémons résonnaient. J'avançais lentement jusqu'au centre du bosquet et déposais mon sac sur le tapis de mousse. A quelques mètres devant moi se trouvait une souche d'arbre allongée sur le sol. C'était l'endroit idéal pour m'entrainer... AU LANCER DE SHURIKENS. Je dégainais trois de ces instruments dissimulés sous les vêtements.

- YAHAAAAA ! m'écriais-je sans retenue en jetant les armes sur le tronc d'arme mort où elles s'y plantèrent dans trois gros "POP!" successifs.

C'était la première fois que j'étais en possession de ce genre de choses. Forcément je voulais essayer de faire comme dans les films ! Même si, en réalité, ces shurikens 'étaient là qu'à titre accessoire et que je n'avais pas besoin d'apprendre à les lancer. Mais plonger dans le personnage était le meilleur moyen de l'incarner.

Hmphf. Ce n'était pas trop mal ! pour une première fois. Je détenais peut être don ! Peut être qu'un vrai ninja dormait au plus profond de moi-même et ne demandait qu'à sortir au grand jour. Une vraie Isami des temps modernes, pratiquant le ninjutsu dans sa forme la plus pure. Bondir de toit en toit et de branche en branche dans le silence le plus total, maîtriser plusieurs formes d'art martiaux, manier toutes les armes traditionnelles, espionner en usant discrétion, ruse et tromperie, parfaire les techniques de l'ombre, rester tapi dans les ténèbres en guettant le bon moment pour ...  !

Alors que je tirais un quatrième shuriken, un gros "AAH ! AH CA BRÛLE ! AH TA MÈRE CA BRÛLE !" tonitruant retentit dans tout le bosquet. Je sursautais et lâchais l'instrument, prise de surprise ; l'objet tomba mollement sur le tapis d'herbe sans aucun bruit. Iris glapit et bondit d'au moins 20cm avant de se plaquer au sol,  bien à l'affût. Plus par jeu qu'autre chose. Elle me lança tout de même un regard intrigué.

What the. Mais, qu'est-ce que c'était à l'instant ? On aurait dit... le cri d'un homme à l'agonie, consumé sans pitié par des flammes dévorantes ! Qu'arceus nous vienne en aide pour sauver ce pauvre homme. Surtout au milieu d'une forêt. Il me semblait que le hurlement venait... de là bas ! Sans réfléchir un instant de plus, je m'élançais en direction des grognements, dépassais la dite personne sans m'en rendre compte et fonçais droit dans un épais buisson. Qui me rejeta aussitôt. Je tombais par terre, un peu sonnée d'avoir été ainsi repoussée par le mur végétal. J'atterris à côté de quelqu'un. Ce n'était ni une personne en feu ni un membre du staff, mais bel et bien un jeune homme inconnu.

Je me relevais vivement, et après avoir alterné plusieurs fausses positions de défense absolument ridicules de Kung-Fouine, et lui demandais d'une voix fraîche et claire :

- Qui êtes vous ? Que faites vous ici ? Est-ce vous qui venez d'attaquer quelqu'un ?!

En pointant sur lui, un doigt accusateur, le regard plein de défi.

- Quoi ? Mais non, pas du tout. Cette petite araignée vient de me mordre le doigt, d'où le cri.

Je haussais un sourcil devant son excuse. Sous le couvert des arbres, les feuillages filtraient la lumière nocturne et tamisaient l'éclairage, si bien que je dus m'accroupir près du jeune homme pour mieux observer. Il tendait son bras dans ma direction et m'invitait à constater par moi-même ses dires. La Nymphali céda aussi à la tentation et pointa le museau vers l'objet de curiosité générale. Une petite créature se tenait effectivement sur le dos de sa main et nous dévisageait de ses grands yeux globuleux. C'était... Oooooh ! C'était ...

-  Une Statitiiiiiiiik ! m'exclamais-je avec un soupir d'adoration.

Mon regard pétilla soudainement devant la mignonnitude du pokémon. Je portais mes mains à mes joues dans une expression de profonde admiration.

