T'es un mouton, faut que tu deviennes un loup (PV LILI)

Lili foulait le sol de New Esperantown alors que le soleil se levait à peine au-dessus de l’horizon. Son pas était rapide, son rythme modéré, elle faisait son footing matinal. Elle appréciait ces heures particulières de la journée ; cet entre-deux du jour où ombre et lumière se côtoient paisiblement avant le lever du soleil. La présence d’un pokémon durant son exercice la rassurait ; le plus prompt à se lever au aurore était sans nul doute Gossyp, son Doudouvet, qui flottait dans son sillage en silence.

La jeune femme avait déjà parcouru un bon tour de la ville quand les premiers rayons du soleil commencèrent à poindre et illuminer le sommet des grandes tours de l’Abyss. Sans prendre le temps d’arrêter sa course, elle observa les deux immenses bâtiments. “Quel étrange paysage quand même”, songea-t-elle, “elles semblent sortir de nulle part pour s'élancer vers le ciel comme un défi adressé à Jirachi… ou à la Ligue de Maïlys aussi”. L’azur se teintait déjà d’un bleu pâle. Il était temps de rentrer à sa chambre d’auberge.

Sur le chemin du retour, les habitants de New Esperantown se faisaient de plus en plus en plus nombreux dans les rues ; ils vaquaient à leurs occupations habituelles. Il y avait une certaine quiétude dans ces gestes du quotidien. Certains d’entre eux la saluaient d’un mouvement de tête auquel Lili répondait avec un sourire poli ; malgré leur apparence bourrue, cette population de survivants devait simplement souhaiter une vie normale et paisible -au moins une partie d’entre elle, et même si le destin le voulait autrement.

La jeune femme arriva à son hôtel bon marché. Elle prit une douche et s’habilla de frais : un short en jean, un tee-shirt blanc, un sweet à capuche noir et des bottes en cuir marron. Il n’y avait pas besoin de plus. Après s’être passée un coup de peigne dans les cheveux, elle se regarda dans le miroir de la salle de bain. Elle prit une grande inspiration et se claqua les joues des deux mains. C’est bon ! Elle pouvait commencer sa journée à présent. En descendant des escaliers, Lili croisa la tenancière de l’établissement :
- Encore à la recherche d’ennuis, jeune fille ? lui lança-t-elle avec un ton mi-amusé, mi-sérieux.
- Toujours ! Et cette fois-ci, j’espère bien en trouver ! répliqua Lilas en se précipitant à l’extérieur du bâtiment.

Elle avait toujours un petit creux après son sport du matin. Elle erra donc dans quelques rues dans l'espoir de trouver une échoppe qui correspondait à ses attentes. Ca tombait bien, en voilà justement une qui semblait lui convenir. Elle entra dans l'établissement : c'était un petit café de quartier qui avait l'air tout à fait respectable. Il était encore tôt, les clients se faisaient donc peu nombreux autour des tables : un homme avec un chapeau qui lisait son journal dans un coin de la pièce, un couple avec leur Rocabot qui petit-déjeunaient tranquillement à côté de la fenêtre, et un jeune homme qui sirotait un café au comptoir. Lili s’installa à quelques places de lui puis s’adressa à la patronne :
- Serait-il possible d’avoir un cappuccino avec beaucoup de crème, s’il vous plait ?
Oui, c’était bizarre et au final, ça n’avait plus rien d’un cappuccino, mais Lili les aimait ainsi.

En attendant sa commande, la jeune femme laissa trainer son regard autour d'elle. Celui-ci s'arrêta sur son voisin, dont la chevelure bleue avait attiré son attention. Elle le dévisagea un instant avant de remarquer les hématomes qui ornaient son visage. Ou du moins, sur la partie de son visage qui n’était pas dissimulée.
- Vous avez vraiment une sale tête, fit-elle sans aucun tact. Vous avez passé une dure soirée on dirait.

- Ha ça... L'oeuvre de gens bourrés qui n'ont rien trouvé de mieux à faire que de tapper des gens de passage, je te laisse deviner comment s'est passée ma soirée, déclara le jeune homme avec un sourire entendu.
- Ah, rétorqua-t-elle. Des imbéciles comme ça il y en a partout malheureusement... . Oh, merci, fit elle à la patronne lorsque celle-ci lui apporta son cappuccino.

Elle en but une gorgée et trouva le breuvage tout à fait à son goût.

- Exactement comme je les aime, déclara-t-elle avant de remercier une nouvelle fois la serveuse. Elle reprit la conversation avec son voisin : c’est bien ce que je disais, vous avez passé une dure soirée.

Au moins, il ne semblait pas s’en émouvoir plus que ça, mais les ecchymoses semblaient quand même bien douloureuses. Lili grimaça en buvant son café en imaginant les coups qui ont dû pleuvoir sur son visage.