- Waaaah, elle est tellement a-do-rable en plus ! Avec ses petites papattes toutes velues ! Elle a l'air si douce au toucher ! Je peux la caresser ? demandais-je soudainement en armant déjà un doigt dans sa direction. C'est ton pokémon ? ou tu l'as juste trouvé là ? C'est cette  toute petite chose qui t'as fait hurler comme un Brouhabam tout à l'heure ? Tu as l'air un petit douillet quand même ! Oooh, mais regarde moi cette charmante petite frimousse ! Mais c'est qu'elle est trop mignonne cette petite ! Mais oui, trop mignonne !

J'étais entièrement concentrée sur la petite bête. Je relevais soudainement la tête, avec un air passablement ennuyé.

- Tiens, mais c'est bizarre qu'elle soit toute seule, remarquais-je. J'ai entendu dire que ce genre de pokémons vivait toujours en colonie, surtout en milieu naturel... où est passée sa famille ? Elle s'est peut être perdue. La pauvre... fis-je d'un ton à fendre l'âme.

Tout dans cette petite bête réveillait en moi des instincts typiquement féminin, et très rapidement je n'eus d'yeux que pour elle. Mon regard se remplit de mille et une étoiles d'adoration tandis qu'un sourire perdu entre la niaiserie et le ravissement se profilait sur mes lèvres entrouvertes. En même temps, comment ne pas craquer devant ses yeux chatoyant d'une innocence aussi pure ? J'entrepris de la caresser en l'effleurant à peine par crainte de l'écraser par mégarde ; elle n'était pas en porcelaine mais je songeais à elle comme une frêle créature sans doute aussi fragile qu'un nourrisson, car c'est ce qu'elle semblait être : un bébé pokémon. Un léger fourmillement me picota le bout du doigt. L'électricité statique emmagasinée dans la fourrure du Crampon était telle qu'elle m'envoya une faible décharge. Je stoppais mon mouvement, surprise qu'une chose si minuscule puisse contenir autant d'énergie, et repris mes cajoleries avec autant d'amusement que de fascination.

Je réfléchissais tout haut en pensant à la colonie de cette Statitik. Quelle était courageuse de s'aventurer si loin de sa famille ! Quel esprit curieux l'avait guidé jusqu'ici ? Maintenant elle était perdue, et retrouver les siens dans cette immense forêt ne s’avérerait pas être une mince affaire. Il faudrait probablement plusieurs jours pour cela, et encore plus si elle est toute seule ! Est-ce qu'elle se souvenait d'où elle venait ? Ou vers quelle direction elle se dirigeait ? C'étaient des pistes à ne pas négliger, mais son esprit infantile serait-il capable de se remémorer ces informations ? Ou peut être -et cette pensée me serra douloureusement la poitrine- qu'elle avait été... abandonnée ?  Qu'allait elle devenir si c'était le cas ? Ce serait trop horrible de la laisser ainsi : livrer à elle-même, toute jeune qu'elle était. L'inquiétude peint mon visage d'une bien triste expression. C'est alors que le jeune homme résolut le problème aussi simplement que possible :

- Sa famille, à partir d'aujourd'hui, ce sera Tek, Sprint et moi.

Je relevais soudainement la tête, l'anxiété cédant sa place à la stupeur puis à la gratitude.

- Oh ? c'est vrai ? Tu ferais ça ? fis-je avec une profonde reconnaissance, comme s'il s'agissait de mon propre problème. Mais ce serait vraiment super ! Tu ne seras plus toute seule comme ça, ajoutais-je à l'adresse l'intéressée. Mais... qui sont Tek et Sprint ? demandais-je en penchant la tête.

Je devinais bien qu'il s'agissait de ses pokémons, mais les surnoms piquèrent ma curiosité.

Iris de son côté, profita de cet instant de liberté pour se dégourdir les pattes en gambadant ça et là dans la clairière. Elle était priée de rester tranquille pendant le tournage, mais sa jeunesse rendait parfois difficile les longues heures d'immobilisation forcée. Aussi, tout instant de récréation était la bienvenue. Elle prit une grande inspiration en relevant le museau dans l'air frais de la nuit ; des parfums de terre humide et d'humus flottaient agréablement dans l'atmosphère, comme les senteurs délicates qu'on perçoit qu'une fois le soleil couché. Ses rubans ondulaient dans une brise nocturne avec une légèreté et une grâce sans pareil. Elle ferma les yeux pour apprécier d'autant plus cet instant. Tout à coup, elle rouvrit son regard céruléen, rabattit sa truffe au sol et disparut à l'orée du bosquet.