- Je t'ai jamais vue dans le coin, je me trompe ? Tu es nouvelle en ville ?

La jeune femme reposa sa tasse et sourit. Il devait être un habitué des lieux pour poser cette question, les nouveaux visages ne devaient pas passer inaperçus pour la clientèle régulière.

- Oui, c’est exact, affirma-t-elle d’une voix qu’elle voulait enjouée. Cela fait à peu près une semaine que je suis arrivée à Esperantown. Enfin… New Esperantown, se reprit-elle. Elle soupira. Désolée, je viens tout juste de revenir à Maïlys aussi, je ne me suis pas encore remise des changements qui s’y sont déroulés ces dernières années… Je suis un peu sous le choc, ce n’était pas du tout comme ça quand je suis partie. Elle prit une nouvelle gorgée, laissa le liquide chaud enrobé son palais, l’air pensive, avant de reprendre : Vous… tu es originaire d’ici aussi ? Tu étais là quand les dernières catastrophes se sont abattues ? Elle réfléchit un instant. Désolée, c’est peut être un peu trop intrusif comme question.

Et un peu déprimant comme sujet pour débuter une si belle journée, ajouta-t-elle intérieurement. M'enfin, on ne peut pas toujours être de bonne humeur.

- T’inquiète.  Et pour répondre à ta question, non, je ne suis pas originaire d’ici. Je suis arrivé il y a environ deux ans. Je viens de l’archipel d’Alola.

Alors Cheveux bleus n’était pas originaire de l’île, mais même en n’étant arrivé que “récemment”, il avait déjà pu constater les ravages qui sévissaient sur place. La phrase suivante confirma ce fait.

- Oui, on peut même dire que j’étais en première ligne

En première ligne ? Lili se retint d’hausser un sourcil et ne cilla pas, mais sa curiosité avait bel et bien été piquée. Que voulait-il dire exactement par là ? Avait-il fait parti des civils qui s’étaient levés pour défendre Maïlys ? Ou peut être… le contraire ? Après tout, on était à New Esperantown et on pouvait s’attendre à rencontrer n’importe qui dans cette ville de rédemption - ou non. Après tout, Abyss offrait une nouvelle vie à qui le souhaitait, peu importe son passé.
Le jeune homme s’apprêtait à ajouter quelque chose mais il fut interrompu par une Bombydou ; il la salua avec un grand sourire. Sans même s’en rendre compte, la comédienne l’avait imité ; elle avait toujours trouvé ces pokémons si adorables du haut de leur 10 cm. Curiosité ou méfiance, les deux avaient fondu comme neige au soleil à l’arrivée du pokémon.

- Excuse-moi, je sais qu’il est encore tôt et qu’il fait pas très chaud, mais est ce que ça te dérangerais si on allait s’installer en terrasse ? demanda-t-il. Mes compagnons viennent d’arriver, ils m’attendent dehors.
- Oh, ce serait même avec plaisir ! rétorqua-t-elle avec un nouvel entrain. La matinée est magnifique, ce serait dommage de ne pas en profiter. Et puis, c’est aussi plus agréable.

Lili prit sa tasse et accompagna le jeune homme à l’extérieur ; le soleil l'éblouit à la sortie du café. Elle avait bien fait de mettre un pull aujourd’hui. La fraicheur de l’air l’a fit à peine frissonner. Là, attendait une équipe complète de pokémons : un Salamèche, un Riolu, un Draby, un Efflèche et un Lougaroc.
- Ohhhh ! s’émerveilla l’actrice, en particulier devant le pelage du Loup. Il s’agit de ton équipe ? demanda-t-elle pour relancer la conversation.

Elle s’installa à une table à proximité et but une gorgée de sa boisson. Elle hocha la tête, approbatrice, à la fois devant la vision qu’offrait les compagnons de Cheveux bleus que le cappuccino.

- C’est une bonne idée, fit-elle. Cela ferait du bien aussi à Gossyp et Méli de sortir. Ca ne t’embête pas si je sors aussi mes pokémons ?

Sans attendre sa réponse, elle joignit le geste à la parole et libéra le Doudouvet et la Scrutella. La boule de coton flotta quelques instants et vint se poser sa tignasse brune, tandis que la Scrutella, debout sur la tête la dévisageait de ses grands yeux bleus glacés, la tête penchée légèrement sur le côté. Lili sourit et eut une hésitation. Elle avait toujours cette petite appréhension quand Mélisse était hors de son honor ball.

- Au fait, ajouta-t-elle à l’adresse de son interlocuteur. Je m’appelle Lili ! Et voici Gossyp (elle montra de la main le Doudouvet perché sur sa tête) et Méli (elle désigna de la même manière la Scrutella). Oh, ne bougez pas, je reviens.

La comédienne fit un saut à l’intérieur et revint à une assiette de cookie pour tout le monde.

- Prenez en! il y en a pour tout le monde.